Le RAJ (Algérie) dissous par le pouvoir

mercredi 22 mars 2023.
 

Ce 16 mars 2023, RAJ aurait fêter ces 30 ans si ça n’avait pas été la volonté de certains pensants pouvoir tuer l’espoir par une dissolution administrative. En ce jour, mieux vaut laisser la parole à un témoin de ce que cette asso faisait pendant que d’autres se cachaient se lamentaient s’enrichissaient et j’en passe .

« Lettre à mes amis du RAJ

Par Me Nasr-Eddine Lezzar

Le conseil d’État vient de confirmer l’arrêt rendu par la cour d’Alger décidant la dissolution de RAJ. Je re-publie pour cette triste circonstance une lettre rédigée à la suite de l’arrêt confirmé.

C’est avec tristesse et amertume que je viens d’apprendre la décision de dissolution de votre association sur décision du tribunal administratif d’Alger. Les 28 ans de militantisme que vous évoquez ont éveillé en moi un merveilleux et émouvant souvenir. Évoquer des souvenirs lointains nous met devant l’implacable réalité du temps qui passe.

Vous m’aviez fait le plaisir et l’amitié de me convier, pour une communication, à votre université d’été 1993 (ou 1994). C’était, probablement, la première édition qui en a eu d’autres. Cette édition fut dédiée à la citoyenneté, un thème en vogue à l’époque. On a vu défiler à ce forum des personnalités diverses et différentes, un ex-chef du gouvernement (Mouloud Hamrouche), un avocat du FIS, des journalistes indépendants.

Je fus invité, pour un après-midi, afin de donner une communication sur les droits de l’homme en Algérie, je n’ai pas quitté cette rencontre qui a duré une semaine, tant les débats étaient riches et passionnants. Cette université estivale s’est déroulée à Birkhadem dans une ambiance délétère. Les soldats de la mort avaient prohibé la vente des journaux dans ce quartier reclus aux confins d’Alger. Birkhadem donnait l’image d’une ville conquise par les obscurantistes, livrée à la peur.

L’organisation de cet évènement peut paraitre anodine pour le lecteur d’aujourd’hui mais dans le contexte de l’époque, il fallait beaucoup de courage pour prendre un si grand risque. D’autres forums et rencontres ont été organisés, par RAJ, où ont vu défiler des intervenants de différentes tendances, de différents bords, Mohamed Harbi, un historien, témoin, acteur de notre révolution armée, ALI yahia Abdennor militant emblématique des droits de l’homme et opposant irréductible jusqu’à l’extrême onction, ABdelaziz Belkhadem ex-secrétaire général du FLN et ex-premier ministre et ……. . Je note que ces deux derniers personnages, que tout oppose, ont défilé l’un après l’autre lors d’un même événement organisé par RAJ.

Ce rassemblement de jeunes a été de plusieurs combats sur plusieurs fronts, ralliant et soutenant les bonnes causes là où elles se trouvent notamment celle des familles des disparus. RAJ est une des rares entités à se rappeler et célébrer, tous les ans que Dieu a fait depuis, le 05 octobre 88, l’apport de cet évènement et avènement d’une Algérie plurielle (réelle ou factice), sa symbolique, sa portée et ses victimes. Fidéle à sa ligne et cohérente avec elle-même, RAJ rejoindra le HIRAK dans la lignée de son combat.

Le mérite de cette association est, d’avoir su maintenir sa modération, d’être restée à égale distance des extrêmes de l’époque. Ni intégristes ni éradicateurs. Dans un contexte particulier ou beaucoup ont basculé dans un sens ou dans l’autre, RAJ n’a été ni récupérée par le pouvoir ni radicalisée dans l’opposition.

J’ai connu cette association de jeunes à une période trouble et secouée de notre histoire où la jeunesse algérienne était exposée à deux tentations totalitaires ; l’intégrisme et ses chants de sirènes et le tout sécuritaire. Il y avait toutefois des espaces moyens, modérés et modérateurs et c’est là qu’on pouvait rencontrer RAJ et les siens.

Durant son existence et, notamment, lors des rares ou nombreuses opportunités où je l’ai côtoyé, RAJ a été un espace de débats et d’échanges diversifiés, équilibrés, responsables, respectueux et respectables. Pour ces raisons suscitées et, aussi, pour d’autres, le jugement du tribunal administratif d’Alger a été une grande déception et suscité une grande inquiétude quant au sens que semble prendre, ce que d’aucuns appellent, » la nouvelle Algérie ».

Mon éthique professionnelle m’exhorte à la prudence quand il s’agit de commenter des décisions judiciaires sans avoir une connaissance directe du dossier. Cependant, à en juger par les informations publiées, et notamment les motifs invoqués par le ministère de l’Intérieur, on ne note que des qualifications abstraites : « ses liens avec des partis politiques », « des relations avec des associations étrangères (tunisiennes et françaises) » et « ses activités jugées en violation de ses statuts ». Nulle part, on a énuméré ou évoqué les faits concrets qui correspondent à ces qualifications. Tout comme les personnes physiques qui sont présumées innocentes jusqu’à l’établissement de leur culpabilité par des preuves matérielles et concrètes, les associations sont présumées agir en conformité avec la loi jusqu’à ce que l’irrégularité de leurs actions ou activités soit établie par des faits, contradictoirement discutés, dans un procès équitable et non par une énumération de qualifications juridique. La liberté est une chose trop sérieuse qu’il ne fait surtout pas traiter d’une façon expéditive et avec légèreté.
- Au-delà et outre la réserve imposée par une méconnaissance du dossier, un avocat est par nature un défenseur des libertés individuelles et collectives tant qu’elles s’exercent dans le cadre de la loi.

Que mes amis de RAJ trouvent dans ce modeste témoignage l’expression de toute ma sympathie.


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