Entretien avec Pablo Iglesias (Podemos, Espagne)

jeudi 22 septembre 2022.
 

Dans un entretien à Mediapart, l’ancien leader de Podemos dénonce les compromissions de journalistes et politiques espagnols désireux, dès le début, d’entraver cette force de gauche. Pablo Iglesias s’emporte, plus largement, contre une « politisation de la justice » qui serait à l’œuvre partout dans le monde.

IlIl s’était mis en retrait de la vie politique en mai 2021, après une lourde défaite aux régionales à Madrid. Aujourd’hui, Pablo Iglesias, 43 ans, co-fondateur en 2014 du parti de gauche critique Podemos, s’est reconverti en analyste politique : il écrit notamment pour le journal en ligne indépendant Ctxt et anime un podcast de « contre-information » d’un autre média en ligne, Público, intitulé La Base.

Ces nouvelles activités ne sont pas sans rappeler les débuts du politiste madrilène, qui avait fait ses gammes au sein d’une émission de débats politiques, « La Tuerka », au début des années 2010, avant de basculer dans l’arène institutionnelle. Dans un petit livre d’interventions qu’il fait paraître ces jours-ci à Madrid, compilation de chroniques déjà publiées et d’entretiens - par exemple avec Noam Chomsky –, Pablo Iglesias règle ses comptes avec des médias espagnols qu’il accuse d’avoir alimenté sciemment un récit nuisant à Podemos, au service du statu quo politique et de la monarchie.

Dans un long entretien à Mediapart, l’ancien numéro deux du gouvernement espagnol dénonce l’emprise de réseaux mafieux mêlant politiques, fonctionnaires et journalistes en Espagne, s’emporte contre la fabrication de fausses preuves visant à nuire à Podemos et évoque la « tragédie » de la campagne électorale en Italie. Sur un registre plus personnel, il explique aussi pourquoi, si tout était à refaire à partir de 2014, il ne le « referai[t] pas ».

Vous dénoncez dans votre livre les « cloaques de l’État ». De quoi s’agit-il ?

Pablo Iglesias. Ce sont des secteurs de l’État qui renoncent à la légalité de l’État au nom d’objectifs politiques. L’exemple le plus évident en Espagne, ce sont les GAL [Groupes antiterroristes de libération, de 1983 à 1987 – ndlr]. Ce groupe terroriste était financé par le ministère de l’intérieur, via des fonds réservés – des types de fonds dont beaucoup d’États disposent, et dont ils n’ont pas à rendre compte de l’usage, en cas d’enquêtes ou d’audits devant des parlements. Dans le cas des GAL, les opérations secrètes qu’ils menaient visaient à assassiner des membres de l’ETA, mais aussi des personnes innocentes et des civils, qui n’avaient rien à voir avec l’ETA.

Au cours des dernières années, nous avons appris l’existence de différentes organisations policières, dirigées par des membres du ministère de l’intérieur, et jusqu’à des ministres du Parti populaire [PP, droite – ndlr]. Ici, le cas le plus évident est celui de [Jorge] Fernández Díaz [ministre de l’intérieur de Mariano Rajoy de 2011 à 2016 – ndlr].

Il a agi, soit pour faire disparaître des preuves ou freiner l’avancée d’enquêtes qui s’intéressaient à des dirigeants et des élus du PP liés à des affaires de corruption, dont Mariano Rajoy, soit pour tenter de fabriquer des preuves contre des adversaires politiques du gouvernement. En bref, utiliser l’État, en énonçant sa propre légalité, pour atteindre des objectifs politiques illégitimes.

Le procès de l’ancien commissaire de police à la retraite José Manuel Villarejo, ouvert à l’automne 2021 à Madrid, et accusé de corruption, blanchiment de capitaux et d’appartenance à une organisation criminelle, s’est accompagné de la publication dans la presse de dizaines de conversations que Villarejo avait enregistrées avec des politiques et journalistes, entre 2005 et 2017, et qu’il a fait fuiter

Les enregistrements rendus publics par Villarejo, l’un des chefs de ces « cloaques », documentent un élément clé sur le fonctionnement de ces réseaux. Une bonne partie de leur activité consiste à fournir du matériel, des « dossiers », aux médias espagnols, pour ruiner des réputations.

Dans le cas le plus scandaleux, qui nous concerne directement, on entend Villarejo parler à l’un des journalistes soi-disant progressistes les plus importants du pays, Antonio García Ferreras, le patron de la chaîne de télévision soi-disant de gauche La Sexta [et animateur depuis douze ans d’une émission quotidienne de débat politique à grande écoute, « Al Rojo Vivo » – ndlr].

Durant cet échange, Ferreras déclare qu’il sait que l’information – selon laquelle j’aurais détenu un compte en banque dans un paradis fiscal [les îles Grenadines] qui aurait été alimenté [à hauteur de 272 000 dollars] par [le président du Venezuela] Nicolas Maduro – est fausse. Mais malgré cela, il relaie cette information [d’abord publiée par le site OK Diario en mai 2016 – ndlr] dans son émission, à un mois des élections générales [de juin 2016].

Les « cloaques » sont-ils d’après vous forcément de droite ? Ici, c’est un journaliste étiqueté progressiste qui est mis en cause.

Les cloaques sont du côté du pouvoir, et le pouvoir est presque toujours de droite. La droite a eu l’intelligence de devenir propriétaire à la fois de moyens de communication dont la ligne éditoriale et le public sont de droite, mais aussi de médias de gauche. Ce qui lui permet de faire des dégâts aussi à gauche.

Dans l’un des enregistrements, Ferreras déclare, au sujet de Podemos : « Quand c’est nous qui leur mettons une beigne, ça leur fait mal au cul. » Pourquoi ? Parce que c’est une télé de gauche, et que les téléspectateurs de gauche considèrent ce qu’elle diffuse avec une certaine crédibilité, qu’ils n’accordent pas à des médias de droite.

Les « cloaques de l’État » dont vous parlez s’inscrivent dans une longue histoire en Espagne. En quoi les attaques qui ont visé Podemos, à partir de 2014, sont-elles inédites ?

Podemos représentait un défi électoral. Aux élections de juin 2016, Podemos s’est imposé comme la première force de gauche, devant le PSOE [socialistes], à Madrid, en Catalogne, aux Canaries, dans les Baléares, au Pays basque, en Navarre, à Valence… Et des enquêtes d’opinion nous avaient aussi donné avant le scrutin comme étant la première force politique du pays.

Notre force a suscité un mouvement réactionnaire de résistance, qui a recouru à des moyens politiques légitimes, mais aussi illégitimes. Des mensonges et fausses informations ont été diffusés. Beaucoup ont déclenché l’ouverture d’enquêtes judiciaires qui ont été systématiquement archivées depuis. Sauf que pendant des années, les principaux médias de communication ont installé un récit, selon lequel Podemos était financé par le Venezuela et l’Iran. Cette technique n’a jamais été pratiquée de manière aussi agressive que contre nous, dans l’histoire de l’Espagne.

Au moment du lancement en 2014, vous n’aviez pas anticipé que les coups seraient aussi durs ?

Il est toujours possible de théoriser en quoi consiste l’action du pouvoir. Mais c’est autre chose de le vivre dans sa propre peau. Encore une fois, les grands médias de communication ont relayé de fausses preuves qui, pas une seule fois, ont fait que nous soyons mis en examen. Mais même si elles n’ont pas débouché sur le front judiciaire, elles ont alimenté un récit médiatique et modifié la perception d’une partie importante de la population à notre égard.

En 2014, Podemos s’est créé avec l’ambition d’en finir avec ce que l’on appelle en Espagne « le régime de 78 », né de la Transition post-franquiste. Que répondez-vous à celles et ceux qui vous disent qu’il est logique que les piliers de ce régime, de la justice à la monarchie, se défendent quand on les attaque ?

Ce type de discours revient à légitimer la lutte armée ! Si quelqu’un trouve cela logique que l’État associé au « régime de 78 » renonce à l’action légale pour batailler contre Podemos, cela reviendrait à justifier le terrorisme… C’est vrai que beaucoup de gens le pensent. Et qu’il y a beaucoup de secteurs, au sein du pouvoir, qui se disent disposés à tout, y compris à tuer, pour défendre leurs privilèges. Mais ils n’accepteront pas de le dire publiquement.

Dans une tribune récente, le sociologue Ignacio Sánchez-Cuenca parle de « la grande résignation » de la société espagnole. Comment expliquez-vous les réactions plutôt limitées à la publication des enregistrements de Villarejo ?

Ce sont les médias de communication qui établissent la hiérarchie de l’information et donnent du poids à tel ou tel sujet politique. Et logiquement, c’est un sujet qu’une majorité de médias essaie d’occulter. Le journalisme cherche à se présenter comme un messager neutre. Mais ces scandales ont prouvé que ce n’était pas le cas.

Vous pensez que c’est fondamentalement à cause de l’action de ces « cloaques de l’État » que Podemos n’a pas remporté les élections, ou il y a eu aussi des erreurs ?

Bien sûr que nous avons fait des erreurs.

Y a-t-il un risque de victimisation - Podemos victime de « l’État profond » - qui éviterait d’aborder d’autres facteurs, comme les dynamiques électorales des dernières années ?

Si quelqu’un tire dans la jambe d’un cycliste et qu’il ne peut plus participer à sa course, je ne crois pas que ce soit une forme de victimisation si le cycliste s’en plaint. Ce qui s’est produit dans ce pays est extrêmement grave. Et les conséquences qui devraient être tirées de tout cela ne le sont pas.

Allez-vous déclencher une action en justice à l’encontre de certains, par exemple le journaliste Antonio García Ferreras ?

Nous travaillons sur ce sujet avec les avocats. Ce n’est pas un sujet simple. Nous l’étudions.

Vu le paysage médiatique et politique que vous dressez dans votre livre, est-il possible qu’une force de gauche alternative arrive seule au pouvoir un jour ?

Il y a toujours un espace, des opportunités qui se présentent. Toujours. Mais le rapport de force médiatique est la condition de possibilité de n’importe quel succès, pour n’importe quel acteur politique. Or les grandes entreprises n’achètent pas des chaînes de télévision ou des journaux pour faire des affaires. Le secteur n’est d’ailleurs pas très rentable. Elles cherchent de l’influence, et la capacité de peser sur des objectifs politiques très concrets.

Si une large partie des médias est propriété de groupes entrepreneuriaux privés, alors la démocratie devient limitée. Le droit à l’information ne doit pas être le droit des millionnaires, mais le droit des citoyens à une pluralité des médias, comme ce qui existe par ailleurs dans la majeure partie des démocraties.

Face à la concentration des médias, vous plaidez pour une loi qui fixerait une règle des trois tiers…

Cette loi s’inscrirait tout à fait dans la ligne de ce que l’on peut faire dans une économie de marché : un tiers pour le privé - où des millionnaires peuvent s’acheter un journal ou une télévision, en s’assurant tout de même que l’on respecte les principes du libéralisme, à savoir qu’il y ait un certain pluralisme –, un tiers de médias publics, qui répondent à l’intérêt général, et un dernier tiers de médias communautaires et indépendants.

Comment articulez-vous cette réalité espagnole, celle des « cloaques de l’État », avec le concept plus général de « lawfare », qui connaît un essor partout dans le monde, pour signifier tout à la fois un usage politique de la justice et une judiciarisation accrue de la vie politique ?

Cela me paraît très significatif que le cas de Ferreras ait fait réagir le leader de l’opposition en France Jean-Luc Mélenchon [par un tweet – ndlr], et cinq présidents latino-américains. Cela prouve que ce que l’on peut nommer un « lawfare médiatique », ou un « lawfare », est une réalité qui n’existe pas seulement en Espagne, mais aussi en Amérique latine depuis longtemps. Et cela s’est aussi passé en France. C’est une menace indéniable qui pèse sur nos démocraties. Le paradigme trumpiste d’un recours banalisé aux mensonges pour faire de la politique, devient de plus en plus central.

Mais comment fait-on pour distinguer entre ce qui relève d’attaques infondées et de cas de corruption avérés ? Il n’y a pas que des histoires de conspiration contre les gauches partout dans le monde…

Avec de l’éducation aux médias. Bien sûr qu’il faut poursuivre les voleurs. Mais le problème ici, c’est que quelqu’un dit qu’il a été volé, alors qu’il n’est pas certain qu’il l’ait été. Il n’est pas possible de regarder ailleurs, alors que cette dynamique prend de l’ampleur, et provoque des dégâts sur un acteur fondamental pour la démocratie, à savoir le journalisme. Le journalisme perd du crédit et du prestige. Nos sociétés sont bien plus faibles d’un point de vue démocratique.

Selon le site d’enquête The Intercept, l’enquête anticorruption sur le président brésilien Lula visait bien à l’empêcher de revenir au pouvoir. En Argentine, le procès en cours de Cristina Kirchner, qui s’est réjouie de la sortie de votre livre, est, à ce stade, une tout autre histoire. En France, les dirigeants de La France insoumise ont réclamé la désignation de juges d’instruction indépendants pour mener l’enquête, à la place du parquet, qui dépend du pouvoir – ce qui s’est produit. Bref, ces situations différentes ne compliquent-elles pas toute généralisation sur le « lawfare » au niveau mondial ?

Sans doute qu’il faut analyser chaque cas dans ses nuances et ses différences. Mais je crois qu’il existe quelque chose d’évident : une tendance à la politisation de la justice. Lorsqu’une figure de la gauche émerge, la coalition de ses adversaires se renforce, grâce à des moyens qui ne sont pas légitimes.

Je n’ai pas d’informations particulières pour me prononcer sur tel ou tel cas. Mais il n’est pas possible de nier la politisation de la justice. Une réalité s’impose dans la majeure partie des pays : le caractère conservateur du monde de la justice. Beaucoup de secteurs politiques cherchent à s’appuyer sur les pans très conservateurs de la justice pour tenter de freiner les avancées de la gauche.

Faites-vous une différence entre l’ancien roi Juan Carlos Ier et son fils, l’actuel roi Felipe VI, dans la manière dont la monarchie se comporte pour conserver le statu quo ?

Le cas de Juan Carlos Ier est scandaleux. Un scandale absolu d’impunité. Il est établi qu’il a commis des délits sur lesquels on ne peut pas enquêter, soit parce qu’ils sont prescrits, soit parce qu’il a bénéficié d’une forme d’impunité liée à son statut de chef d’État. C’est un scandale démocratique objectif.

Il existe peu d’institutions moins démocratiques que la monarchie en Espagne. Mais celle-ci est aussi devenue le porte-drapeau des secteurs les plus réactionnaires du pays, ceux qui s’opposent à la gauche et la justice sociale, mais aussi ces ultra-nationalistes espagnols mobilisés contre l’indépendantisme catalan ou contre la réalité d’une Espagne plurinationale. La monarchie n’évoque pas seulement la corruption : elle est désormais associée aux obstacles qui empêchent l’Espagne de réaliser des avancées démocratiques.

Concernant le scandale d’espionnage via le logiciel Pegasus, est-il possible que le chef du gouvernement Pedro Sánchez, arrivé en poste à l’été 2018, n’ait pas été au courant de l’espionnage d’indépendantistes catalans, mené de 2017 à 2020 ?

Cela me semble peu vraisemblable. Le gouvernement a reconnu lors d’auditions parlementaires que l’État espionnait des leaders indépendantistes [via un mandat judiciaire confié aux services de renseignement – ndlr]. Par la suite, d’autres noms de personnes espionnées, dont des noms de membres du gouvernement, ont surgi.

Cela semble difficile de soutenir qu’il y a des autorisations pour certaines, et pas pour d’autres. À mon avis, l’affaire aurait dû entraîner la démission de la ministre de la défense [la socialiste Margarita Robles – ndlr]. Si elle n’est pas capable, en tant que cheffe des services de renseignements, d’empêcher qu’ils espionnent des membres du gouvernement, que fait-elle là ?

Depuis le retour de la démocratie, le « régime de 78 » repose aussi sur un bipartisme PP (droite) - PSOE (socialistes), que vous avez essayé de dynamiter en lançant Podemos. Mais vous affirmez dans votre livre que la prochaine victime de ces « cloaques » pourrait être l’aile progressiste du Parti socialiste… Cela semble contradictoire.

La conséquence politique de la crise de 2008, c’est que ce système PP-PSOE, avec ses alliés régionaux, vole en éclats : poussée de l’indépendantisme catalan, disparition de l’ETA, qui fait disparaître le spectre d’un ennemi extérieur qui justifiait jusqu’alors une politique très consensuelle de lutte contre le terrorisme, surgissement de Podemos et d’autres partis qui ne permettent plus de parler de bipartisme en Espagne.

Nous observons aujourd’hui une politique de blocs [droite contre gauche - ndlr]. La nostalgie de certains secteurs pour des accords PP-PSOE va difficilement se concrétiser. Des secteurs du PSOE se sentent à l’abri, persuadés que les attaques se limiteront aux indépendantistes et à nous. Mais en cas de formation d’un gouvernement PP-Vox, je pense qu’ils se trompent. Si PP et Vox finissent par gouverner, ils essayeront d’envoyer en prison beaucoup d’entre nous.

Un gouvernement PP-Vox [droite/extrême droite post-franquiste] après les élections de 2023, est-il l’objectif de la droite ?

Il n’y a pas d’autres options. Il n’y aura pas de majorité absolue pour un parti. Et un accord du PP avec le PSOE ferait de Vox la première force de droite - comme on le voit d’ailleurs en Italie en ce moment.

Dans votre livre, vous affirmez que si les huit années que vous avez passé à la tête de Podemos étaient à refaire, vous ne les referiez pas. Pourquoi ?

Je ne suis pas un martyr. Au niveau personnel, je ne veux pas recommencer à me soumettre à ce type de pressions. Notamment parce que j’ai désormais trois enfants. Je ne veux plus soumettre mes enfants, plus âgés à présent, à ce climat d’agressivité dont j’ai fait l’objet. C’est la preuve, d’ailleurs, que ce mécanisme mafieux est efficace. Leur menace consiste à dire : si tu te lances là-dedans, on va te détruire la vie, et celle de ta famille.

J’ai dû voir comment un homme d’extrême droite s’est mis à poursuivre mon père dans la rue avec une caméra en le traitant de terroriste et d’assassin, comment ma mère a fait l’objet d’une enquête, comment on insultait ma compagne, comment les échographies de mes propres enfants ont été publiées dans la presse, comment des manifestants d’extrême droite se sont rassemblés devant la résidence où j’habite avec Irene Montero [ministre de l’égalité de l’actuel gouvernement Sánchez - ndlr] alors que nos enfants étaient là en bas âge… Non, je ne revivrais pas tout ça une deuxième fois.

Par ailleurs, ce n’est pas non plus ma vocation. Ma vocation politique passe davantage par la communication. Je me sens plus utile en faisant ce que je fais à présent, et aussi bien plus heureux. Je voyage en Amérique latine, je débats de stratégie politique là-bas… Je me suis présenté à un concours pour devenir professeur associé à l’université Complutense de Madrid et j’attends les résultats. J’aimerais beaucoup recommencer à enseigner.

Dans un entretien récent à Mediapart, John McDonnell, député britannique proche de Jeremy Corbyn, parlait d’une « fenêtre d’opportunité » pour la gauche, se réjouissant du retour au premier plan de mouvements sociaux face à la crise des prix. Partagez-vous son optimisme ?

ous entrons dans une zone de turbulences. Des turbulences, cela implique toujours des opportunités pour certains acteurs. Mais cela invite à la prudence aussi. Un contexte récessif se dessine, où nous allons prendre conscience chaque jour un peu plus de l’erreur pour nous, Européens, de nous être repliés sur la stratégie de l’Otan – une stratégie fixée par les États-Unis qui se préparent à la concurrence avec la Chine.

Nous sommes tous contre l’invasion de Poutine en Ukraine. Mais cela ne fait pas de l’Otan un acteur innocent, ou irresponsable, et encore moins le rempart de la démocratie européenne. Les contradictions qui apparaissent – récession économique, crise énergétique, limites de croissance du propre système capitaliste, menaces sur la paix – vont générer une ambiance politique turbulente.

La gauche et les mouvements sociaux vont devoir agir pour renforcer leurs positions. Mais cela peut aussi servir de bouillon de culture pour d’autres : il suffit de se souvenir de la République de Weimar, pour savoir que l’extrême droite et les nouvelles forces de fascisme peuvent aussi tirer profit du moment.

Vous avez vécu un temps à Bologne. Quel regard portez-vous sur les élections italiennes du 25 septembre, où l’extrême droite est en tête dans les sondages ?

Je vais participer à un meeting avec Luigi de Magistris et son mouvement Unione Popolare. La gauche se trouve dans une situation difficile en Italie. Mais elle fait entendre un diagnostic pertinent de la situation. C’est une tragédie que l’Italie, qui fut l’un des laboratoires les plus intéressants de la gauche européenne, ne compte plus de formation dotée d’une forte représentation au sein des institutions parlementaires. Cela fait peur d’imaginer un conseil des ministres présidé par Giorgia Meloni [à la tête de Fratelli d’Italia, formation post-fasciste alliée de Vox– ndlr] .

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Pablo Iglesias, Medios y cloacas. Así conspira el Estado profundo contra la democracia, édition Escritos Contextatarios, 155 p., 13 euros (pour l’édition numérique).


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