Au cinéma ce soir : « les Chansons d’Amour »

vendredi 8 juin 2007.
 

On chante dans mon quartier

J’ai vu un chef d’oeuvre, ça s’arrose, non ? Un petit joyau à mettre dans son musée perso, pourvu qu’on soit un peu sensible aux belles choses. C’est un film musical, l’air de trois fois rien, qui te transporte, qui te ravit, au sens premier du terme. C’est un moment rare, et qu’il va falloir peut-être retourner voir plusieurs fois. On dirait que c’est une histoire toute simple : une fille aime un type, et puis une autre fille. Elle a aussi un papa et une maman dans sa vie, et deux sœurs adorables, une famille un peu marrante, où on s’aime chaudement, où on s’engueule un peu, où on se serre les uns les autres à la fin d’un dimanche de pluie. La jolie chérie meurt, comme ça, bêtement, tout d’un coup. Au fait, il y a moyen de ne pas mourir bêtement ? Le jeune type, on pense qu’il va en mourir aussi de cette catastrophe-là. Et puis non. Il rencontre un autre jeune gars tout mignon, joli comme un cœur, et vogue la galère, ces deux-là vont faire un bout de chemin ensemble. Donc, un film, vous entends-je me répondre...

Justement, non, pas seulement un film. Celui-là, il est en musique. Vous vous souvenez sûrement des merveilles que Jacques Demy nous avait offertes, avant, bien avant, avec la complicité géniale de Michel Legrand (Ah ! Legrand, le seul, l’unique... Eh bien, accrochez-vous, y a de la relève !...). Eh bien voilà, c’est un peu pareil. On chante, quand on est heureux, quand on est triste, on chante la pluie et sous la pluie, on chante l’amour, et surtout, surtout, on chante Paris. Le vrai personnage de ce film, c’est Paris. Pas le Paris des touristes du mois de juillet. Non, un autre Paris, un Paris pluvieux, et lumineux, un Paris avec des affiches de la présidentielle sur les murs !celui que vous voyez quand vous descendez du train à la Gare de l’Est, et que vous filez vers Château d’Eau, puis vers la Porte St Martin. Puis vous poussez vers la Bastille. Là haut, le petit Génie vous fait un clin d’œil, encore plus joli quand il pleut. On vous entraîne alors du côté de Montparnasse, du côté des « Bretons de Paris ». C’est là qu’il est posé le joli amoureux gai comme un pinson. Oui, j’ai dit gai. Voilà ! Comme il le dit, ou plutôt comme il le chante « Je suis beau, jeune et breton, je sens la pluie, l’océan et les crêpes au citron... » Tout est dit.

Ce film-là va vous emmener ailleurs, certain. Il y a tout là-dedans, de l’amour et de la douleur, de la tendresse et de la chaleur, un chien sympa et du tabac, des filles belles et des types désemparés, des parents désespérés et des amants légers, des chansons et des vers d’Aragon, de la pluie et des parapluies, pas de Cherbourg, non, même si on y pense, fatalement et PARIS, Paris, Paris... Alors, va savoir pourquoi, un soir, comme ça, devant un écran de cinéma, tu te mets à pleurer tout doucement, parce qu’un film d’amour, de mort, de musique et de nostalgie te parle de ta jeunesse... et aussi d’amertume...

Toute à mon émotion, j’oublie de vous dire, le film, il s’appelle « les Chansons d’Amour », le réalisateur, c’est Christophe Honoré (définitivement amoureux de Paris, ce gars-là !), les acteurs, exemplaires : Ludivine Sagnier, qui a grandi, ça y est, une petite nouvelle pleine de promesses, Clotilde Hesme, Louis Garrel, ténébreux, l’air léger, mais profond comme on l’est à trente ans, Grégoire Leprince-Ringuet, c’est lui le « joli breton qui sent les crêpes au citron », adorable, et puis allez, pour le bonheur, la divine Chiara Mastroianni, vous me direz, avec une telle filiation, manquerait plus qu’elle soit nulle ! Justement, derrière elle, on ne la sent pas la filiation. Pourtant, à un moment dans un parc sous la pluie, on a comme une réminiscence de Deneuve sous son pépin, à Cherbourg, et c’est bien émouvant tout de même, cette continuité mère-fille... Belle soirée à vous, si vous trouvez deux minutes entre deux coups de pinceaux et d’affiches, ne loupez pas cette merveille.

brigitte blang pour prs 57


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