Des nouvelles de la guerre contre Jeremy Corbyn

vendredi 26 octobre 2018.
 

Au cours des derniers mois, l’intense guerre menée contre la direction de gauche du parti travailliste britannique depuis trois ans s’est portée sur le front de l’antisémitisme, que Jeremy Corbyn est désormais censé avoir déchaîné dans la société britannique tout entière.

Les trois journaux juifs britanniques, le Jewish Chronicle, le Jewish News et le Jewish Telegraph, ont notamment publié un éditorial commun annonçant qu’un gouvernement conduit par Jeremy Corbyn représenterait rien moins qu’une menace existentielle pour les juifs de Grande-Bretagne, dès lors que la condamnation de la politique de l’état d’Israël devaient invariablement signifier une hostilité congénitale envers les juifs.

La folie de ce genre d’imputation n’est pas nouvelle et elle prend le risque considérable de traiter avec un opportunisme et une légèreté coupable l’horreur des persécutions et de l’extermination nazie. Elle s’aggrave en outre de l’amalgame chronique qui voudrait rendre tous les juifs, où qu’ils se trouvent, comptables de facto d’une politique israélienne annexionniste sous protection trumpiste.

La récente séquence, lancée au mois de mars 2018, a conduit à la focalisation sur l’adoption, dans le règlement intérieur du parti travailliste britannique, de la définition de l’antisémitisme formulée dans un document de travail de l’International Holocaust Remembrance Alliance (IHRA). La droite du parti travailliste en exigeait l’adoption dans son intégralité et donc l’inclusion des exemples de manifestation d’antisémitisme que constituerait la critique de la politique israélienne, du projet sioniste, pourtant si controversé à l’heure de la loi sur l’état nation du peuple juif, des annexions et des massacres contre les populations gazaouies, entre autres.

Après des semaines de pression et de chantage d’une virulence exceptionnelle, appuyés sur des spéculations sémantiques toujours plus fébriles sur tel segment de phrase, tel tweet ou photographie, le corpus est décidément maigre, le comité exécutif national du parti travailliste, dont la majorité soutient pourtant Jeremy Corbyn, a finalement adopté la définition de l’IHRA dans sa totalité le 4 septembre 2018.

Le fond de l’affaire est simple, la possibilité, maintenant bien réelle, qu’une des premières puissances au monde voit arriver au pouvoir un défenseur historique de la campagne pour le Boycott, le Désinvestissement et les Sanctions (BDS), est un cauchemar pour le pouvoir israélien et ses divers soutiens et alliés. Contrairement à ce que rapporte une partie de la presse française depuis quelques jours, ce n’est pas une controverse sur l’antisémitisme qui se serait emparé du parti travailliste. C’est tout à fait à l’inverse, une petite fraction du groupe parlementaire du parti travailliste inconditionnellement pro-sioniste est prise de panique depuis que les sondages du mois de juillet 2018 donnent quatre à cinq points d’avance au parti travailliste de Jeremy Corbyn sur les conservateurs. L’angoisse profonde n’est plus de perdre les élections, mais bien de les gagner.

La campagne diffamatoire de proportion industrielle contre la gauche travailliste, avec la collaboration très active de la British Broadcasting Corporation (BBC) et du Guardian, est elle-même le symptôme d’une norme réactionnaire et xénophobe en formation à l’échelle européenne, dont l’extrême droite pro-israélienne offre le terrain de convergence consensuelle aujourd’hui, la communion générale dans l’islamophobie et contre tout ce qui pourrait contrarier cette belle unité, à commencer par tous les juifs qui refusent l’injonction à soutenir la politique israélienne.

Pour une note plus positive, la virulence de l’assaut contre Jeremy Corbyn reste aussi un aveu d’impuissance face à l’audience de masse de la gauche en Grande-Bretagne. Nous pouvons et nous devons longuement débattre sur ce qu’incarne, en fin de compte, Jeremy Corbyn. Il demeure que, cependant, en ce qui concerne ses adversaires, les choses paraissent claires depuis le début. Jeremy Corbyn est le nom d’une menace grave à noyer d’urgence dans un vacarme d’effrois et d’indignations fabriquées.


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