Alerte de l’ONU : la crise de l’eau est commencée

jeudi 14 octobre 2021.
 

En 2050, 5 milliards d’êtres humains auront du mal à accéder à l’eau potable. C’est un nouveau rapport de l’Organisation Météorologique Mondiale, rattaché à l’ONU, qui tire la sonnette d’alarme.

D’après les projections, nous serons 10 milliards sur Terre en 2050. Cela signifie que la moitié de la population mondiale sera concernée par la crise de l’eau. En clair, au XXIe siècle, la sécurité hydrique est le défi numéro un de l’humanité.

En réalité, celle-ci est déjà commencée. En effet, la planète est couverte à 70% d’eau. Mais l’eau douce utilisable et disponible ne représente que 0,5 % du total. Elle se fait donc plus rare et d’autant plus précieuse. De plus, les experts météorologistes ont mesuré la perturbation croissante du cycle de l’eau. En vingt ans, les aléas liés à l’eau ont explosé. Par exemple, le nombre de catastrophes associées aux inondations a plus que doublé. Sur la même période, la durée des sécheresses a augmenté de près de 30%.

Le premier rapport du GIEC avait averti : « l’effet de serre accentuera les deux extrêmes du cycle hydrologique, c’est-à-dire qu’il y aura plus d’épisodes de pluies extrêmement abondantes et plus de sécheresses prononcées. » Nous y sommes. Pour l’heure, la plupart des décès et des dégâts surviennent ailleurs. L’Asie subit des moussons terribles tandis que la sécheresse fait déjà des centaines de milliers de déplacés et de victimes en Afrique. Madagascar est par exemple le premier pays au monde a affronter une sécheresse directement liée au réchauffement climatique. Cet été, les pénuries d’eau ont frappé l’Algérie, les Etats-Unis ou encore le Brésil.

En France, nous en subissons aussi les effets dévastateurs. Il y a un an, la tempête Alex dévastait les vallées de la Vésubie et de la Roya. Il n’y avait pas plus depuis 3 mois. Les pluies diluviennes ont fait 18 morts et 1 milliards de dégâts. Un an plus tard, la reconstruction n’est toujours pas achevée. Mais les pluies diluviennes étaient déjà de retour en Méditerranée. A Marseille, il a plu l’équivalent de 3 mois de précipitations en quelques heures.

D’ici quelques années, ces évènements risquent de devenir la norme. En effet, chaque degré de réchauffement accroît l’évaporation de 7%. Or, en septembre dernier, l’ONU faisait le bilan : les engagements climatiques actuels des états nous mènent vers un réchauffement « catastrophique » de +2,7°C. Concrètement, cela signifie que les pluies vont devenir plus fréquentes et plus violentes tout en s’abattant sur des sols de plus en plus asséchés.

Voilà pourquoi il convient de prendre au sérieux cet énième alerte. D’autres études vont d’ailleurs dans le même sens. Ainsi, une étude parue dans la revue Science en septembre 2021 estime que les enfants nés en 2020 vivront 2 fois plus d’incendies de forêt, 7 fois plus de canicules et 3 fois plus d’inondations que leurs grands-parents. Les catastrophes ne feront pas de différence selon les prénoms ! L’heure est donc plus que jamais à l’entraide et à la préparation collective afin d’affronter cette nouvelle donne climatique.

Concrètement, le rapport des experts de l’ONU recommande d’œuvrer dans deux directions : d’une part l’amélioration des systèmes d’alerte et d’autre part une meilleure gestion de la ressource en eau. Il y du pain sur la planche. En effet, pour l’heure, 60% des services météorologiques et hydrologiques nationaux « ne disposent pas de toutes les capacités nécessaires » pour anticiper les aléas. En effet, les systèmes d’alerte propres aux sécheresses sont inexistants ou insuffisants dans la moitié des pays et un tiers n’ont pas de système d’alerte permettant d’anticiper les crues.

La France peut jouer un rôle moteur en la matière. Elle le doit : nous sommes présents sur cinq continents et dans tous les océans. Nous avons un champion français en matière de prévision météorologique : Météo-France. Le supercalculateur Belenos installé à Toulouse a multiplié par 5,5 la puissance de calcul. Heureusement que les députés insoumis, notamment Éric Coquerel, se sont battus pour qu’une enveloppe budgétaire suffisante lui permette de voir le jour. Nous pourrions mettre cette technologie au service de l’intérêt général humain. Encore faut-il cesser de diminuer ses effectifs et ses moyens en France. Depuis 2012, 1 poste sur 5 a été supprimé et la moitié des centres départementaux ont été fermés !

Pourtant, la prévision météorologique est indispensable à l’ère de l’incertitude écologique. C’est elle qui permet de voir venir et de mobiliser les forces de secours en temps et en heure. Ces forces de secours doivent aussi être renforcées. Outre le fait de disposer de matériel adéquat, d’autres bras sont nécessaires en cas de force majeure. Cela pourrait faire partie des tâches d’utilité publique confiées à des jeunes de 18 à 25 ans par le biais d’une conscription citoyenne de 9 mois. Il apparaît aussi urgent de s’organiser à l’échelle mondiale. Une force de sécurité écologique sur le modèle des casques bleus pourrait être mobilisée pour affronter les incendies, les inondations ou encore des scénarios de pollution majeure.

Il faut aussi gérer l’eau pour ce qu’elle est : c’est-à-dire un bien commun indispensable à la vie, rare et précieux. Or, le capitalisme vert n’en prend pas le chemin. Le mois dernier, McDonald’s a défrayé la chronique en commercialisant de l’eau du robinet « purifiée » à 6 euros le litre. Plus récemment, le média Bonpote a épinglé BNP Paribas pour son fonds d’investissement AQUA. : « Un portefeuille d’actions mondiales conçu pour profiter du déséquilibre croissant entre l’offre et la demande de l’eau. » De l’autre côté de l’Atlantique, en Californie, il est déjà possible de spéculer sur le prix de l’eau, qui fait des montagnes russes au rythme des incendies géants et des sécheresses.

Au contraire, nous devons planifier la maîtrise du cycle de l’eau par une gestion collective et démocratique. Pour cela, il faut réorganiser la carte des régions à partir de la gestion de l’eau à partir des bassins-versants des fleuves et des rivières. La bifurcation écologique doit partir des besoins. L’accès de chacun à une eau pure, en quantité suffisante et à un prix abordable est justement un besoin vital. Or, cela est compromis par les bouleversements climatiques. Le chacun pour soi transformera ce besoin en luxe réservé aux plus fortunés. Le « tous ensemble » au service d’une écologie populaire demeure donc le seul recours.

Manon Dervin


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