« Le PCF n’a pas été le seul à passer à côté du mouvement de Mai-68 » (Roger Martelli)

dimanche 20 mai 2018.
 

Dans son dernier ouvrage, Roger Martelli revient sur les rendez-vous manqués du Parti Communiste Français, à l’heure des mouvements naissants de Mai-68 mais aussi lors de l’écrasement du printemps de Prague qui sera pour le PCF "le véritable choc affectif" selon l’historien, invité de #LaMidinale.

Sur les motivations de l’auteur

« Le parti communiste est un des acteurs majeurs de 1968. Je ne pouvais pas passer à côté d’autant que désormais nous disposons d’archives qui nous permettent d’y voir plus clair. »

« Il y a une raison plus personnelle qui est qu’en 1968 je suis entré en même temps, d’un coup, en quelques jours en politique et en communisme. »

« Je fais partie de cette jeune génération scolarisée qui d’un coup bascule dans la politique avec un cortège d’attentes, d’espérances et aussi d’illusions. »

Sur la distance des communistes avec le mouvement naissant de 68

« Le mouvement étudiant qui est le déclencheur des événements de 68 n’est qu’une partie de ce mouvement. »

« Le Parti communiste est passé à côté du mouvement étudiant à ses débuts (…) qui est un mouvement exubérant et brouillon qui désarçonne un parti qui se veut un parti d’ordre depuis 1936. »

Sur la stratégie politique du PCF

« Au moment où la grève atteint son apogée, c’est le moment où vont s’ouvrir les négociations de Grenelle, et il se trouve que la situation devient étonnamment confuse : l’extrême gauche rêve des grandes impulsions insurrectionnelles d’octobre 17. Les socialistes sont tentées par des combinaisons centristes. Et Pierre Mendes-France, apparait comme le grand recours, l’homme providentiel. Le PCF a l’impression qu’a nouveau, c’est la vieille tentation de la 3ème force qui est en train de prendre le devant et pour lui c’est impossible. Pour le PCF il n’y a pas d’autres solutions que l’union de la gauche. Tout ce qui s’écarte de ça, il le combat. »

« La perspective des élections législatives qui pour lui était une issus éventuellement positives, va se révéler une impasse. C’est le PCF qui va en payer le plus durement le prix. »

Sur le choc de l’invasion soviétique en Tchécoslovaquie

« 1968 a été un moment difficile mais le véritable choc affectif c’est l’écrasement du printemps de Prague en août 68. C’est l’image du socialisme, du bloc dans lequel le PCF voyait depuis le départ une perspective d’émancipation. »

« Le PCF fait ce qu’il n’avait jamais fait jusqu’alors : il condamne l’intervention alors qu’il avait approuvé la répression l’insurrection féroce de Budapest en 1956. »

« Le PCF n’a pas vu l’ambiguïté du terme normalisation. La normalisation ça peut être la normalité de la paix civile qui vaut mieux que le bain de sang de la guerre civile. Mais la normalisation c’est aussi la mise à la norme et le problème c’est que c’est la mise à la norme qui va dominer et qui va enterrer définitivement le grand rêve du printemps de Prague, ce socialisme a visage humain. »

« Le PCF ne voit pas que sa prudence diplomatique affecte sa propre image et va lui couter bien cher par la suite. »

Sur les liens entre Mai-68 et le printemps de Prague

« On sait que le mouvement de 68 a été un mouvement planétaire. C’est le seul véritable mouvement planétaire qu’on ait pu connaitre depuis la vague révolutionnaire de 1917. »

« Le caractère planétaire du mouvement dit qu’on est face à des questions de sens nouvelles, et c’est cela qui piège le PCF (…) car il ne voit pas l’émergence des questions nouvelles. »

« Cette cécité va se prolonger dans les années qui vont suivre quand il va regarder avec distance le féminisme, l’autogestion, l’écologie politique. »

Sur ce qui a échappé au PCF

« Le PCF n’a pas été le seul à passer à côté du mouvement. Le gauchisme, qui est l’obsession du PCF au début de 68, ne réussit pas plus. »

« En vivant sur le souvenir d’octobre 1917, le gauchisme passe à côté de l’essentiel de 68. »

« Le paradoxe c’est que la force qui tire le bénéfice de 1968, c’est la social-démocratie relancée en 1971 par Mitterrand qui intègre l’esprit de 68. »

« La force du communisme en France c’est de ne pas être seulement un parti. Le communisme, c’est en réalité une galaxie d’organisations, avec du syndical, de l’associatif et du culturel. »

« Le Parti communiste a manqué un certain nombre de trains qui passent, en particulier celui de 68 et de ce qui va suivre, ce qu’on a appelé les nouveaux mouvements sociaux, il perd la main. Il perd sa galaxie. »

Sur le PCF aujourd’hui

« Le PCF s’est rabougri, s’est appauvri et a laissé la main à d’autres. »

« C’est aux militants communistes de dire s’ils veulent persister dans une solitude déclinante ou s’ils veulent s’insérer dans une construction beaucoup plus ambitieuse dans laquelle je continue à penser qu’ils ont leur place à côté de beaucoup d’autres. »


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