Nous avons pris le bon chemin pour que notre destin ne soit pas celui des Italiens

lundi 4 juin 2018.
 

La situation en Italie après les élections donne finalement le pouvoir à la Ligue du nord et au mouvement Cinq Étoiles. Bien des journalistes en ont aussitôt compris tout le sens avec leur merveilleuse agilité intellectuelle habituelle. La question clef me fut donc posée sur RTL après une discussion sur le mariage princier et « la nostalgie des Français pour la monarchie ». « Monsieur Mélenchon peut-on imaginer une coalition de ce type en France ? ». Et, dans le cas où j’aurai mal compris, « par exemple une alliance avec le Front national ? ».

Il est difficile pour nous d’imaginer une idée plus stupide, et, du coup, plus difficile encore de croire que ce ne soit pas une provocation. Et pourtant, je ne crois pas que ce le soit. Ceux qui m’interrogent, et notamment celui qui le faisait sur RTL, sont tout simplement incapables de penser hors des clous de leur prémices habituelles. Ils ont inventé une catégorie avec le mot « populisme » leur permettant, en les réunissant dans une même case, de nier l’identité de leurs deux principaux adversaires. C’est à dire ceux qu’ils situent avec un autre mot creux : « les extrêmes », étant entendu que la catégorie extrême libéraux n’existe pas, même quand elle est au pouvoir et met la pagaille dans le pays comme c’est le cas actuellement en France et comme ce fut le cas en Italie avant la déroute du Macron local, Matteo Renzi qui a ouvert les portes du pouvoir à la coalition actuelle.

À nos yeux, tout ce vocabulaire est un fatras destiné non à faire comprendre la réalité mais à mener le combat idéologique. Nous ne l’avons jamais pris au sérieux une seconde. Certains commentateurs non plus. Je me souviens très bien de Jean-François Khan ironisant sur le mot « populisme » quand on l’utilise pour désigner à la fois le feu et l’eau, le sel et le sucre. Mais les répétiteurs de la doxa « officialiste », à force d’en user, finissent par y croire et par penser avec des catégories politiques sans aucune réalité. Ce ridicule n’est pas nouveau dans l’histoire des idées. Le philosophe Bayle en riait dans la lutte que menaient les Lumières du 18ème siècle contre l’obscurantisme « il n’est rien de plus ridicule que de discuter des effets d’une cause qui n’existe pas ». Il s’agissait des conséquences de la volonté de Dieu quant à l’origine du bien et du mal.

Ici les mots « populisme » et « eurosceptique », ou « les extrêmes » ont fonctionné comme un piège mental, une sorte de papier collant tue-mouche qui aura scotché la pensée des commentateurs, experts politologues et autres diseurs de bonne aventure médiatique. La vérité tient à peu mais elle ne peut se comprendre du point de vue de ce balcon-là. Le gouvernement Renzi, enfant de l’extrême décomposition de la « gauche » italienne, a fait du Macron avant l’heure. À fond. Les mêmes textes, les mêmes copiés-collés des oukases de la Commission européenne, tout comme Macron, sans compromis et en force. Le parti de Renzi, eurobéat et euro-enthousiaste, lié à l’internationale socialiste et siégeant avec le PS au Parlement européen, s’est effondré. Une étape classique dorénavant du processus dégagiste en action partout sur la base du suicide des anciens partis « de gauche ». Mais faute d’une opposition de type « La France insoumise », la main est allée aux droites extrêmes.

Il s’agit de la troisième économie de l’Union européenne. Bien sûr, le gouvernement de ces énergumènes ne donnera rien de ce qui en est attendu et bientôt viendra la capitulation officielle à la Tsípras sur les questions européennes. N’ont-ils pas déjà rabattu à quasi néant leur prétentions sur le sujet ? D’autre part, avant même quelque bataille que ce soit, on sait que les olibrius prévoient la réduction de l’impôt sur le revenu à deux tranches en lieu et place de l’impôt proportionnel sur les revenus. Une signature sociale de droite extrême, plus lourde encore que la suppression de l’impôt sur la fortune par Macron. On voit ce que Macron donnera si nous cessons un seul instant d’épouser la vague dégagiste et de nous battre pour lui donner un contenu progressiste.

En Italie, nos amis ont été incapable de prendre la tête de cette vague. Je n’en raconte pas l’histoire ici. Nous étions parvenus à reconstituer un socle d’action commune entre les différentes factions de gauche indépendante qui se battent là-bas les unes contre les autres, sans trêve ni pause, sans avoir fait leur transition vers la ligne populaire et mouvementiste sous la forme « politico-sociale » de « La France insoumise ». C’était la formation d’une « liste Tsípras » aux dernières élections européennes. Patatras ! La trahison de Tsípras a renvoyé chacun à ses guerres et laissé sur le bord du chemin le peuple italien des « Lumières », celui qui avait construit le plus puissant mouvement communiste de l’Europe de l’ouest et le plus vibrionnant des PS ! Le premier s’est dissout dans la démocratie chrétienne, le second est mort dans le poison de la corruption. Toute la scène politique italienne s’est désintégrée comme en France d’abord au profit d’un aventurier, « jeune », « moderne », « débloquant » la société italienne : Matteo Renzi. Ce fut la loi sur les mini contrats de travail, le relèvement de l’âge de la retraite et tutti quanti, en cours d’application à présent en France.

Matteo Renzi. Comme Emmanuel Macron, il avait commencé par tuer son parrain politique. Et le reste est allé avec. Cette dynamique du dégagisme est incompréhensible au sens littéral dans les catégories de la pensée officielle des médias français. Mais nous nous devons par contre examiner avec soin tous les aspects de cette séquence. L’Italie est un miroir politique pour la France. Tenons-nous pour dit ce que nous venons de voir se dérouler. Si nous ne sommes pas capables de constituer une alternative politique crédible et cohérente, si nous ne savons pas proposer des lignes d’horizon majoritaires et résolument constructives à vocation gouvernementale, le dégagisme passera par d’autres canaux que nous. Nous avons pris le bon chemin pour que notre destin ne soit pas celui des Italiens en inventant et en fortifiant « La France insoumise » comme mouvement équipé d’un programme cohérent et ne le faisant vivre dans le combat à l’Assemblée et dans la rue.


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