Faire de l’énergie un bien commun ( par Daniel TANURO)

dimanche 14 octobre 2007.
 

Basé sur les sources fossiles et cause du réchauffement planétaire, le système énergétique actuel n’est pas le produit inévitable du progrès scientifique en général, mais le résultat de la manière dont sciences et techniques sont orientées par le capital. Il y eut des carrefours et des choix. L’effet photovoltaïque fut découvert par Edmond Becquerel en 1832, mais il fallut attendre la NASA pour qu’on se penchât sur ses applications pratiques. Des dispositifs solaires diffusés au début du XXe siècle ont été abandonnés au profit du charbon. Ces choix ont été faits essentiellement sur base de la rentabilité du capital. On peut donc paraphraser Marx : les rapports de production capitalistes ont entravé l’indispensable développement des forces productives vertes.

Ils continuent de l’entraver. Rentabiliser le climat n’est possible que si le système énergétique centralisé basé sur l’exploitation des énergies fossiles cède la place à un système d’énergie solaire décentralisé. C’est faisable : le potentiel technique des énergies renouvelables équivaut à dix fois la consommation mondiale d’énergie. Vu la situation, il faudra bien que le capitalisme opère cette mutation, au moins en partie. Mais dans quel délai, comment, à quel coût social et écologique ? Toute la question est là. La réponse est en train de se concrétiser sous nos yeux : guerres pour le pétrole, retour du nucléaire, folie des agrocarburants, recherche d’OGM résistant à la sécheresse... Les conséquences sociales, politiques et idéologiques sont perceptibles également : hausse des prix agricoles, gestion de classe raciste de l’ouragan Katrina, refus par l’Australie d’accueillir le peuple de Tuvalu, proposition des experts du Pentagone de transformer les USA en forteresse en attendant que « la nature » ait diminué radicalement la population.

L’humanité dispose de dix ans pour adopter un plan de sauvetage du climat, et de cinquante ans pour réduire les émissions de 80 %. Ces délais ne seront pas respectés si la transition énergétique est dictée par le profit. Fait significatif : le rapport Stern, expression la plus avancée de la prise de conscience climatique capitaliste, plaide pour « éviter d’en faire trop, et trop vite », compétitivité oblige.

Comment s’approprier le rayonnement solaire pour en faire une source de surprofit et garder le contrôle de l’énergie : voilà une question stratégique centrale pour le capital. Cinq siècles après l’accaparement de l’énergie bois par les propriétaires, la réponse qui se dessine est une nouvelle vague d’austérité couplée à une nouvelle vague d’appropriation des ressources : espace, cycle du carbone, atmosphère. Kyoto marque un premier pas, puisque les droits d’émission (gratuits) sont désormais assimilables à des droits de propriété semi-permanents sur l’air...

En supprimant les biens communs, en 1525, les propriétaires allemands prétendaient protéger les ressources. Les paysans insurgés répliquèrent : « Notre avis est que tous les bois (...) doivent redevenir la propriété de la commune entière, et qu’il doit être à peu près libre à quiconque de la commune (...) d’y prendre du bois sans le payer. Il doit seulement en instruire une commission élue à cette fin par la commune : par là sera empêchée l’exploitation. » Cette réponse remarquable reste pertinente : sauver le climat dans la justice sociale n’est possible qu’en considérant l’énergie comme un bien commun, à gérer démocratiquement.

TANURO Daniel

* Daniel Tanuro est ingénieur agronome et environnementaliste.


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