Covid-19 (Etats-Unis) : les nombreux traitements de Trump déroutent les spécialistes

jeudi 8 octobre 2020.
 

Touché par le coronavirus, le président américain est soigné avec du Regeneron, du Remdesivir et de la dexamethasone. Un cocktail de choc étonnant.

SANTÉ - Il a passé ces derniers mois à comparer la plus grande pandémie depuis un siècle à une grippe, pourtant Donald Trump semble être la personne la plus traitée au monde contre le Covid-19. Après l’annonce de son test positif au coronavirus vendredi 2 octobre, le président américain a été hospitalisé en prévention.

S’il affirme avoir beaucoup appris sur cette maladie, il a tout de même réalisé une sortie en voiture, un geste considéré comme beaucoup trop risqué par de nombreux médecins. Mais une manière de dire une fois de plus qu’il va mieux. C’est en tout cas ce qu’assurent ses médecins qui estiment que Donald Trump pourrait quitter l’hôpital dès ce lundi 5 octobre.

Depuis vendredi, la communication autour de son état de santé a été sporadique et peu claire, à tel point que de nombreux spécialistes s’interrogent sur son état. On sait qu’il est traité avec plusieurs médicaments, dont deux dont l’efficacité n’est pas entièrement démontrée. Et dont le cocktail semble très étonnant.

Un état de santé très flou

Sur Twitter, la médecin spécialiste des maladies infectieuses Celine Gounder rappelle que le président a eu de la fièvre, mais n’en aurait plus. Il aurait également eu des baisses d’oxygène, mais pouvait marcher seul dimanche, selon ses médecins. Mais le fait qu’un patient se sente bien n’est pas en soi la certitude d’une rémission.

Avec le Covid-19, il existe en effet le risque d’une “hypoxémie silencieuse”, rappelle la médecin, qui a vu elle-même des patients avec un taux d’oxygène très faible qui ne ressentaient pas de problème respiratoire et arrivaient à marcher et parler normalement.

Celine Gounder rappelle également qu’il n’a été communiqué quasiment aucun détail sur l’état réel de santé du président (résultats d’analyses, détails de la temporalité de la maladie, etc.), ce qui rend très difficile une analyse de la situation par un médecin extérieur

Étonnant cocktail de médicaments

Dans les rares informations concrètes disponibles, ce qui étonne surtout les médecins, c’est le cocktail de remèdes pris par le président. Jeudi, Donald Trump aurait débuté un traitement à base d’anticorps de synthèses, développé par la société Regeneron. Vendredi, le président a reçu une première dose de Remdesivir, un médicament prometteur, autorisé aux États-Unis, mais dont l’efficacité exacte interroge toujours la communauté scientifique. Samedi, il a cette fois reçu un stéroïde, la dexamethasone, un corticoïde qui est à l’heure actuelle l’un des seuls traitements efficaces contre les formes graves de Covid-19.

En plus du mélange, c’est la temporalité qui étonne. “Je pense que très, très peu de gens ont reçu Regeneron + Remdesivir + dexamethasone”, a ainsi déclaré Craig Spender sur Twitter. Ce docteur qui a contracté Ebola était en première ligne au centre médical de l’université de Columbia à New York, lors de la première vague de Covid-19, où il a vu se succéder beaucoup de patients. Selon lui, il est impossible de savoir ce que le cumul de ces trois traitements pourrait avoir comme effet, surtout sans plus de détails.

Le Remdesivir pourrait être utile pour réduire la durée d’hospitalisation et donc dans les premiers jours de la maladie (même si son efficacité fait débat). Le Regeneron est de son côté un traitement novateur à base de deux anticorps empêchant le coronavirus d’infecter les cellules. De premiers résultats prometteurs semblent montrer que le médicament permet de diminuer l’activité du virus en début de traitement, mais les essais cliniques sont encore en cours.

L’énigme dexamethasone

Le cumul de ces deux médicaments pourrait donc faire sens. Le problème, c’est l’annonce d’un traitement à la dexamethasone samedi 3 octobre. En effet, ce stéroïde est certes le traitement à l’efficacité la plus prouvée actuellement contre le Covid-19, mais il n’est utile que dans les formes graves, comme nous le rappelait Frédéric Altare, immunologiste et directeur de recherche Inserm, lors de la publication des premiers résultats. Son objectif : empêcher le système immunitaire de surréagir face au coronavirus. Car c’est ce phénomène qui cause la majorité des formes graves et des décès.

Mais il nécessite un subtil dosage et ne doit pas être donné trop tôt ou trop fort. “C’est comme un pompier qui cherche à éteindre un incendie dans une maison. S’il ne met pas assez d’eau, le feu va continuer, mais s’il en met trop, la maison sera inondée et donc dévastée quand même”, expliquait Frédéric Altare. En clair, la dexamethasone donnée trop tôt sera inutile, voire nocive.

L’immunologiste Shane Crotty faisait également le constat dans Science Magazine que donner de la dexamethasone trop tôt pouvait être contreproductif “car vous êtes peut-être face à quelqu’un donc le système immunitaire réagit juste bien”.

Donald Trump a-t-il été soigné trop fort et trop tôt ? Ou au contraire, vu qu’il est à risque, est-ce une bonne décision ? Voire, est-ce le signe que l’état de santé de Donald Trump n’était pas si positif que cela ? Les quatre immunologistes interrogés par Vox sont partagés. Bob Watcher, du centre médical de l’Université de Californie à San Francisco, rappelle de son côté sur Twitter que les informations partagées par les autorités américaines sur l’état de santé de Donald Trump sont trop parcellaires pour poser un véritable diagnostic. Et que si les nouvelles récentes sont plutôt positives, il est à son sens trop tôt pour lui permettre de sortir de l’hôpital.

Grégory Rozières


Signatures: 0

Forum

Date Nom Message