« Les riches créent des emplois » : Désintox en 5 points
Mardi 7 février, BNP Paribas annonce, coup sur coup, un bénéfice record de plus de 10 milliards d’euros pour 2022, et la suppression de 921 emplois. Macron et ses amis éditorialistes ont beau s’acharner à nous le rentrer dans le crâne, la réalité est têtue : non, les riches ne créent pas d’emploi. Au contraire, c’est le peuple qui crée les richesses utiles à l’intérêt général. Les assistés d’en haut ne font que s’en emparer pour en jouir égoïstement. Désintox : « les riches créent des emplois ». Notre article, pour démonter cette idée fausse en 5 points.
L’insoumission.fr lance une nouvelle série : « désintox économique ». L’objectif : apporter des outils à nos lecteurs pour participer à la bataille culturelle contre la propagande économique véhiculée tous les jours par les médias traditionnels. Notre but : vulgariser les débats économiques pour les rendre accessible au plus grand nombre. L’adversaire : les milliardaires qui détruisent la planète et les humains, et qui possèdent les médias dominants. Nos alliés dans la bataille : nos économistes et vous, nos lectrices et lecteurs
Qui peut encore soutenir que les riches créent des emplois ?
Il est temps d’enterrer définitivement ce mensonge répété jusqu’à la nausée par Macron, son gouvernement et les éditorialistes de plateaux : non, les riches ne créent pas d’emploi. Bien au contraire, ils sapent la consommation, appauvrissent l’Etat et licencient pour augmenter leurs profits.
Au fondement de cette fausse idée, une théorie économique qu’aucun économiste ne valide
« Plus vos revenus sont élevés, plus les politiques menées entre 2017 et 2022 les ont augmentés, avec une prime considérable aux très riches ». Tels sont les mots du dernier Rapport sur les riches en France, publié par l’Observatoire des inégalités au mois de juin dernier. En cause, l’abolition de l’Impôt Sur la Fortune (ISF) et autre flat tax décidées par Emmanuel Macron, lui valant le qualificatif de « président des ultra-riches » (Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot).
Ces politiques s’appuient sur une pseudo théorie économique, celle du ruissellement. Cette conception a été popularisée par Ronald Reagan, ancien président des États-Unis, par la métaphore de la pyramide de champagne.
Dans les élégantes soirées réservées aux membres de la caste, une tradition étrange se perpétue : dresser une pyramide de coupe de champagne, remplir à ras bord celle du sommet jusqu’à ce qu’elle déborde et remplisse celles d’en dessous. Cette pratique, qui a le double inconvénient de gaspiller une grande quantité du délicat nectar et de lui faire perdre une grande partie de ses qualités gustatives possède une vertu majeure pour les organisateurs de ces prestigieuses réceptions : montrer à tous les convives que les hôtes ont tellement d’argent qu’ils s’en fichent de gâcher la moitié d’un jéroboam de champagne.
Arrivé à la Maison Blanche en 1981, Ronald Reagan choisit cette coutume pour illustrer sa conception de l’économie : si on arrose les plus riches d’argent, cela finira par retomber sur les plus pauvres. La théorie du ruissellement était née.
Notons qu’aucun économiste depuis lors, même les plus radicalement antisociaux, n’ont jamais repris ce terme pour édifier une théorie scientifique sérieuse. Notons aussi qu’il est possible de s’interroger sur les préoccupations réelles pour les plus démunis, d’un homme qui déclarait lors du débat sur les droits civiques : « si une personne veut discriminer les nègres ou les autres lorsqu’il vend ou loue sa maison, c’est son droit ». Ambiance.
En France, les ultra-libéraux n’utilisent pas le terme « théorie du ruissellement », sans doute par crainte que le peuple ne s’aperçoive qu’entre le fleuve qui coule sur la caste au sommet et les ruisseaux censés les irriguer à la fin, il y a comme une perte en cours de route. Cependant, cette vision imprègne largement le discours économique dominant.
D’après les autoproclamés « experts en économie » qui squattent les plateaux télé et les studios radios depuis que les grandes fortunes ont fait main basse sur les principaux médias du pays, comment s’opère ce transfert du haut vers les bas ? Un argument revient en boucle : « les riches créent des emplois ». Dans un pays frappé durement par le chômage de masse, ça passe mieux que « théorie du ruissellement ». Pourtant, ne soyons pas dupes, le raisonnement est strictement identique. Et donc toujours aussi faux.
Pourquoi les riches ne créent pas d’emploi ?
En cause : la propension marginale à consommer est décroissante. Plus notre revenu augmente, plus nous épargnons, donc moins nous consommons. Lorsque l’on peine à boucler ses fins de mois, on n’a pas trop la possibilité de mettre de l’argent de côté.
Le travail permet de produire des biens et des services qui doivent être consommés. Si la consommation baisse, la production diminue mécaniquement très rapidement après. On ne produit pas de nouveaux biens ou services si l’on n’a pas réussi à vendre l’essentiel de la production précédente. Donc plus les riches captent de richesses, plus la consommation, et donc la production, et donc l’emploi, diminuent.
Que font les ultra-riches de ces immenses sommes d’argent qu’ils ne peuvent consommer ? Ils les épargnent, ils les gardent. Où ? Majoritairement en bourse. Pourquoi ? Pour une raison principale : c’est là où se trouvent les meilleurs rendements. En d’autres termes, c’est en bourse que vous faites le plus d’argent avec votre argent.
La justification de ce système boursier est de donner des capacités aux entreprises pour investir. Les affaires marchent bien, vous voulez produire plus, ou mieux, vous avez besoin de nouvelles machines, plus technologiques, moins dangereuses, vous émettez des actions en bourse, des gens les achètent et c’est parti, vous avez les fonds nécessaires. L’idée paraît belle sur le papier.
Problème, le mécanisme s’est gangrené de l’intérieur. L’essentiel du marché boursier est un marché d’occasion. Les gens s’échangent des anciennes actions, en pariant à la hausse ou à la baisse. C’est la spéculation. Et ça ne rapporte pas un centime à l’entreprise qui a émis les actions au départ. En 2017, l’économiste Frédéric Lordon expliquait que « le capitalisme actionnarial, supposé soutenir les émissions et l’investissement par la prodigieuse médiation des marchés de capitaux, a produit l’effet rigoureusement inverse ».
Les riches ne créent donc pas d’emploi. Pire, ils en détruisent. Il faut voir un film comme celui de Gilles Perret (Reprise en main) pour s’en rendre compte. À chaque rachat d’une entreprise, il faut virer des gens. C’est la condition pour que les fonds de pension et autres institutions financières investissent dans la boîte. Pour sauvegarder des emplois, il faut donc en détruire. On voit bien que le système ultralibéral marche sur la tête.
À quoi servent les impôts ? À boursicoter ? Non, bien au contraire. L’État utilise son budget de deux manières principalement : investir et payer des salaires. Tout ce que les ultra-riches ont tant de mal à faire, non par manque de morale mais parce qu’on l’a vu, le capitalisme rend plus profitable des activités nuisibles comme la spéculation financière.
La baisse des impôts sur les plus riches diminue mécaniquement le budget de l’Etat. Cela conduit d’une part à diminuer le nombre de fonctionnaires, détruisant ainsi directement des emplois. D’autre part, la baisse de l’investissement de l’État, son soutien à l’économie réelle, ses commandes publiques entraînent également une baisse de la consommation et donc au final, de la production et de l’emploi.
Pour finir, les riches épargnent leur argent, le place en bourse, ou bien… Ils le cachent. Nul besoin d’une longue démonstration pour convaincre qu’il faut atteindre un certain niveau de patrimoine avant de pouvoir se payer des montages financiers dans des paradis fiscaux. Or, une fois là-bas, on voit bien que cet argent peut servir à beaucoup de choses, mais certainement pas à créer de l’emploi en France.
Si vous ne l’avez pas encore vu, c’est l’occasion de vous encourager à regarder le film : La (très) grande évasion.
« La théorie du geyser » : le peuple crée la richesse. Les assistés d’en haut ne font que la confisquer
Aux antipodes de la théorie du ruissellement et de sa déclinaison française : « les riches créent des emplois », le rapport d’une office d’ultra gauche nommée le FMI (Fond Monétaire Internationales) affirmait en 2015 : « Nos études montrent que, contrairement aux idées reçues, les bienfaits d’une hausse du revenu viennent d’en bas et non d’en haut ». C’est bien la consommation populaire qui est le moteur de l’économie. Ainsi, contre la théorie du ruissellement, il faut avancer la théorie du geyser.
Cette idée n’est parvenue aux oreilles des néolibéraux qu’au XXIème siècle bien qu’elle ait été démontrée en 1936 par John M. Keynes dans sa « Théorie générale de la monnaie ». Mieux vaut tard que jamais dirons-nous.
Le peuple tire la production par sa consommation, c’est une chose. Mais qui produit ? Qui fait tourner les usines, qui transporte, éduque, protège, soigne, enterre ? Les fils à papa qui ont acheté leur beau diplôme dans une école de commerce à 10 000 euros l’année ? Diplôme dont ils n’auront de toute façon pas besoin puisqu’ils hériteront ? Les assistés d’en haut ne produisent rien. Ils ne savent que s’accaparer les richesses produites par le peuple.
Rappelons pour finir que nous parlons ici des ultra-riches. La chirurgienne, le pilote d’avion gagne (très) confortablement leur vie. Par leur travail, ils participent à l’effort collectif de création de richesses. Mais, même avec un salaire de 10 000 euros net par mois, jamais, au grand jamais, ils n’amasseront la fortune dont Françoise Bettencourt-Meyers a hérité. À ce niveau de salaire, Il faudrait 208 années, sans jamais rien consommer (déjà c’est difficile de vivre 208 ans, mais alors sans manger, c’est vraiment chaud) pour amasser 25 milliards d’euros.
Ces fortunes -à ne s’obtiennent pas à la sueur du front le plus brillant, elles s’héritent et se perpétuent grâce à des serviteurs zélés qui refusent de les taxer à la hauteur de ce que l’intérêt général humain commande. Vous verrez, pour justifier leurs cadeaux aux vrais assistés, leurs copains politiciens et éditorialistes utilisent toujours les mêmes arguments. « Les riches créent des emplois » est l’un des plus récurrents. Vous avez maintenant les outils pour démonter la théorie du ruissellement et démontrer la théorie du geyser autour de vous.
Un autre argument revient en boucle : « Si on les taxe, les riches vont se barrer ». C’est d’ailleurs la seule porte de sortie trouvée par Jean-Marc Vittori dans Les Échos pour continuer à justifier les baisses d’impôts pour les plus riches. Tiens toi prêt Jean-Marc. Ce sera le sujet de notre prochain article désintox économique.
Par Ulysse
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