Pierre Bousquet, Waffen-SS et co-fondateur du FN le 5 octobre 1972

mardi 8 août 2023.
 

Ce 6 octobre 2022, le Rassemblement National célèbre à l’Assemblée nationale la création du Front national il y a cinquante ans par Jean-Marie Le Pen et Pierre Bousquet qui apposèrent leurs signatures au bas d’un document préfectoral. Le second n’a pas connu la même postérité que le premier. Qui était-il vraiment ?

50 ans du FN-RN : l’histoire secrète du Waffen-SS qui déposa les premiers statuts du parti

Il y a cinquante ans, ils furent deux à aller déposer les statuts du nouveau parti qu’était le Front national (FN). On ne présente pas l’un, Jean-Marie Le Pen. L’autre se nommait Pierre Bousquet. Retour sur le passé d’un inconnu souvent cité sur les réseaux sociaux par les anti-FN à cause de son engagement dans la Waffen-SS, mais aussi par les membres du FN arguant de la création de leur parti par des résistants…

Pierre Bousquet naît en Alsace en 1919 d’une mère institutrice socialiste et d’un père militaire de carrière. Éduqué en alsacien par sa grand-mère jusqu’à l’âge de 5 ans, il peine ensuite à s’adapter au français. En 1935, il choisit de rejoindre le parti franciste de Marcel Bucard, mouvement inspiré du fascisme mussolinien.

Il s’y montre très apte à la violence. Quand le gouvernement du Front populaire dissout son organisation, le 18 juin 1936, il contribue à son activité clandestine puis à sa reconstitution. En 1939, il participe aux derniers feux de la guerre d’Espagne, puis est emprisonné en août pour avoir distribué à Orléans des tracts pacifistes refusant la guerre contre l’Allemagne. Pour sortir de prison, il s’engage dans l’armée française.

Le 31 août 1943, il intègre la Waffen-SS, dont il est promu officier en janvier 1944. Il combat sur divers fronts à travers l’Europe, des Vosges à la Poméranie. Démobilisé le 7 mai 1945, il se fait passer pour un travailleur déplacé auprès des forces américaines. En Autriche, il est intégré à l’administration du rapatriement des Français. Sur le point de se faire démasquer, il rentre à Paris… où il a été condamné à mort.

Il participe à un réseau clandestin d’anciens nazis, le « Groupe Freddy », mené par Alfred Douroux (dit Freddy, ancien officier de la division Charlemagne, décorée de la croix de fer première classe à Berlin le 29 avril 1945, la veille du suicide d’Hitler). Ces hommes rêvent de continuer l’action, au point que même l’ancien Waffen-SS René Binet, qui les fréquente, les qualifie de « fous » et de « provocateurs ».

Ils prennent contact avec l’ambassade de Turquie, la crise des détroits leur faisant espérer une nouvelle guerre. En vain. Ils rêvent de noyauter les organisations anticommunistes pour diriger leur action. Mais une descente de police en septembre 1946 met au jour leurs caches d’armes. Bousquet se rend de lui-même à la police. Il est condamné à une lourde amende pour reconstitution de ligue dissoute, mais l’homme a de la chance : le juge est un vieil ami de son père. Sa condamnation à mort est commuée en trois années de prison.

Un nouvel engagement

Se contentant d’appartenir à l’Association internationale d’entraide des anciens de la Waffen-SS, Bousquet ne milite plus. Jusqu’à une manifestation antisoviétique en 1956, que les militants du groupuscule néofasciste Jeune Nation (JN) font dégénérer en prenant d’assaut le siège du quotidien communiste L’Humanité (trois morts, plusieurs centaines de blessés). Spontanément, Bousquet les rejoint alors dans l’action.

Il ne les lâchera plus et étoffe leurs rangs : il ramasse une cinquantaine de marginaux déclassés qu’il loge dans les locaux de JN et guide dans des raids anticommunistes. Il les protège : alors qu’en 1960, il est derechef arrêté pour « reconstitution de ligue dissoute » (JN l’a été en 1958, puis en 1959 après une première reformation), ses dépositions visent avant tout à protéger les jeunes militants.

Il les suit : quand Dominique Venner se sépare de l’ancien franciste Pierre Sidos pour donner une impulsion nationaliste-européenne à la Fédération des étudiants nationalistes et à sa revue Europe-Action, il choisit cette jeunesse racialiste.

L’idée est de remplacer le nationalisme par l’exaltation de l’unité mondiale de la race blanche, de sa supériorité et de son unité politique et culturelle. En 1966, Bousquet et Venner lancent un nouveau parti, le Rassemblement européen de la liberté (REL). L’année suivante, Bousquet est nommé secrétaire fédéral et Pierre Clémenti, ancien de la Légion des volontaires français contre le bolchevisme (LVF, une unité de volontaires français de la Wehrmacht fondée en 1941), devient son bras droit.

Même dans ce milieu, la nomination d’un ancien Waffen-SS et d’un ex-LVF, ainsi que l’organisation de séminaires sur Mein Kampf ou l’apartheid, choque une partie des militants qui s’estiment non assimilables au néonazisme et démissionnent. En 1968, Bousquet est purgé par les jeunes du REL et Venner propose alors une nouvelle répartition des tâches : le combat politique avec les militants groupés autour du bulletin du REL, Militant, que Bousquet anime depuis ; le combat culturel avec le Groupement de recherche et d’études pour la civilisation européenne (GRECE) qui vient juste d’être fondé.

Unifier les nationalistes

Pierre Bousquet est fidèle à une ligne stratégique : il faut unifier les extrêmes droites sous la direction de leur flanc radical. C’est au nom de ce principe qu’il a participé à la direction de la campagne présidentielle de Jean-Louis Tixier-Vigancour en 1965. Il prend aussi part en 1969 à de vaines réunions pour unifier des groupuscules néofascistes. En 1970, l’équipe de Militant se rapproche des Jeunesses patriotes et sociales de Roger Holeindre pour donner jour au Parti de l’unité française.

Peu après, un nouveau rassemblement se profile. Avantage majeur : il s’agit cette fois de s’entendre avec le Mouvement pour la justice et la liberté de Georges Bidault, devenu président du Conseil national de la Résistance après la disparition de Jean Moulin, qui a ensuite, durant la guerre d’Algérie, choisi le camp de l’Organisation de l’armée secrète (OAS). Bidault n’a guère de troupes mais un C.V. qui lui permet de se dédiaboliser.

Fin 1971, le projet va bon train. Mais un autre projet de rassemblement unitaire apparaît : Ordre nouveau, le plus important groupe de l’extrême droite, annonce qu’il veut rassembler toutes les formations au sein d’un nouveau mouvement : le Front national.

En octobre 1972, l’alliance est faite. Au dernier moment, Bidault refuse d’y participer. Mais lui comme Holeindre conseillent à Bousquet d’en être. Le voici premier trésorier du parti, déposant les statuts avec Jean-Marie Le Pen. Militant est promu bulletin du FN.

Désaccords avec Le Pen

Avec son acolyte, Jean Castrillo, lui aussi ancien Waffen-SS, Bousquet constitue un tandem au service du FN. Outre Militant, ils s’occupent de rédiger les professions de foi des candidats du parti, et Bousquet est candidat FN aux élections législatives de 1973 et 1978, et aux municipales de 1977. Ils ne se sont pas convertis au lepénisme : à l’intérieur du parti, ils soutiennent François Duprat, le numéro deux et chef de file des radicaux.

Comme Jean-Marie Le Pen est réticent à la proposition de réorientation faite par Duprat pour faire passer le FN de l’anticommunisme au slogan « un million de chômeurs, c’est un million d’immigrés en trop », la formule est d’abord utilisée sur des tracts diffusés par l’équipe de Militant à l’occasion des municipales de 1977 avant d’être adoptée pour la campagne des législatives de 1978.

C’est au cours de cette campagne électorale que Duprat est assassiné dans un attentat à la voiture piégée. Pour Bousquet, c’est un coup du Mossad. Il estime qu’à partir de là, le parti se serait converti au sionisme et serait devenu un instrument d’Israël.

L’équipe de Militant fait scission en 1980. Onze ans plus tard, Pierre Bousquet décède. Parmi les membres de la direction du FN, seuls Roger Holeindre et Roland Gaucher se rendent à l’enterrement. L’année suivante, le FN publie un ouvrage pour fêter ses vingt ans : il y est affirmé que le premier trésorier aurait été l’ancien poujadiste Pierre Durand… On veut oublier l’ancien SS. Mieux : Marine Le Pen, Louis Aliot ou Steeve Briois n’ont eu de cesse depuis de clamer que le FN aurait en fait été fondé par des résistants… Et de citer à l’envi Georges Bidault.

Formidable paradoxe puisque Bidault ne fut pas membre une semaine du FN, mais qu’il y laissa Bousquet… Néanmoins, à force d’être répétée, cette vérité alternative a fini par s’imposer chez beaucoup. Dans ses Mémoires, Jean-Marie Le Pen explique quant à lui qu’il était comme Bidault, pensant qu’un homme se juge au présent et non à l’aune de son passé.

Peut-être, mais objectivement, comme en atteste la lecture de Militant, Pierre Bousquet plaida jusqu’à sa mort pour une réhabilitation du nazisme et défendit la suprématie de la race blanche. Ce choix idéologique fut le sien toute sa vie durant, avant, pendant et après sa contribution à la création du Front national.

Nicolas Lebourg


Signatures: 0
Répondre à cet article

Forum

Date Nom Message