Appel de Roubaix (Coordination nationale des quartiers populaires)

dimanche 14 juillet 2019.
 

150 habitants des quartiers populaires, venus de toute la France, se sont réunis à Roubaix les 28, 29 et 30 juin, lors de l’Université des quartiers populaires organisée par la Coordination nationale Pas sans Nous. À l’issue de ces journées de travail, ils lancent un appel en direction des pouvoirs publics : « Nous ne demandons rien de particulier si ce n’est l’Égalité… »

Des luttes ouvrières au Mouvement des travailleurs immigrés, de la Marche pour l’égalité et contre le racisme aux révoltes sociales de 2005 et à tant d’autres luttes qui ont marqué l’histoire des quartiers, nous avons été invisibilisés dans le récit national. Nos pères et nos mères n’ont pas « baissé la tête », ils et elles se sont mobilisé et ont obtenu des victoires, au prix de leur sueur, parfois de leurs vies, pour être reconnus comme des citoyens à part entière. Nous sommes leurs héritiers.

Le pouvoir est toujours aussi sourd aux revendications des classes populaires. La révolte des Gilets jaunes n’a rencontré que répression et incompréhension. La violence policière est banalisée et légitimée au plus haut niveau de l’État par les gouvernements qui se sont succédé. Une réalité que connaissent trop bien les habitants des quartiers populaires, qui ont subi avant d’autres répression, violences et discriminations.

C’est pour que les valeurs de Liberté, Égalité, Fraternité deviennent une réalité que nous nous mobilisons et continuons le combat. Les quartiers populaires ne sont pas des déserts politiques ! Ils sont créatifs, pluriels, solidaires, généreux, et méritent leur pleine reconnaissance par la société française.

Mais nous savons que l’égalité ne se donne pas : elle se conquiert.

La démocratie participative institutionnelle n’a rien changé, comme le démontrait déjà le rapport Bacqué/Mechmache en 2013. Les dispositifs participatifs se sont accumulés prétendant donner une place aux habitants quand ils ne servaient que de paravent à un pouvoir de moins en moins démocratique. Nous avons pourtant joué le jeu de la concertation, participé sans relâche aux conseils citoyens et autres espaces de concertation. Trop souvent en vain, pour rien.

Nous avons expérimenté d’autres formes de participation, autonomes, auto-organisées, comme les Tables de quartier, qui ont démontré la capacité des habitants à guider les choix qui structurent leur vie. Elles tracent un chemin de ce que pourrait être un autre fonctionnement démocratique.

Nous, habitants des quartiers, réunis à Roubaix lors de l’Université des quartiers populaires de la Coordination nationale Pas sans Nous, exigeons :

Que la lutte contre les discriminations raciales et territoriales, et pour l’égalité femmes-hommes soit une priorité nationale. Agissons nous-mêmes dans nos quartiers, depuis la désobéissance civile à l’interpellation des élus. De réelles politiques publiques doivent être mises en œuvre : que la police soit dans l’obligation de prendre les dépôts de plainte, que soit créés des postes d’inspecteur du travail de prévention des discriminations et du harcèlement, que les sanctions soient réellement appliquées, contre les discriminations et les inégalités femmes-hommes. Que le traitement d’exception fait aux habitants des quartiers cesse. Nous serons plus forts pour porter nos exigences en unissant nos forces, partout où c’est possible, avec la Ligue des droits de l’Homme, le Syndicat des avocats de France, les comités Justice et vérité… Nous réclamons l’interdiction des contrôles d’identité abusifs et inutiles – c’est démontré – partout sur le territoire national. Nous exigeons l’interdiction des LBD, des armes de guerre qui sont toujours expérimentées d’abord dans les quartiers populaires. La liste des morts dans les quartiers doit cesser et nous exigeons que la justice soit enfin rendue ! Que soient donnés de réels moyens pour permettre l’auto-organisation des habitants, avec la création du Fonds d’interpellation citoyenne, qui permette de sortir des pratiques clientélistes qui gangrènent la démocratie et entravent l’action des associations. Au-delà des financements, c’est donner aux citoyens, en particulier aux habitants des quartiers populaires, la possibilité de faire entendre leur expertise, leur parole critique et leurs propositions pour agir dans l’intérêt commun. Que le développement économique et l’emploi bénéficient aux habitants des quartiers populaires. Ils sont eux-mêmes porteurs d’initiatives. Créons les conditions de leur réussite. Il existe déjà des dispositifs mais ils ne sont pas suffisamment orientés vers les quartiers : dispositifs de soutien à la création d’activités, à l’économie sociale et solidaire, régies de quartier, prêts à taux zéro, coopératives d’échange de savoirs, système d’échanges locaux… Que la ville, les politiques de logement et de rénovation urbaine se fassent avec les premiers concernés : les habitants. Le logement, c’est un droit, c’est un bien commun que nous devons défendre contre la privatisation et la spéculation. Notamment par l’encadrement des loyers comme à Rennes ou à Paris. Pour une participation effective des habitants dans les conseils d’administration, nous exigeons la simplification des démarches pour y siéger. Pour tout projet ANRU ou urbanistique d’envergure, nous proposons l’organisation d’un référendum local. Que la transition écologique soit expérimentée avec ambition dans les quartiers populaires. Nous, habitants des quartiers populaires, avons la responsabilité de proposer une alternative et une réponse radicale à la crise écologique : pour une alimentation, des logements et des transports durables. Les quartiers populaires seront les premières victimes de cette crise. La politique des petits pas ne suffit plus. Nous devons apporter une réponse aux enjeux du quotidien tout en ayant une vision globale de l’effondrement de notre système de société.

Au fond, nous ne demandons rien de particulier si ce n’est l’Égalité : à l’école, pour l’emploi, dans les médias, dans les transports, pour notre santé, dans la culture…

Face à l’ampleur de la précarité, des discriminations et de la répression qui touchent les quartiers populaires, que l’État prenne ses responsabilités !

Nous, nous avons pris et prenons les nôtres. Nous nous sommes auto-organisées. Mais il est aujourd’hui urgent de nous rassembler ! Sur des enjeux précis et des campagnes concrètes, faisons front commun : associations et collectifs d’habitants, syndicats et zones à défendre, Gilets Jaunes, précaires et sans-droits… Notre force c’est le nombre. Soyons à la hauteur des enjeux !

Ce qui se fait sans nous, se fait contre nous ! Ne laissons plus la place, prenons-la !


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