Robespierre, fervent défenseur de la liberté de la presse

jeudi 17 février 2022.
 

La souveraineté réside dans la Nation et s’exprime à travers ses représentants élus. Maximilien Robespierre, très attaché à ce principe, ne limite pourtant pas l’action populaire à l’élection. Le peuple doit constamment être informé des agissements de l’Assemblée afin d’approuver ou de contester l’usage du pouvoir confié – la souveraineté n’est donc pas abandonnée aux députés. C’est pour cela qu’il réclame dès 1789, la liberté de la presse qui « est une partie inséparable de celle de communiquer ses pensées ».

Robespierre, défenseur de la liberté de la presse et du droit de pétition élargi à tous les citoyens

Au moment de la Révolution française, Paris connaît une recrudescence de nouveaux journaux. L’émulation est exceptionnelle et de nombreux parlementaires ont leur propre bulletin. Leur rôle est triple, celui d’interpréter l’opinion, de donner la parole aux citoyens à travers les tribunes politiques et de rendre compte des débats de l’Assemblée. Cette dernière mission est d’autant plus importante qu’il « n’y a pas alors de compte-rendu officiel ».

La mesure libérale fait l’objet de débats même si la majorité des députés semble déjà acquise à la cause. Toujours est-il que pour Robespierre, « la liberté de la presse doit être entière et indéfinie, ou elle n’existe pas ». Ainsi seulement, elle est garante des intérêts de la Nation puisqu’elle permet une discussion éclairée et provoque le mécontentement ou l’adhésion – moteurs des modes d’expression du peuple.

Ces moyens d’action sont avant tout pacifiques. Certes, par nature, la Révolution est violente puisque c’est le peuple mû par ses besoins matériels qui la dirige, mais beaucoup de revendications populaires s’expriment par pétition. Le 9 mai 1791, Le Chapelier et Robespierre s’écharpent à l’Assemblée sur ce nouveau droit. Le premier souhaite limiter les signatures aux citoyens actifs quand le second désire l’élargir à l’ensemble des citoyens.

C’est l’ensemble d’une vision politique qui s’exprime ce jour-là : la souveraineté est représentée dans une démocratie avant tout participative – aujourd’hui, on oppose représentation et participation, il n’est pourtant pas compliqué d’accorder une position plus accrue à cette dernière et former ainsi une « démocratie représentative [et] participative ».

Robespierre battu à l’Assemblée, le peuple dans la rue pour faire tomber le roi

Finalement, la loi Le Chapelier du 14 juin 1791 vient à bout de ce débat, Robespierre a perdu le vote final. Les citoyens « ne peuvent avoir […] une existence politique, ni exercer aucune action sur les actes des pouvoirs constitués […] ; que sous aucun prétexte, ils ne peuvent paraître sous un nom collectif, soit pour former des pétitions et des députations, pour assister à des cérémonies publiques, soit pour tout autre objet ».

La participation citoyenne est enterrée – l’expression violente du peuple n’est peut-être alors qu’une conséquence d’un manque de contrôle sur sa souveraineté seulement déléguée. L’affrontement des autorités légales avec la frange revendicative des Parisiens ne tarde pas. Le 17 juillet 1791, des citoyens se réunissent au champ de Mars et signent une pétition, à l’initiative du club des Cordeliers, en faveur de la déchéance du roi et de l’Assemblée qui l’a protégé.

En effet, Louis XVI s’était enfui un mois plus tôt et l’Assemblée a tenté d’étouffer l’affaire en prétextant un enlèvement. Les députés Robespierre, Barère et Roederer s’étaient alors opposés à ce grossier mensonge d’Etat. Le 15 juillet 1791, l’Assemblée constituante déclare le rassemblement illégal et charge La Fayette, général de la garde nationale, de disperser les manifestants.

La loi martiale est décrétée – bien plus liberticide d’ailleurs que le régime légal d’exception mis en place par la Convention en 1793 – les pétitionnaires sont massacrés. « Les tirs sont venus des gardes issus des milices bourgeoises, alors que les gardes soldées sont restées disciplinées et n’ont pas ouvert le feu » explique Jean-Clément Martin.

La scission entre le peuple parisien et l’Assemblée est complète. Seulement la légitimité de l’usage de la force étant profondément remise en question, c’est la crédibilité des représentants qui ne cesse d’être attaquée par les citoyens. La Commune de Paris devient alors le puissant porte-voix des sans-paroles. Le peuple doit pouvoir, à tout moment, se faire entendre puisqu’il est le souverain légitime.

Robespierre « invite le peuple à se mettre en insurrection »

La lutte de Robespierre contre les Girondins à l’Assemblée est légitimée par les sans-culottes parisiens. La Commune devient un véritable bastion d’opposition aux Girondins majoritaires de l’Assemblée. Ces derniers décident l’arrestation d’Hébert, représentant municipal de Paris. Une délégation est envoyée à l’Assemblée pour réclamer sa libération, mais la réponse du président Isnard précipite la chute des Girondins : si le peuple se soulève, « bientôt on chercherait sur les rives de la Seine si Paris a existé ».

Pour Robespierre, la majorité parlementaire va trop loin. Hébert n’a pas commis d’autres crimes que celui d’informer et « d’agiter » le peuple contre les manœuvres politiques girondines. Le 26 mai 1793, Maximilien « invite le peuple à se mettre dans la Convention en insurrection contre tous les députés corrompus ». Le 31 mai 1793, l’Assemblée nationale est renversée, les Girondins sont défaits. La thèse de Robespierre sur les moyens d’expression de la Nation est validée.

Le peuple ne doit jamais abandonner sa souveraineté et doit s’instruire grâce aux journaux et aux discussions dans les différents clubs de débats. Des outils participatifs sont à sa disposition pour exprimer sa volonté aux députés. En dernier ressort, le peuple doit pouvoir se soulever légalement pour « changer son gouvernement et révoquer ses mandataires ». Ce schéma est adoubé par la Constitution démocratique de l’an I – 24 juin 1793 – qui admet alors que « quand la garantie sociale manque à un citoyen, il rentre dans le droit naturel de défendre lui-même ses droits ».

Finalement, toute la dialectique de Robespierre se résume par cette formule désormais célèbre : « Quand le gouvernement viole les droits du peuple, l’insurrection est, pour le peuple et pour chaque portion du peuple, le plus sacré des droits et le plus indispensable des devoirs ».


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