Algérie. Abdelaziz Bouteflika renonce à un cinquième mandat

vendredi 15 mars 2019.
 

Sous pression populaire, le président algérien a annoncé hier ne plus être candidat à sa propre succession. Le scrutin est reporté à une date indéterminée.

« Il n’y aura pas de cinquième mandat et il n’en a jamais été question pour moi ». L’information est tombée dans la soirée, par un « message à la nation » signé d’Abdelaziz Bouteflika. Le président algérien renonce donc à se succéder à lui même et laisse entendre que d’autres y ont songé pour lui... Initialement prévue le 18 avril, l’élection présidentielle, annonce-t-il encore, est reportée : elle se tiendrait dans le prolongement d’une « conférence nationale inclusive et indépendante », une promesse déjà avancée par l’invisible chef d’État. Le pouvoir n’avait plus le choix. Cette candidature, celle d’un président au bilan contesté, affecté dans sa mobilité et dans son élocution depuis son accident vasculaire cérébral de 2013, a suscité un haut le cœur de la société algérienne, jetant des millions de citoyens de tous horizons dans la rue. Depuis deux semaines, les défections se succédaient dans tous les secteurs et jusque dans les cénacles les plus proches du Palais d’El Mouradia. Au lendemain de la mobilisation historique du 8 mars, le changement de ton était sensible dans le langage du chef d’état-major de l’Armée nationale populaire (ANP), Ahmed Gaïd Salah, un fidèle du premier cercle qui jurait, après avoir accusé les protestataires de mettre en péril « la sécurité » et la « stabilité » du pays, que les ambitions des militaires étaient finalement « celles de l’Algérie et de son peuple ». Bouteflika lui-même n’avait-il pas fini par saluer « la maturité » de ceux qui manifestent pour « exprimer pacifiquement leurs opinions » ?

Chaises musicales

Avec cette adresse taillée dans la langue de bois du pouvoir, Abdelaziz Bouteflika prend acte de la fracture politique et générationnelle mise au jour par l’extraordinaire mouvement populaire qui s’est levé en Algérie : « Il s’agit de satisfaire une demande pressante que vous avez été nombreux à m’adresser dans votre souci de lever tout malentendu quant à l’opportunité et à l’irréversibilité de la transmission générationnelle à laquelle je me suis engagé ». Pour l’heure, les changements promis ressemblent davantage à un jeu de chaises musicales. Ahmed Ouyahia est remplacé au poste de premier ministre par son ministre de l’Intérieur, Nourredine Bedoui, qui maniait il y a quelques jours encore la menace de répression à l’endroit des protestataires. La présidence annonce enfin, pour « contribuer de manière optimale à la tenue de l’élection présidentielle dans des conditions incontestables de liberté, de régularité et de transparence », la formation d’un « gouvernement de compétences » chargé d’expédier les affaires courantes et d’appuyer le travail d’une « commission électorale nationale indépendante ». Esquisse d’une transition ? Ce scénario suscite déjà le doute et l’inquiétude. Dans l’attente d’un scrutin reporté sine die, le clan Bouteflika reste de fait aux commandes ; il impose, comme il l’avait prévu, le prolongement contesté du quatrième mandat. Dans les arcanes d’un « système » dont les Algériens ne veulent plus, les obscurs manoeuvres ne font que commencer...

Rosa Moussaoui


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