Emmanuel Macron ressuscite sa réforme des retraites...dont plus personne ne veut

mardi 7 juillet 2020.
 

Alors que syndicats et patronat s’entendaient récemment pour dire que la réforme des retraites serait à sa place dans un « placard », le chef de l’Etat veut relancer une concertation. La CGT et FO veulent se mettre d’accord avec les autres organisations pour ne pas y participer.

On l’a sans doute cru enterrée un peu trop vite car voilà que comme dans un bon vieux film de zombies, la réforme des retraites sort une main de sa sépulture au son d’un grand claquement de piano. Au clavier se trouve Emmanuel Macron, qui a donné ce vendredi une interview à la presse quotidienne régionale pour préparer le terrain du remaniement et donner le ton des prochains mois. Et le président de la République de se poser lui-même la question pour mieux y répondre : « La réforme des retraites est-elle à mettre à la poubelle ? Non. Ce serait une erreur. » Explicitant finalement son déjà fameux « il faudra travailler davantage », le chef de l’Etat se montre favorable à un allongement de la durée des cotisations car, selon lui, la France est « un des pays où on travaille le moins tout au long de la vie en Europe ». Et le président d’ajouter qu’il veut lancer « dès cet été » une « concertation en profondeur » avec les organisations syndicales et patronales sur le « volet des équilibres financiers ».

Ils ne seront sans doute pas seuls. Il n’y a pas si longtemps, le patronat et les syndicats communiaient en effet sur un point : la réforme des retraites n’a aujourd’hui plus rien d’opportun. « L’avenir de cette réforme, c’est le placard, c’est là qu’elle sera le mieux », tranchait ainsi François Hommeril, président de la CFE-CGC, lors d’un débat organisé par l’Association des journalistes de l’information sociale (Ajis), qui réunissait les organisations des deux bords début juin. Même la CFTC et la CFDT, pourtant favorables au principe d’un système universel, étaient d’accord : « Ce n’est pas le moment pour mettre ce sujet sur la table car le climat social ne s’y prête pas », avançait Cyril Chabanier, président de la CFTC. Quant à Geoffroy Roux de Bézieux, le patron du Medef, il estimait que la « première question à se poser » avant de remettre la réforme sur la table est celle de « la profondeur du trou » financier du système des retraites : « On était à 12 milliards. De quoi parle-t-on maintenant ? »

« L’avenir de cette réforme, c’est le placard »

Vu comme c’est parti, le gouvernement risque de se retrouver seul avec ses viennoiseries devant une table vide. Et ce, même si Emmanuel Macron se dit prêt à ce que la réforme, pour le moment adoptée par l’Assemblée nationale via un 49.3 imposé alors que la crise sanitaire était sur le point d’exploser, soit « transformée ». Ainsi, Yves Veyrier, le secrétaire général de Force ouvrière, dit à Libération qu’il compte prendre contact avec tous ses homologues pour se mettre d’accord sur un rejet de la concertation. A la CGT, on se dit sur la même ligne.

« On ne va pas se remettre à se foutre sur la gueule »

Laurent Berger, numéro 1 de la CFDT, frôle l’énervement à l’évocation de l’interview présidentielle : « On ne va pas se remettre à se foutre sur la gueule sur la question des retraites dans cette période ! » Et ce même si « la CFDT continue d’être pour un système universel », a-t-il rappelé. Laurent Berger rejoint en effet Emmanuel Macron sur un point : un système universel par points privilégierait selon eux les travailleurs « en première ligne » depuis le début de la crise sanitaire. « Les livreurs, les caissières… Toute cette France-là est la France perdante du système de retraite actuel. C’est celle qui gagne dans le système de retraite universelle par points, celle des petites carrières et des carrières fracturées », prétend ainsi Emmanuel Macron. Ce que réfutent en bloc FO et la CGT. « La question, c’est comment on sort ces personnes du temps partiel, des carrières interrompues et du smic toute la vie. C’est maintenant qu’il faut y répondre, pas dans quarante ans quand elles seront en retraite », estime Yves Veyrier de FO. Pour Catherine Perret, du bureau confédéral de la CGT, la crise du Covid-19 a même démontré l’inanité du système à points : « Avec une baisse de 11 points de PIB, un système à points, ça serait catastrophique en termes de valorisation de la retraite. Le Covid a montré qu’accrocher un système de retraites à l’évolution du PIB, c’est extrêmement dangereux. »

Les deux syndicats se rejoignent sur un autre argument : un allongement de la durée de cotisation n’aurait aucun sens au moment où l’emploi des jeunes, qui seront 700 000 à entrer sur le marché de l’emploi à la rentrée, représente un enjeu crucial. Ainsi, la CGT compte défendre un retour du « contrat de génération », supprimé en 2017, qui permettait l’embauche d’un jeune en CDI sous le tutorat d’un salarié s’approchant de la retraite. « L’urgence n’est pas de faire travailler plus longtemps ceux qui ont du boulot, elle est de s’assurer que tout le monde a un boulot », insiste Yves Veyrier. Frantz Durupt


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