18 novembre 1922 : Mort de Marcel Proust

dimanche 19 novembre 2023.
 

L’asthme l’a menacé sa vie durant, la bronchite lui sera fatale. Souffrant depuis plusieurs semaines, Marcel Proust refuse le secours des médecins, qu’il dédaigne. Alimenté de café et de bière, veillé par ses domestiques Odilon et Céleste, il a encore le temps d’accumuler ratures et ajouts sur les paperoles manuscrites d’À la recherche du temps perdu, jusqu’à ce que le mal lui fasse lâcher la plume dans la nuit du 17 novembre 1922. Le lendemain, il expire dans son appartement parisien. Il aura été, jusqu’aux derniers jours, absorbé par la rédaction de son maître-ouvrage, dont Jacques Rivière et son frère Robert superviseront la publication des derniers volumes.

Un paradoxe pour ce malade éternellement alité, que sa qualité de rentier – d’ailleurs médiocre gestionnaire – dispensait d’occuper un emploi. Modèle et peintre de l’oisiveté, il s’en est pourtant nourri pour retravailler sans relâche cette œuvre, en partie autobiographique, sans cesse amendée, relue, raturée, complétée, bouleversée depuis les premiers brouillons de 1907 et jusqu’à la fin. Le roman d’une vie, marqué par le doute, les repentirs, au fond jamais vraiment achevé.

Évidemment, Proust appartient à son temps, et à sa classe. En témoignent son style souvent tortueux, son récit centré sur les mondanités, son ironie condescendante à l’égard du parler et des mœurs populaires, sa conception surannée de l’homosexualité, ou encore la relation sordide du narrateur avec sa « prisonnière » Albertine – bizarrement inspirée par sa liaison avec son secrétaire…

Pour autant, il demeure actuel. Moraliste, il dépeint la vanité des milieux mondains, et le triomphe inéluctable du bourgeois sur le noble. Observateur des bouleversements techniques et sociaux, dreyfusard, il s’inquiète discrètement de la distance entre peuple et élites isolées dans l’« aquarium » de leur confort. Ses thèses esthétiques, sur le rôle de l’art et des artistes, surtout, ses réflexions sur la puissance évocatrice des noms, les intermittences du cœur, de la mémoire, de l’amour, la quête de sens face à l’inéluctabilité de la mort, expriment les soubresauts d’une vie, de dandy certes, qui néanmoins s’ouvre vers l’universel.

L’accomplissement d’une recherche, que reflètent ces mots sur la mort de l’écrivain Bergotte, ajoutés peu avant la sienne au volume La Prisonnière : « On l’enterra, mais toute la nuit funèbre, aux vitrines éclairées, ses livres, disposés trois par trois, veillaient comme des anges aux ailes éployées et semblaient, pour celui qui n’était plus, le symbole de sa résurrection. »

Thibaut L.


Signatures: 0
Répondre à cet article

Forum

Date Nom Message