L’ÉTOILE JAUNE ET LA RAFLE DU VEL’ d’HIV

lundi 25 juillet 2022.
 

Avec l’aimable autorisation de l’association des ami-e-s de Maurice Rajsfus pour le blog Mediapart.

Deux ans après leur arrivée à Paris, les autorités nazies avaient décidé de nous affubler de cette abominable étoile jaune, par une ordonnance datée du 29 mai 1942. Nous en avions été avertis par voie de presse. Ce qui est certain, c’est que notre police française avait été chargée d’en faire la distribution, contre la remise de quelques points de notre carte de rationnement textile. Cette assignation à se décorer était spécifiée de façon particulièrement ambiguë : nous n’étions pas dans l’obligation de porter cette étoile jaune infamante, mais il nous était interdit de sortir de notre domicile sans l’arborer visiblement.

Une date avait été fixée pour porter cette décoration : le dimanche 7 juin 1942. Dès ce jour, les fidèles mercenaires de la Gestapo qui portaient l’uniforme de la police française allaient se livrer à une véritable chasse au faciès, interpellant tous ceux qui n’avaient pas le bon profil, pour contrôler leur identité. Dès ce même jour, nous avions été soumis à n’emprunter que le wagon de queue dans le métro parisien. Ce n’était là qu’un hors-d’œuvre puisqu’une autre ordonnance nazie, datée du 9 juillet 1942, interdisait aux porteurs de l’étoile jaune de fréquenter la plupart des lieux publics, hormis la rue et les transports en commun. Ne nous restait que la liberté de respirer un air contaminé par la sinistre bonne volonté de nos policiers qui ne savaient rien refuser à l’occupant nazi, espérant sans doute des primes au mérite pour leur performance et les félicitations d’une hiérarchie qui avait délibérément choisi son camp.

Malgré l’horreur de cette mise à l’écart, le pire était à venir. Une semaine plus tard, alors que le soleil n’était pas encore levé, l’armée répressive, exclusivement constituée de bons citoyens, fidèles à la consigne de l’ennemi héréditaire, se mettait en marche, à Paris et dans sa banlieue. Des coups violents ébranlaient les portes de notre petit logement. Comme dans un rêve, j’entends hurler :

« Police !

Ouvrez ! »,

à plusieurs reprises.

Ce n’est pas un rêve, c’est un cauchemar. Déjà deux policiers s’affichent dans l’encadrement de la porte que ma mère vient d’ouvrir. Depuis mon lit, j’aperçois deux cerbères en uniforme de la police française.

Les ordres brutaux qui m’ont arraché au sommeil, et les apparitions de ces hommes qui repoussent ma mère, me font comprendre que tous les récits entendus quelques années plus tôt sur les pogroms qui s’étaient déroulés dans la Pologne natale de mes parents paraissent se réaliser ici, au pays des droits de l’homme.

Nous sommes le 16 juillet 1942, à l’aube ; le jour commence à poindre et résonne dans ma tête, comme autant de coups de tonnerre :

« Police !

Ouvrez ! »

Soixante-quinze ans plus tard, cette injonction brutale ne cesse de me revenir en mémoire. Comme si cela ne tarderait pas à se reproduire. Je sais bien que ce ne sera plus jamais le cas, mais, tant d’années plus tard, comment ne pas comprendre cette antipathie réservée aux policiers lorsqu’il m’arrive d’en croiser un dans la rue ou dans les transports en commun. Nul ne peut ignorer que, de nos jours, cet ordre hargneux :

« Police !

Ouvrez ! »

est réservé à d’autres parias qui ont la malchance de n’avoir pas de papiers d’identité en règle ou, tout aussi grave, d’afficher une couleur de peau peu conforme à celle tolérée par les racistes, dont il n’est pas possible d’exclure nombre de nos policiers dont les anciens étaient redevenus « républicains », à la fin du mois d’août 1944, après avoir été aux ordres de la Gestapo, relayés par le pouvoir de Vichy.

Combien de fois, dans mon sommeil agité, ai-je pu réentendre cette vocifération, éructée par des hommes armés contre des familles sans défense dont ils ne pouvaient ignorer qu’elles étaient peut-être vouées à disparaître dans les camps de la mort nazis :

« Police !

Ouvrez ! »

Dans quel état d’esprit pouvaient être ces hommes qui, sans trop se poser de questions, accomplissaient cette tâche abjecte qui leur était dévolue, sans qu’ils envisagent de la refuser ? Se mettre au service de l’occupant nazi ne leur avait pas posé de problème de conscience. Bien plus tard, je serais en mesure d’apprendre qu’aucun de ces dizaines de milliers de bravaches n’aura refusé de se déshonorer, tout en arguant, par la suite, qu’ils avaient été résistants dans l’âme. Tous avaient accepté d’utiliser ces mots brutaux pour signifier que leurs victimes ne faisaient plus partie du pays réel :

« Police !

Ouvrez ! »

Ces hommes, que l’occupant nazi n’avait même pas désarmés, obéissaient aveuglément à une hiérarchie qui, de son côté, trouvait tout à fait naturel de pourchasser une minorité, à l’imitation de leurs collègues allemands qui, depuis près de dix ans, s’étaient habitués à ces opérations d’épuration pour satisfaire l’ambition de leur Führer qui avait promis de rendre l’Allemagne judereïn, c’est-à-dire nettoyée de ses Juifs.

Dans cette France, qui avait connu, peu de temps avant, le Front populaire, les xénophobes et les racistes prenaient leur revanche. Tous ravis de voir les occupants nazis se livrer à la chasse aux Juifs, avec comme hommes de main ces policiers et gendarmes qui, comme sous la République, ne connaissaient pas la désobéissance aux ordres reçus. D’où ces missions criminogènes effectuées parfois avec la satisfaction du devoir accompli. Peu importait qu’au cours de ces descentes de police seraient embarqués des femmes et des jeunes enfants, de même des vieillards grabataires. Presque tous ces hommes d’ordre, à la nuque raide, seront réhabilités la Libération venue, et même décorés collectivement de la Légion d’honneur pour être entrés en résistance à la 25e heure.

De Gaulle ayant remplacé Pétain au pouvoir, tous ces mercenaires aux ordres de la Gestapo durant plus de quatre ans avaient déjà oublié leur passé honteux, tentant même de convaincre les Français, enfin libérés, qu’ils n’avaient cessé de lutter pour les protéger. Il n’en reste pas moins que les patriotes ordinaires – ceux qui ne font pas de politique – avaient déjà pardonné leurs « errements » à ces policiers désormais au service de la République retrouvée. Tous, même les plus immondes, allaient être réintégrés rapidement, avec avancement dans les grades pour certains. Comme il était loin le temps des ordres aboyés :

« Police !

Ouvrez ! »

À la limite, ils auraient même juré n’avoir jamais prononcé l’injonction menaçante. Leur rappeler le contraire aurait constitué une atteinte à leur honneur. Serviteurs de l’État, quel qu’il soit, nos policiers et gendarmes – il ne faut cesser de le rappeler – n’avaient jamais envisagé de refuser les missions qui leur étaient confiées par la Gestapo. C’est ainsi que, du 14 mai 1941 au 30 juillet 1944, près de 76 000 Juifs vivant dans ce pays – surtout des étrangers – avaient été raptés par leurs soins et, parmi eux, quelque 11 000 enfants qui ne reviendront pas des camps de la mort. « Nous ne faisions qu’obéir aux ordres de nos chefs », expliqueront ces bravaches qui n’avaient jamais entrevu la possibilité de changer de métier. Nombre d’entre eux se justifieront, avec cet argument stupéfiant : « Si nous n’avions pu exécuter les ordres, d’autres auraient effectué les rafles à notre place, et peut-être même plus brutalement. »

« Police !

Ouvrez ! »

Ceux-là auraient même enfoncé les portes si elles ne s’étaient pas ouvertes aussi rapidement que ces hommes d’honneur l’exigeaient. Ce qui est certain, c’est que ces policiers, persuadés d’avoir accompli « convenablement » leur tâche, ajoutaient souvent les injures et la brutalité lorsque leurs victimes n’obéissaient pas suffisamment rapidement à leur injonction. Comment qualifier ces hommes d’ordre qui n’hésitaient pas, le cas échéant, à embarquer sur des civières des vieillards grabataires et des femmes dont l’accouchement paraissait imminent – sans oublier quelques aveugles. Comment procédaient-ils lorsque, sur la liste qui leur avait été remise, se trouvaient des sourds et des muets ? Et puis, comme ils devaient plaisanter entre eux lorsqu’ils avaient été chargés d’interpeller un curé juif, portant l’étoile jaune. Cela existait !

« Police !

Ouvrez ! »

Ces parias en soutane n’allaient pas attendre longtemps avant de rejoindre le royaume des cieux. Comment oublier que le doux poète Max Jacob, converti au catholicisme, allait mourir au camp de Drancy, en 1943 ?

Les forces de l’ordre ne font pas de politique, nous a-t-on toujours expliqué. Moyennant quoi ces hommes en uniforme de la police française se sont avérés exécuteurs de la pire des politiques : celle de l’extermination systématique d’une population sans défense. Bien sûr, si ces mercenaires sans vergogne participaient alors, avec conviction, à l’éradication de la minorité juive vivant en France, c’est que cela ne les choquait pas outre mesure. Nous savons, d’expérience, que nos policiers et gendarmes, s’ils ne sont pas xénophobes, n’apprécient guère les étrangers et que, s’ils ne sont pas racistes, ils détestent les Arabes, de nos jours, comme ils exécraient les Juifs, de l’été 1940 à l’été 1944. Ironie de l’histoire, comme le statut des Juifs du 3 octobre 1940 prévoyait l’exclusion des Juifs de la fonction publique, il s’était trouvé quelques policiers de mauvaise origine chassés de l’institution répressive. Devenus également des parias, ils allaient porter l’étoile jaune, en zone occupée, mais seront relativement protégés de la déportation, car citoyens français.

Comment ceux-ci se seraient-ils comportés si, restés à leur poste, ils avaient été chargés de rafler des « coreligionnaires » ? Il suffit de se reporter aux exactions commises par les policiers juifs du ghetto de Varsovie pour être convaincus qu’en période troublée, les sentiments humanistes n’ont plus leur place. Chacun songeant surtout à sauver sa vie, au détriment de celles des autres ; l’illusoire communautarisme s’effaçant devant la menace pesant sur celui qui fera tout pour échapper au sort commun.

Soixante-quinze ans après l’action innommable conduite par des policiers bien français, le temps paraît avoir fait son œuvre. C’est dans une indifférence aussi générale que les bons Français de France assistent sans broncher à la montée accélérée d’un racisme antimaghrébin et, plus généralement, antimusulman. Sans être mauvais prophète, il faut être bien persuadé que si nos policiers étaient chargés, de nos jours, de rafler quelques dizaines de milliers de familles originaires d’Afrique du Nord, aux fins d’expulsion, la mission serait effectuée sans le moindre refus d’exécution – avec enthousiasme même. Il serait alors possible d’entendre de nouveau :

« Police !

Ouvrez ! »

… et sans attendre, les béliers qui font désormais partie de l’arsenal policier, seraient mis en œuvre pour enfoncer toutes les portes. Cette fois, non plus dans l’indifférence générale, comme le 16 juillet 1942, mais avec l’approbation d’une population bien convaincue de la nécessité de cette intervention permettant l’éradication d’une possible génération d’intégristes musulmans. Sans négliger la satisfaction intime des auteurs de cette opération : « Si nos anciens livraient leurs proies aux bourreaux nazis, avec pour destination Auschwitz, nous, au moins, limitons notre action à la préparation d’une expulsion de masse… »

Avec l’état d’urgence tel qu’il peut être interprété désormais, quiconque aurait fait les frais d’une simple délation pourrait être emprisonné et placé sur la liste des proscrits, sans même que la justice puisse émettre son avis. Le temps des justiciers des mauvaises causes est revenu bien plus rapidement qu’il aurait possible de s’y attendre. La loi des suspects, avec ses plus mauvais effets, risque d’être de retour, avec l’arrivée au pouvoir de ces Républicains intransigeants pour qui l’État de droit ne serait plus qu’une image du passé. Bien sûr, la guillotine n’est plus de saison, mais si la peine de mort a été abolie en octobre 1981, les policiers – qui ne sont pas des justiciers comme les autres – disposent de toute une panoplie d’armes létales qu’ils peuvent utiliser sans même qu’il leur soit nécessaire d’invoquer la légitime défense pour en justifier l’usage.

* *

*

Impossible pourtant d’oublier cette horrible rafle du 16 juillet 1942, qui a fait de moi un orphelin à perpétuité. Devenu apprenti sertisseur-joaillier après la déportation de mes parents, je traînais mon chagrin au fil des courses que mon patron me faisait faire. Je ne cherchais ni pitié ni compassion, craignant surtout les face à face où les gens me regardaient avec une curiosité malsaine à la vue de mon étoile jaune, lorsqu’ils ne s’écartaient pas de moi comme si j’étais porteur d’une maladie contagieuse. Dans le métro, où je ne pouvais fréquenter que le wagon de queue, pas un sourire pour ce jeune garçon sinistrement étranger à ses compagnons de voyage. C’était un peu comme une punition supplémentaire venue augmenter ma détresse. Dans la rue, je rasais les murs, évitant le regard des policiers en patrouille, armés jusqu’aux dents. Fréquemment la mitraillette en bandoulière.

Régulièrement, j’apprenais que l’un des clients de mon patron avait été raflé la veille. Il m’est même arrivé d’avoir été envoyé chercher un bijou chez un joaillier et de trouver porte close, les scellés ayant été apposés sur la porte de l’appartement servant également d’atelier. Dans cette circonstance, j’avais rapidement pris le large, craignant la possibilité de la présence d’un policier à proximité de l’immeuble, en planque pour embarquer quelque possible victime de cette répression raciale animée par des policiers avides de résultats. Visiblement, cette porte avait été fracturée, avant que l’accès n’en soit interdit par les scellés. Les auteurs de cette incursion, outre l’injonction habituelle :

« Ouvrez !

Police ! »

auraient pu ajouter, ce qu’ils avaient sans doute réalisé :

« Ouvrez !

Ou on enfonce la porte ! »

Cela sans la moindre hésitation, accompagnés parfois d’un serrurier, car les portes des professionnels de la joaillerie étaient souvent blindées. Nos policiers, parfois recrutés au temps du Front populaire, n’hésitaient jamais à mal faire. Ce que je pouvais constater un matin de février 1943, devant la porte vandalisée de ce joaillier de la rue Geoffroy-Marie, à cent mètres de l’atelier qui m’employait.

Avec ma sœur qui poursuivait ses études, notre plus grande chance c’était d’avoir été oubliés, aussi bien par la Croix-Rouge que par les services sociaux de la mairie de Vincennes. Je n’avais pas encore quinze ans, et ma sœur tout juste dix-sept. L’un et l’autre, en fin de journée, nous nous retrouvions, étonnés d’être toujours en liberté, sous le regard peu convivial d’une concierge qui, à l’évidence, n’aimait pas les étrangers et, par conséquent, leur progéniture. En délicatesse avec le propriétaire qui s’inquiétait de ne plus recevoir régulièrement le loyer de notre pauvre petit logement, la concierge ne faisait que relayer le ressentiment de son patron-vautour.

Faute de ne pas connaître quelques élans généreux, non pas pour me plaindre mais témoigner d’un minimum de solidarité à mon égard, je n’avais pas tardé à généraliser ma rancœur contre ces bons Français de souche qui s’accommodaient tranquillement des méfaits de l’Occupation dès lors que leur subsistance pouvait être assurée, grâce au marché noir. Le seul envers qui j’éprouvais une réelle reconnaissance était encore ce patron d’apprentissage qui n’avait pas hésité à embaucher un apprenti porteur d’une étoile jaune – ce qui n’était pas interdit mais pouvait risquer de le rendre suspect en un temps où la délation était devenue un sport national.

Après le drame vécu avec ma sœur, tous deux désespérés, nous n’avions pas eu droit au soutien d’une cellule psychologique, comme cela se fait de nos jours pour les victimes d’attentats. Bien entendu, ce ne pouvait être le cas, car nous avions été assaillis au nom d’une raison d’État – fut-elle proche du régime nazi. Dans ma mémoire blessée ne cesseront jamais de résonner ces mots chargés de haine, braillés par ceux-là même que l’on qualifiait encore de l’appellation de gardiens de la paix :

« Ouvrez !

Police ! »

Après la lourde épreuve de l’intrusion des policiers avait suivi la séparation d’avec nos parents. Nous nous retrouvions à l’air libre, ma sœur et moi. Désormais, notre prison se situerait à l’extérieur, après le départ de l’autobus où mon père et ma mère avaient été contraints de monter, vers une destination encore inconnue. M’attendait un nouveau constat de l’horreur connue depuis l’aube de 16 juillet 1942 : de retour le premier dans notre petit logement, j’avais eu la mauvaise surprise d’y trouver la concierge, fort occupée à secouer la porte du buffet, dans l’espoir de s’emparer d’un éventuel butin. Tentative de pillage, il n’y a pas d’autre mot. S’étant vue remettre les clés par les policiers, après notre arrestation, la « bignolle » n’avait même pas eu besoin de crier :

« C’est la concierge !

Ouvrez ! »

C’était l’image déformée d’une triste société ayant remisé son humanisme au vestiaire. Dans la rue, j’avais eu le sentiment de ne pas exister car les regards ne s’attardaient pas sur moi. Comme si cette étoile qui me collait à la peau pouvait me rendre invisible. Brutalement séparé de mes parents, je n’avais plus le moindre recours. En cette fin d’après-midi de juillet, où la chaleur était forte, les rares passants n’avaient que faire de ce garçon qui, ayant perdu ses repères, ne comprenait pas encore ce qui lui était arrivé, quelques heures plus tôt. Comme un sinistre leitmotiv lui revenaient en mémoire ces mots éructés par des policiers peu soucieux de savoir quel serait le sort de leurs victimes :

« Police !

Ouvrez ! »

Pour ceux qui n’étaient pas au travail, c’était les vacances et, dans ce quartier de Vincennes, les quelques passants croisés ignoraient sans doute que, quelques rues plus loin, un petit pavillon avait été transformé en prison provisoire. Par ailleurs, chez ceux qui, depuis leur fenêtre, avaient pu assister au drame qui se jouait de l’autre côté de cette rue Louis-Besquel où une geôle collective avait été ouverte par les soins de la police française, désireuse de satisfaire les autorités nazies, nulle émotion visible.

Autre constat, tout aussi étonnant : alors que j’avais dû traverser Vincennes pour informer la meilleure amie de ma sœur du drame qui venait de nous frapper, je n’avais pas rencontré le moindre soldat allemand. Étonnant, évidemment, car Vincennes était devenu ville de garnison pour l’armée occupante. À moins de deux cents mètres du lieu où nous avions été provisoirement enfermés, les casernements proches du donjon, ainsi que le fort neuf et la caserne des dragons, à l’orée du bois, fourmillaient habituellement d’uniformes vert-de-gris. Pas un Allemand dans les rues de Vincennes. L’occupant tentait peut-être de convaincre la population que cette opération répressive relevait surtout de la volonté du pouvoir de Vichy de nettoyer la France de ses Juifs.

* *

*

Au terme de cette journée qui s’était déroulée dans une chaleur éprouvante, un violent orage s’était abattu sur la région parisienne, comme pour laver le crime commis par ces mercenaires ayant oublié qu’ils avaient été – parfois – des policiers républicains.

Maurice Rajsfus, 2017

Rescapé de la rafle du Vél’ d’Hiv’


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