24 novembre 1961. Création du Programme alimentaire mondial

jeudi 25 novembre 2021.
 

Née à l’heure des décolonisations et de la guerre froide, cette émanation de l’ONU vouée à combattre la faim sera aussi un instrument de soft power occidental. Un système qui, aujourd’hui, agit dans 80 pays, sauve des vies, mais porte en lui ses propres limites, voire produit des effets délétères.

La situation humanitaire dramatique actuellement en Haïti et en Afghanistan montre l’importance des grands organismes humanitaires comme le Programme alimentaire mondial (PAM) de l’ONU, créé à l’automne 1961 pour lutter contre la faim dans le monde. Son action, depuis ses soixante années d’existence, a été récompensée en octobre 2020 par le prix ­Nobel de la paix. C’est la douzième fois qu’une agence ou un dirigeant de l’ONU reçoit le prix Nobel, après les casques bleus en 1988, l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) en 2005 ou encore le Groupe international d’experts sur le climat (Giec) en 2007 (1).

821 millions de personnes dans le monde souffrent de faim chronique.

Le PAM apporte de l’aide alimentaire, chaque année, à près de 100 millions de personnes dans le monde, dans quelque 80 pays. En 2019, il a fourni plus de 4 millions de tonnes de produits alimentaires. Son plus important terrain d’action actuel est le Yémen, où, depuis le début de la guerre civile en 2015, la famine menace les deux tiers des 30 millions d’habitants. Le PAM agit actuellement dans 18 pays  : outre le Yémen, ses terrains d’intervention majeurs sont aujourd’hui la République démocratique du Congo, le Mozambique, le nord du Nigeria, le Soudan du Sud et la Syrie, c’est-à-dire essentiellement des zones de conflit.

C’est le 24 novembre 1961, il y a presque soixante ans, qu’a été créé le Programme alimentaire mondial, initialement pour une durée temporaire de trois ans, sur l’instigation du président américain, le républicain Dwight Eisenhower, qui avait prononcé un discours à l’Assemblée générale de l’ONU, le 1er septembre 1960, préconisant la mise sur pied d’«  un dispositif pour fournir de l’aide alimentaire par le canal de l’ONU  ». L’époque est alors celle de la prospérité économique en Occident (on est dans les «  Trente Glorieuses  ») et de l’affirmation des pays du Sud, tout récemment décolonisés. La Banque mondiale et le Fonds monétaire international fournissent des aides économiques massives et donnent, notamment, des financements importants à l’ONU et à ses agences pour permettre la mise sur pied de nombreux programmes visant à éradiquer la misère, la faim, les maladies, et à promouvoir l’éducation et le développement.

L’histoire du PAM a été retracée notamment par l’économiste américain John D. Shaw, qui y a servi comme consultant (2). À l’époque de sa création, il s’agissait de renforcer l’action de la FAO (Organisation pour l’alimentation et l’agriculture, agence spécialisée de l’ONU créée en 1945), en répartissant les surplus alimentaires produits par les pays riches auprès des populations démunies des pays du tiers-monde. Depuis 1945, les États-Unis, grands producteurs de céréales, apportaient déjà une telle aide alimentaire, de manière bilatérale, à plusieurs pays du Sud, ce qui leur permettait d’étendre leur influence sur ces pays, ce qu’on appelle le «  soft power  ». «  Le PAM est né de la volonté du gouvernement américain de soutenir son agriculture nationale en rachetant les surplus agricoles et en les distribuant dans les pays en voie de développement  », explique un fonctionnaire du PAM souhaitant rester anonyme (3).

Le PAM va effectuer sa première opération d’aide d’urgence à la suite du séisme de Buin Zahra, en Iran, en septembre 1962, qui laisse les populations iraniennes en détresse. Le programme leur fournira 1 500 tonnes

Samedi 30 Octobre 2021 Chloé Maurel


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