22 juillet 1209 Massacre de Béziers par la Croisade catholique : "Tuez-les tous ! Dieu reconnaîtra les siens"

vendredi 2 août 2024.
 

En 1209, la papauté rumine sa haine et sa convoitise du Midi occitan depuis plus d’un demi-siècle. Elle appelle donc dans toute l’Europe à une grande croisade pour en finir avec le Languedoc des Communes, des troubadours, de la liberté religieuse (catholiques, cathares, juifs, vaudois)... Innocent III veut en finir avec "ces satellites de l’Antéchrist" en paraissant ne vouloir attaquer que les terres du vicomte de Trencavel, en particulier Béziers et Carcassonne.

Pourquoi Béziers ? Cette ville est riche. De plus, elle est le symbole de la liberté politique des villes occitanes, le symbole des conquêtes populaires révolutionnaires au détriment de la féodalité et de l’Eglise.

1) L’armée de la croisade

En juin 1209, deux colonnes ravagent le Quercy et le Rouergue. Quant à la Croisade catholique principale, elle descend le Rhône sous les ordres d’Arnaud Amalric, archevêque de Narbonne.

"Ce fut une armée merveilleuse et grande,

Vingt mille chevaliers armés de toutes pièces,

Deux cent mille, et bien plus, vilains et paysans...

Du monde entier l’on vint, Allemands et Tiois..."

Par delà l’exagération sur le nombre de vilains et ribauds (serviteurs de l’armée, brigands divers cherchant fortune, routiers, prostituées...), ces vers de Guillaume de Tudèle rendent compte d’une réalité : la puissance de cette armée. Les grandes croix resplendissent sur les bannières de nombreux féodaux venus avec leurs troupes comme le duc de Bourgogne, le comte de Bar, le sénéchal d’Anjou. Les grandes croix fleurissent tout autant parmi les forces levées par de nombreux prélats comme l’archevêque de Sens, les évêques d’Autun, Clermont, Nevers... Il y a là des chevaliers aventuriers parlant des langues diverses et en particulier un fort contingent allemand qui jouera un rôle important dans les opérations à venir.

Michel Roquebert (L’épopée cathare, Editions Privat) décrit ainsi cette armada :"Tout le monde est venu avec archers, écuyers, arbalétriers, sergents, et la grouillante piétaille qui suit en essaims bigarrés ; et les palefreniers, les servants des machines de siège, les forgerons et les charpentiers pour les construire, et les valets d’armée pour les multiples corvées. Et puis tous les ribauds, truands et routiers de sac et de corde entraînés en chemin, infanterie piteuse et féroce, en quête de rapine et de viol, qui n’a souvent pour tout équipement que le couteau et le gourdin... Et aussi les filles de joie que toute armée traînait avec elle. Telle était l’ost de la croisade, ni plus pure ni plus indigne que toute autre armée du Moyen Age. Mais sans doute excitée par l’aubaine qui s’offrait à elle : une conquête ordonnée et bénie par l’Eglise."

2) L’assaut de Béziers

Le 21 juillet 1209, l’armée catholique investit Béziers.

Les chroniqueurs de l’époque donnent une idée assez précise de la haine entretenue parmi ces croisés de la papauté et de la féodalité contre les habitants de Béziers ("hérétiques dépravés, voleurs, adultères, larrons...") et plus généralement contre les habitants du Midi occitan ( "ministres du diable", "satellites de Satan").

Les Croisés demandent que Béziers leur livre une liste de cathares. La ville refuse. Même les prêtres catholiques restent dans la ville assiégée plutôt que de suivre leur évêque auprès des assiégeants. "Ils décidèrent en commun, par serment, avec les hérétiques eux-mêmes, de défendre leur cité contre les croisés" (rapport des légats au pape).

L’assaut contre la ville est donné essentiellement par les "ribauds", très probablement des bandes de routiers, truands de sac et de corde, habitués au combat. Ils "tuèrent tous ceux qu’ils rencontrèrent" (Guillaume de Tudèle, poète). Ils "massacrent presque tous les habitants, du plus petit jusqu’au plus grand, et mettent le feu à la ville" (Pierre des Vaux de Cernay, moine croisé et historien).

3) Tuez-les tous ! Dieu reconnaîtra les siens

Cette phrase terrible aurait été prononcée par Arnaud-Amaury, abbé de Citeaux, légat du pape et chef de la croisade : "L’abbé, craignant tout autant que les autres, que certains ne feignent d’être catholiques par peur de la mort et ne retournent à l’erreur après le départ des croisés, répondit "Tuez-les, Dieu sait bien qui sont les siens. C’est ainsi qu’une quantité innombrable de gens furent tués dans cette ville." (Pierre Césaire dans le Dialogue des miracles)

Tous les témoignages concordent quant au carnage systématique des habitants de Béziers.

Guillaume de Puylaurens raconte l’assaut puis le massacre dans l’église Marie Madeleine : " Leurs murailles furent escaladées et prises. Ils cherchèrent asile dans les églises mais ils furent poursuivis jusque dans l’église de la Bienheureuse Marie-Madeleine, dont c’était la fête ce jour-là, et où plusieurs milliers d’entre eux furent massacrés." (Puylaurens, chapitre 18)

Guillaume le Breton, chapelain du roi de France Philippe Auguste nous apporte un récit concordant : "Les assiégeants pénètrent dans la ville et massacrent soixante mille personnes des deux sexes, que, sans l’assentiment des chefs, la fureur sans frein de la multitude et de ribauds, livra pêle-mêle à la mort, en égorgeant le fidèle avec le mécréant, et sans s’inquiéter de connaître qui était digne de vivre et qui méritait de mourir."

4) La vengeance divine a fait merveille

Le rapport envoyé au pape par ses légats ne diffère pas de ces deux témoignages : " Les nôtres, n’épargnant ni le rang, ni le sexe, ni l’âge, firent périr par l’épée, à peu près vingt mille personnes ; après un énorme massacre des ennemis, la cité tout entière a été pillée et brûlée. La vengeance divine a fait merveille"

Dans cette missive au pape apparaît la psychologie des croisés catholiques de l’époque lors de ce massacre de Béziers comme ailleurs dans le Midi :

* leur conviction qu’ils sont les armes de la vengeance divine : "La ville fut prise le jour de la fête de Sainte Marie-Madeleine. O très juste puissance de l’intervention divine ! Les hérétiques disaient que la bienheureuse Marie-Madeleine était la concubine du Christ ; c’est dans son église, en outre, que les habitants de Béziers avaient tué leur vicomte (en 1167) et cassé les dents à leur évêque. C’est donc justice que ces chiens très dégoûtants aient été pris et massacrés pendant la fête de celle sur qui ils professaient des choses outrageantes, et dont ils avaient souillé l’église du sang de leur vicomte et de leur évêque." (Pierre des Vaux de Cernay)

* leur conviction qu’ils vengent la féodalité affaiblie précédemment par la Commune de Béziers "Dieu avait exercé sa vengeance contre ceux qui avaient traîtreusement tué leur seigneur..." (Guillaume de Puylaurens)

5) La croisade catholique avait choisi, dès le départ, la terreur et les massacres systématiques comme stratégie

La "Chanson" nous informe de la décision prise au départ de la croisade : massacrer les habitants de toute ville qui ne voudrait pas se rendre. " Les barons de France et ceux des environs de Paris, les clercs et les laïques, tous et chacun convinrent entre eux, qu’en toute cité où l’ost se présenterait et qui ne voudrait pas se rendre, tout le monde, dès qu’elle serait prise, serait passé au fil de l’épée, et tué".

Aussi, dans cette même Chanson de la Croisade, le catholique Guillaume de Tudèle rend simplement compte de l’application de cette stratégie à Béziers, par exemple pour les 7000 habitants réfugiés dans un bâtiment religieux " Tous ceux qui s’étaient réfugiés dans le monastère furent tués ; rien ne put les sauver, ni croix, ni autel, ni crucifix ; les ribauds... tuèrent clercs, femmes et enfants ; je crois que pas un n’en réchappa. Dieu reçoive leur âme, s’il lui plaît, en son paradis ! Je ne pense pas que jamais, depuis le temps des Sarrazins, si sauvage massacre, ait été résolu et accompli..." (Chanson I p 58)

(article n°3 de notre série sur la croisade contre les Albigeois)

Eté 1209 Cathares et civilisation occitane sont assassinés par les croisés SS assoiffés de sang assemblés par le pape

15 août 1209 : Carcassonne est prise par les croisés du pape et ses habitants chassés "nus" de la ville

22 novembre 1210 : Termes (Aude) se rend aux croisés catholiques, acteurs d’une politique de terreur digne du nazisme

3 mai 1211 : Les croisés du pape prennent Lavaur, égorgent, lapident et brûlent hommes et femmes

27 juin 1211 La croisade contre les Albigeois connaît un échec important en assiégeant Toulouse

Génocide des cathares et crimes contre l’humanité perpétrés dans le Languedoc au 13ème siècle ? Pourquoi ? Qui en porte la responsabilité ? Quelques pistes


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