Loi Séparatisme : qui protège la République de La République en marche ?

mardi 23 février 2021.
 

Mardi 16 février, les députés ont largement adopté le projet de loi « confortant le respect des principes de la République ». Une loi accompagnée depuis le début par un discours haineux et des polémiques rances en provenance des membres de l’exécutif.

Avions-nous oublié que le macronisme est une novlangue lorsqu’ils nous parlaient de « lutter contre le séparatisme », transformé peu de temps après en « lutter contre les séparatismes » – le singulier de séparatisme les trahissait dans leurs véritables intentions contre l’islam – pour finalement aboutir à un projet de loi visant à « conforter le respect des principes de la République » ? Faut-il être le dernier des sots pour croire un seul instant que des ministres comme Gérald Darmanin ou Marlène Schiappa vont défendre la République et ses valeurs ? Va-t-on les laisser tranquillement jouer avec nos plus grandes lois : celle de 1881 sur la liberté de la presse, celle de 1882 sur l’enseignement, celle de 1901 sur la liberté d’association et celle de 1905 sur la séparation de l’Église et de l’État ? À chacune de ces questions, la réponse est oui.

Quelle serait cette République qui défendrait ces valeurs contre « l’ensauvagement » ? Quelle est cette République qui considère le Concordat comme une loi locale qui n’irait pas à l’encontre des valeurs républicaines, l’égalité en tête de proue ? La République d’Emmanuel Macron n’est pas celle des révolutionnaires, des pères fondateurs. On le sait depuis un bon moment. Il se déclare de la IIIème, de cette France-empire ou, comme l’écrivait Roger Martelli : « Cette république de 1870 qu’encense le Président jupitérien laissait les républicains à ses marges. Les républicains du verbe sont rarement les défenseurs les plus pertinents de l’engagement républicain. Le consensus qu’invoque Emmanuel Macron est celui d’une république conservatrice, soucieuse d’ordre plus que d’égalité. »

Sauf que ce sont bien eux qui, aujourd’hui, tiennent les rênes de nos institutions. Une République qu’ils jugent en danger face à l’islamisme. Et voici donc comment la France va lutter contre la radicalisation et le terrorisme :

la neutralité des fonctionnaires est étendue aux agents de droit privé chargés d’une mission de service public

création d’un « délit de séparatisme » : sera punie de 5 ans de prison et 75.000 euros d’amende toute personne qui menacerait ou commettrait des violences à l’égard d’un élu ou un agent du service public afin d’obtenir une « exemption » ou une « application différenciée des règles »

création d’un délit d’appel à la haine en ligne – qui n’est autre qu’une copie de l’article 24 de la loi Sécurité globale

restriction de l’instruction en famille

lutte contre les mariages forcés

interdiction des certificats de virginité

instauration d’une procédure de fermeture pour deux mois par les préfets des lieux de culte où serait préchée la haine ou la violence (mais rien sur la pédophilie)

instauration d’un « contrat d’engagement républicain » pour les associations

Quid du Concordat en Alsace-Moselle ? Réponse du député LREM Florent Boudié : « L’objectif de ce projet de loi n’est pas de lutter contre l’existence de droits locaux. Il n’y a pas de séparatisme dans les trois départements concernés. » Pas plus sur le financement des écoles privées par l’argent du contribuable. Dans le même temps, Jean-Michel Blanquer et Marlène Schiappa lançaient une « enquête relative à la délivrance de certificats de complaisance dits "d’allergie au chlore" ». Faut-il en dire plus ?

La loi Séparatisme n’est rien d’autre qu’une loi idéologique, dont le poids idéologique va avoir un impact majeur sur nos libertés – qui sont pourtant les piliers de notre République. Comme le dit la députée Clémentine Autain : « La loi dite contre le séparatisme est une loi fourre-tout, inutile et dangereuse. Elle ouvre la boîte de Pandore des idées pour stigmatiser et chasser les musulmans sans être d’aucune utilité pour lutter contre le terrorisme islamique ou renforcer la laïcité. » Emmanuel Macron, acculé par son incapacité à réformer, n’a plus qu’une carte à jouer : désigner l’ennemi contre lequel la nation doit s’unir, et cet ennemi, c’est l’islam. C’est si bête que ça marche. La droite adore l’idée, au point d’en vouloir plus encore !

Dans un pays qui a connu les « républicains populaires », nous voici à l’aube d’une bascule, une ère de rejet de la religion dans la politique. Mais n’y voyez pas là une haute idée de la République, avec cette loi, Emmanuel Macron ne fait rien de plus que d’installer son face-à-face avec Marine Le Pen.

De son propre aveu, Gérald Darmanin trouve Marine Le Pen « molle » sur ces sujets-là. Des années de droitisation du discours et des actes – merci Sarko, Hortefeux, Guéant, Valls, Cazeneuve, Darmanin et les autres qu’on oublie ! – ont fait de Marine Le Pen une politique de droite presque modérée. L’extrême droite, est-ce toujours elle ? Quand elle jouera la carte du « le barrage, c’est moi », il ne faudra pas s’étonner. Et le pire, c’est que ça peut marcher. Ainsi peuvent-ils prétendre lutter contre l’obscurantisme et la barbarie. Ainsi usent-ils des mots de l’extrême droite. Ainsi peuvent-ils manipuler des faits et mentir, tant que tout ceci sert leur victoire en 2022.

La Commission nationale consultative des droits de l’Homme (CNCDH) a alerté « les parlementaires sur un texte qui risque de fragiliser les principes républicains au lieu de les conforter ». La défenseure des droits ou des associations comme RSF (qu’on ne saurait qualifier d’islamo-gauchistes) n’ont eu de cesse de faire de même. Mais à quoi bon tous ces garde-fous ? Maintenant, pensez à Marine Le Pen à l’Élysée et à toutes ces lois que nous avons votées ces dernières années… Alors, qui protège la République de ses fossoyeurs ?

Loïc Le Clerc


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