Si la Commission européenne n’a toujours pas rendu sa décision concernant la suppression possible des pièces de 1 et 2 centimes d’euros, la France semble déjà s’y préparer. Un choix qui ne serait pas sans conséquences pour les salariés de la Monnaie de Paris comme pour les consommateurs.
Plusieurs fois annoncée, la mort des pièces de 1 et 2 centimes d’euros n’aura finalement pas été officialisée par la Commission européenne en décembre comme cela était attendu.
Dans un contexte d’inflation atteignant les 10% dans la zone euro en 2022, le moment semblait mal choisi pour faire passer la pilule auprès des citoyens de la zone euro.
Pourtant, il semblerait que l’Etat français se prépare déjà en catimini à la fin des petites pièces rouges.
D’autant que cette mesure était déjà préconisée par le Comité action publique CAP 22 dans un rapport remis en 2018. A l’occasion d’un CSE (Comité social et économique) fin décembre, la direction de la Monnaie de Paris a présenté aux élus un plan stratégique laissant apparaître une baisse de 40% du volume de pièces 1, 2 et 5 centimes produites à l’horizon 2027.
Dans le détail, cette diminution de la fabrication se traduirait par un arrêt pur et simple des pièces de 1 et 2 centimes d’euros, d’après la CGT. Le syndicat estime qu’une telle décision mettrait en danger 25 emplois dans l’usine de Pessac (Gironde) et pourrait à terme fragiliser toute la chaîne du laminage.
L’Euro trône devant la BCE, nouveau moteur des politiques imposées aux Européens. « Les pièces de 1 et 2 centimes représentent 50 à 60% du volume traité actuellement, si l’usine se retrouve amputée de ça, on se demande si on ne va pas se retrouver à externaliser le reste de la production », redoute David Faillenet, délégué syndical UGICT-CGT à la Monnaie de Paris, qui estime à 30% les effectifs déjà supprimés ces cinq dernières années au sein de l’institution, qui compte également un établissement à Paris.
Le plan stratégique présenté par la direction fin décembre table en effet sur le développement de projets immobiliers sur le site de Pessac plutôt que sur une reconversion industrielle.
Au-delà des impacts sociaux, les conséquences d’une telle suppression pourraient aussi se faire sentir pour les usagers de la monnaie fiduciaire.
Souvent vues comme inutiles et encombrantes, les pièces rouges n’ont pas la cote auprès des Européens : en mai 2022, une consultation réalisée par Yougov pour le site Moneyvox montrait que 72% d’entre eux étaient favorables à leur suppression.
Plusieurs pays ont d’ailleurs déjà sauté le pas comme les Pays-Bas, l’Italie, la Finlande, l’Irlande et la Belgique. Mais en France, une courte majorité (51%) se disait opposée à cette mesure en octobre 2021.
Pour les consommateurs, l’impact d’une telle disparition pourrait en effet aggraver la hausse des prix qui grève déjà le pouvoir d’achat des ménages depuis de longs mois.
« Si on supprime les 1 et 2 centimes d’euros, les commerçants vont évidemment avoir la tentation d’arrondir au-dessus », souligne Loïc Daguzan, président de l’Indecosa-CGT (Association pour l’Information et la défense des consommateurs et des salariés) de Paris.
« L’argument, utilisé par la Commission européenne, du coût de ces pièces ne tient pas car il fait abstraction du fait qu’une pièce de monnaie a vocation à passer de main en main et donc à être utilisée des centaines voire des milliers de fois. Il n’est donc pas pertinent de souligner abondamment, comme le fait la Commission, qu’une pièce de 1 centime a un coût de fabrication de 1,2 centime qui est supérieur a sa valeur faciale », pointait en outre l’organisation de consommateur dans un communiqué publié mi-octobre.
« Les pièces ont une durée de vie d’une dizaine d’année, on ne peut pas juste comparer leur coût de production et leur valeur faciale », abonde David Faillenet.
Argument écologique fallacieux et transition forcée vers le zéro cash L’argument écologique, souvent avancé pour justifier la fin des petites pièces rouges, ne semble pas tenir la route non plus pour la CGT : « Les pièces de 1 et 2 centimes d’euros sont fabriquées à partir d’un matériau ferreux et d’un léger alliage pour la couleur, à partir de minerais extraits en Europe, dans un processus qui n’est pas tellement consommateur d’énergie », affirme le délégué UGICGT-CGT, qui souhaiterait que les dirigeants français et européens s’interrogent en revanche un peu plus sur les conditions d’extraction et de traitement de minerais « beaucoup plus impactants comme l’or ».
SEBASTIEN EVRARD / AFP)
Date | Nom | Message |