Depuis une dizaine de jours, les "confrontations" comme appellent avec indécence les medias internationaux les tirs a balles reelles de snipers israeliens sur des manifestants palestiniens non armes, a la frontière de Gaza se sont calmees. Que les Netanyahou et Lieberman ne crient pas trop tot victoire : la raison principale de cette accalmie est le Ramadan, ce mois ou les musulmans vivent les longues heures du jeune au ralenti. Apres la ’Id qui cloturera ce mois, les manifestations reprendront, et, sans doute, le massacre.
Non, il ne s’agit pas de confrontations mais d’un massacre, quand des soldats bien proteges dans des positions defensives tirent – souvent avec des fusils a lunette – sur des dizaines de milliers d’hommes, de femmes et d’enfants qui manifestent les mains nues derriere un système de cloture electronique large de plus de cinquantre metres, cette meme cloture qui fait de Gaza la plus grande prison de la planete.
En un seul jour, ce funeste 14 mai, soixante manifestants sont assassines par les soldats israeliens (qui n’ont pas eu un seul blesse) : massacre est donc bien le mot, et ceux qui, comme le Figaro, parlent d’"affrontements meurtriers" deviennent par la meme complices de ce veritable crime contre l’humanite.
On attendrait du President palestinien Mahmoud Abbas qu’il saisisse la Cour Penale Internationale pour y traduire en justice les dirigeants politiques et militaires israeliens… mais la haine qu’il voue au Hamas qui, ne l’oublions pas, avait largement battu le parti du President aux dernieres elections, a deteint sur les deux millions de residents palestiniens de la Bande de Gaza, comme si, apres leur vote, ils n’etaient plus ses concitoyens.
Que de la classe politique israelienne on n’ait pas entendu ne serait-ce qu’un murmure d’indignation n’est pas pour nous surprendre : elle est aujourd’hui totalement a droite, qu’elle soit dans le gouvernement ou dans l’opposition, et meme le Meretz qui dans le passe s’était singularise par ses positions contre la guerre et l’occupation, n’a pas cette fois fait entendre une voix dissidente, confirmant une fois de plus que meme pour la gauche, Gaza n’était pas un territoire peuple de deux millions d’etre humains, mais une sanctuaire de terroristes, une menace existencielle.
Mais ce qui est plus grave c’est le silence assourdissant de l’opinion publique. Hormis des rassemblements de quelques centaines de personnes dans les villes (quelques milliers dans les localites arabes), le massacre n’a provoque ni la colere, ni la honte des bonnes ames israeliennes. Cette absence marque le tournant a droite que vit la societe israelienne dans son ensemble. La guerre du Liban (annees quatre-vingt) et le processus d’Oslo (annees quatre-vingt dix) avaient divise l’opinion israelienne en deux, et une moitie de celle-ci avait su se mobilier et trouver les forces pour mettre fin a la guerre puis pour obliger le gouvernement a reconnaitre l’OLP et mener des negociations de paix avec ses dirigeants. Aujourd’hui, le seul rassemblement de masse a Tel Aviv a été pour feter la victoire d’Israel a l’Eurovision. Israel a retrouve son unite dans une espece de melange nauseabond entre ceux qui applaudissent les exploits de "nos soldats" a Gaza, et ceux qui gardent un silence complice face au massacre ; dans une certaine mesure, ces derniers sont encore pire que les supporters de Netanyahou et de sa politique criminelle.
"Honte a quiconque n’a pas honte de [notre] pays" ecrit l’editorialiste du Haaretz , B. Michael(15 mai 2018). Une voix isolee dans le desert moral israelien qui merite pour cela de conclure cette chronique.
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