Ce 27 octobre vient de décéder le remarquable Georges Guingouin, illustration bien plus significative de la Résistance que De Gaulle réfugié à Londres 18 juin 1940 ou Thorez installé à Moscou, bien plus glorieuse que De Lattre de Tassigny et autres généraux, pétainistes de 1940 ralliés sur le tard. Seul Jean Moulin peut lui être comparé.
Nos lecteurs trouveront en ligne sur ce site :
un texte de Jacques Serieys sur le personnage Guingouin et son héroïque Résistance antifasciste dans le Limousin durant la Seconde Guerre mondiale :
18 juin 1940 Georges Guingouin commence la Résistance
un très bon texte biographique émanant de L’Humanité. Guingouin était un dirigeant du Parti Communiste en Limousin avant 1940, à l’époque de ces combats au sein de la Résistance et après la Libération.
6 avril 1941 Georges Guingouin constitue le premier maquis de résistance en France
Voici pour finir un texte biographique émanant de la LCR. Exclu du Parti Communiste en 1952 et sali ignoblement par le Parti socialiste, Guingouin restera ensuite une personnalité indépendante de la gauche anticapitaliste, discutant avec d’autres dont la LCR, se réclamant de Rosa Luxembourg, appelant à voter Non au Traité de Maastricht, suivant de près la récente remontée internationale des luttes.
3) Le lien vers sa biographie sur le site officiel de l’Ordre de la Libération (extraits)
Il y a tout juste dix ans, mourait Georges Guingouin. Après les dernières biographies et le roman paru l’an dernier, la publication de cet album destiné au jeune public (mais parfaitement accessible aux adultes) est une preuve supplémentaire de son retour dans le récit national, après une longue période de purgatoire. Georges Guingouin aurait d’ailleurs également pu entrer lui aussi au Panthéon au printemps dernier, si le gouvernement avait voulu adjoindre un résistant communiste à Germaine Tillion, Jean Zay, Geneviève de Gaulle et Pierre Brossolette.
Né en 1913, Georges Guingouin est instituteur, militant communiste et secrétaire de mairie lorsque Pétain signe la reddition des troupes françaises. Immédiatement et sans hésiter, il organise les activités de propagande autour des sections locales du parti communiste interdit et rédige dès août 1940 un « Appel à la lutte ». Dénoncé, il rejoint la clandestinité et organise la résistance. Son maquis sabotera les convois du S.T.O., les usines stratégiques et les réquisitions de récolte pour ravitailler l’armée allemande, punira les collaborateurs et les profiteurs de guerre. Après le débarquement allié en Normandie, il organisera l’enlèvement du Strumbannführer de la division Das Reich (responsable des massacres de Tulle, d’Argenton-sur-Creuse, d’Oradour-sur-Glane…) et, à la tête de 6 000 hommes, livrera une bataille rangée contre la brigade Von Jesser venu réduire la Résistance. Il désobéira aux ordres de libérer Limoges, craignant un nouveau massacre. Élu maire de Limoges à la fin de la guerre, il sera exclu du parti communiste. Alors qu’il reprend son métier d’instituteur, une violente campagne de presse sera déclenchée contre lui et ses compagnons. Arrêté, passé à tabac en prison il obtiendra, au terme d’un procès équitable, un non lieu.
Georges Guingouin est de ces hommes intègres qu’aucune circonstance n’ébranlera jamais dans leurs fondements moraux, ni leurs convictions. Ce moment d’histoire est développé dans la partie documentaire en fin d’album abondamment enrichie de documents d’époque. La partie fiction, elle, s’appuie sur une quinzaine de récits, imaginés, de témoins, compagnons, voisins, anonymes, rapportant chacun un épisode de la vie de Georges Guingouin pendant la guerre. Cette polyphonie donne une vision sensible des enjeux, du climat. Une gravure pleine page, inspirée de l’iconographie de propagande de l’époque répond à chacun de ces textes. Yann Fastier, auteur-illustrateur inclassable, iconoclaste et talentueux, habité par son sujet, a réussi un travail admirable, s’adressant autant à l’intelligence de ses lecteurs qu’à leur sensibilité.
L’édition jeunesse se risque peu, habituellement à explorer aussi loin des sentiers archi-battus. Il faut saluer cette publication remarquable. N’est-il pas en effet quelque peu paradoxal de proposer aujourd’hui encore, des monographies de Napoléon, de César, de Louis XIV ou de Jeanne d’Arc en lecture aux jeunes générations. La vie de Guingouin, en phase avec des problématiques très actuelles, sera certainement plus prompte à éveiller les consciences. À lire, à conseiller, à offrir.
Ernest London.
GUINGOUIN : UN CHEF DU MAQUIS Yann Fastier 44 pages – 16 euros. Éditions de l’Atelier du poisson soluble – Le Puy-en-Velay – septembre 2015 www.poissonsoluble.com
Cet article est initialement paru sur le blog de la Bibliothèque Fahrenheit 451
http://bibliothequefahrenheit.blogs...
Parce qu’il faut d’abord comprendre le monde pour pouvoir le changer, Parce qu’il faut tirer les leçons des luttes passées pour s’en inspirer, pour n’en pas renouveler les erreurs, pour prendre le meilleur dans tout, Parce qu’il faut sans cesse se battre contre la bêtise, la haine, l’injustice, la barbarie, Parce qu’il faut des armes pour se battre, Parce qu’on a déjà perdu, si on renonce, Voici, en permanente construction, une bibliothèque de références pour ceux qui souhaitent nourrir leur culture politique, analyses et comptes rendus de lectures utiles. Les livres sont des armes ! Ernest London, le bibliothécaire-armurier.
Le 27 octobre 2005, Georges Guingouin disparaissait. Premier maquisard de France et libérateur de Limoges, il eut également à affronter la répression stalinienne.
Guingouin fut un résistant social, qui peut servir d’exemple à tous ceux qui luttent aujourd’hui pour « un juste développement humain ».
Le colonel Guingouin est avant tout connu pour ses hauts faits d’armes. Il sait organiser, entre 1940 et 1944, jusqu’à 20 000 hommes en Limousin et il livre notamment les combats héroïques au mont Gargan contre les unités hitlériennes du général Ottenbacher. Sans son action, qui fixe sur le sol limousin une division blindée entière, le débarquement de Normandie eut certainement été un échec, comme le reconnaîtra lui-même le commandant en chef des forces alliées d’alors, le général américain Dwight Eisenhower. Pour sa contribution à la libération de la France et de l’Europe, Guingouin se voit décerner l’acte de reconnaissance de la nation américaine, et De Gaulle le fait compagnon de la Libération, une distinction rarissime pour un communiste.
Car Guingouin n’est pas qu’un stratège et un patriote, c’est un communiste.
Natif de Magnac-Laval, dans la campagne haut-viennoise, il se définit lui-même comme un descendant du mouvement syndical et révolutionnaire du Limousin et de l’Occitanie. Il est fils de ce pays où les bergers lisent Marx, sous l’influence des maçons de la Creuse - des gueux crevant de faim qui, montant à Paris pour survivre, en ont rapporté le socialisme.
« Préfet du maquis »
C’est donc naturellement qu’il s’est tourné vers le Parti communiste (PCF). Il adhère en 1935 au rayon d’Eymoutiers(1), tout près de Saint-Gilles-les-Forêts, où il officie comme instituteur. Et c’est aussi naturellement, comme responsable de son rayon, qu’il prend le maquis, le 18 juin 1940 (sans avoir écouté la radio !), avec quelques-uns de ses camarades. Distributions clandestines de tracts sur le marché d’Eymoutiers, destructions de machines à faire des bottes de foin et sabotages de fabriques travaillant pour l’occupant : on ne compte plus les actions de « Lou Grand »(2) qui se proclame « préfet du maquis ». Cela ne plaît guère à l’occupant. Mais cela ne plaît pas plus au PCF qui, du fait du Pacte germano-soviétique, proscrit tout acte de résistance. Le parti tente de ramener à la raison « le fou qui vit dans les bois », sans succès. Puis, c’est une tentative de liquidation physique. Devant ce nouvel échec, on tente de le mettre au placard en lui proposant une promotion à la direction des Francs-tireurs partisans (FTP) du Puy-de-Dôme. Il refuse.
En juin 1944, alors que le parti estime que toute résistance valable doit être ouvrière et urbaine, et qu’il ordonne aux communistes, par la voix de Léon Mauvais, de prendre les villes, « Lou Grand » ne se soumet pas. Il sait qu’un assaut serait coûteux en vies humaines et que la ville risquerait d’être reprise et soumise à des représailles terribles. Cette nouvelle désobéissance lui est vivement reprochée. À ce moment-là, d’autres villes de la région seront prises par les maquisards, puis perdues, comme Tulle, où 99 otages sont pendus.
Encore une fois, les faits ont donné raison à Guingouin contre le parti
Et c’est sans effusion de sang qu’il prend Limoges, au mois d’août, après avoir encerclé la ville et négocié la reddition du général allemand Gleiniger.
À ce moment, Guingouin est au faîte de la gloire et le parti doit se résoudre à le soutenir, au moins publiquement. C’est ainsi que le PCF remporte les élections municipales de 1945 à Limoges, une ville tenue par les socialistes depuis 1912. L’ex-« préfet du maquis » s’installe donc à la mairie et met en pratique ses idées. Il finance de grands travaux (complexe sportif, cités ouvrières, voirie...) dans l’intérêt des classes populaires limougeaudes, et il encourage la vie associative (patronages laïques, « samedis rouges »). Pour faire face aux problèmes du logement, il crée un service municipal, chargé de réquisitionner des habitations privées, et il soutient l’occupation des casernes par les comités locaux, qui comptent y faire des appartements.
L’ancien maire, Léon Betoulle, qui, député, a voté, en 1940, les pleins pouvoirs à Pétain, ne désespère pas cependant de retrouver sa place. Et lorsque, deux ans plus tard, de nouvelles élections sont convoquées, Guingouin est battu, victime d’une union sacrée entre les staliniens et les socialistes. Le vœu du bourgeois attentiste Betoulle est exaucé. Mais cela ne suffit pas.
Ceux qui l’ont battu politiquement veulent l’abattre, le détruire, casser son prestige
C’est ainsi qu’il sera brisé, au sein du parti, par Duclos et Thorez(3). Comme Marty et Tillon(4), il est écarté des directions, avant d’être exclu, en 1952, comme « titiste »(5) et « ennemi de la pire espèce ». À l’extérieur, les socialistes déclenchent la curée. L’un d’eux, le normalien Jean Le Bail, publie dans Le Populaire du Centre une série d’articles intitulés « Limousin, terre d’épouvante ». Dans ce feuilleton, qui devient quotidien, le dirigeant de la SFIO(6) déterre des affaires classées, et il attribue chaque jour un nouveau crime à la Résistance.
Calomnie
À chaque fois, Guingouin est pointé du doigt. La balle est alors dans le camp de la justice, qui ouvre une instruction et emprisonne le libérateur de Limoges. C’est l’Affaire Guingouin(7) qui commence ! Le héros se retrouve en position d’accusé. On tente même de le « suicider » dans sa cellule de Brive. Il restera plusieurs jours entre la vie et la mort. On tente alors de le faire passer pour fou. Grâce à la détermination de ses proches et de deux jeunes avocats (Roland Dumas et Robert Badinter), il est libéré après quelques semaines. Il mettra tout de même cinq ans à se laver de l’injure et de la calomnie, jusqu’au moment où, en 1959, le procureur du tribunal de Lyon déclare « ne pas comprendre, en son âme et conscience, qu’on ait pu engager des poursuites contre Georges Guingouin ».
Instituteur jusqu’à sa retraite, Georges Guingouin s’est établi près de Troyes. Il revient cependant sur la terre limousine périodiquement, notamment pour assister aux cérémonies du mont Gargan. C’est de là qu’il lance, en 1992, son appel à voter « non » au traité de Maastricht. Dans ses entrevues avec des camarades du cercle Gramsci ou de la LCR de Limoges, il se revendique régulièrement de l’autogestion, se réclamant à la fois de Pierre Leroux qui, en 1845, avait créé la première coopérative en Creuse, de la féministe Pauline Roland ou de Rosa Luxemburg, pour sa critique de la bureaucratie. Analysant la situation actuelle, il s’exprime ainsi, en 2002, après la naissance des mouvements altermondialistes à la suite des rassemblements de Seattle, Gênes et Porto Alegre : « Il y a un foisonnement, c’est certain. Du moment qu’en haut, il y a un échec, à la base, il y a une recherche. Tout le problème, c’est de savoir quand les masses peuvent faire basculer la situation. Mais ça, personne ne le sait. »
Nicolas Vanderlick
1. Un rayon est l’équivalent d’une section du parti à l’échelle régionale.
2. Surnom donné du fait de sa grande taille.
3. Maurice Thorez, alors secrétaire général du PCF, a passé la guerre à Moscou.
4. André Marty, numéro 3 du PCF, et Charles Tillon, chef des FTP ayant organisé le parti dans la clandestinité, sont accusés de « déviationisme ».
5. Du nom de Tito, chef d’État yougoslave.
6. Section française de l’Internationale ouvrière.
7. Lire Michel Taubmann, L’Affaire Guingouin, éditions Lucien Souny, 19 euros.
Source : http://orta.dynalias.org/archivesro...
Article de Rouge (10 novembre 2005)
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