A Matignon, les syndicats gardent les retraites en travers du dialogue

dimanche 21 mai 2023.
 

Non à la casse des retraites ! (342 articles)

Article de Damien Dole

Un journaliste questionne Sophie Binet, la patronne de la CGT, sur ce qu’elle va demander à Elisabeth Borne. « Le retrait », réagit-elle sur le perron de Matignon mercredi, un doigt en l’air, sans perdre son sourire. Mais plus seulement. On savait que la rencontre entre le gouvernement et les syndicats serait moins expéditive. Le mois dernier, après une fin de non-recevoir d’Elisabeth Borne au sujet du retrait de la réforme des retraites, les huit membres de l’intersyndicale étaient sortis en bloc fissa. Mais la surdité d’Emmanuel Macron sur sa loi toujours aussi contestée implique un changement de stratégie de la part des représentants des travailleurs. Et les cinq syndicats invités (CFDT, CGT, FO, CFE-CGC et CFTC) ont accepté la rencontre – l’Unsa, la FSU et Solidaires n’ont pas été conviés.

Premier à être reçu, Frédéric Souillot, le secrétaire général de Force ouvrière, a malgré tout donné un badge rouge (un carton ?) à la Première ministre pour lui rappeler la priorité de l’intersyndicale. « Je lui ai offert ce badge pour lui dire que notre première revendication c’est le retrait de cette réforme des retraites, dont nous ne voulons toujours pas. » « Le fait de venir à cette réunion, ce n’était évidemment pas un gage de tourner la page, a de son côté rappelé Cyril Chabanier, le leader du syndicat de la CFTC. C’était simplement pour dire qu’il y avait aussi d’autres sujets qui sont nos préoccupations, et en particulier le pouvoir d’achat et les salaires. » Même son de cloche côté François Hommeril, secrétaire général de la CFE-CGC : « Nous avons un mandat, qui est de représenter les gens. Dans les entreprises, il y a des difficultés économiques, la question de l’emploi des seniors, on veut que ces sujets soient traités. On continue de penser que c’était une erreur politique de la part du président de la République de maintenir ce projet de loi contre ce mouvement social unanime et uni mais maintenant qu’on en est là on prend nos responsabilités et on entre dans un cadre effectivement qui est un cadre de discussion. »

Multiples propositions

Mais si le dialogue reprend, les tensions sont toujours vivaces. « Nous n’avons plus confiance, poursuit François Hommeril dans la cour de Matignon. Nous avons été trahis d’une certaine façon, à l’occasion de la crise sur les retraites. […] Partant de là, on a proposé trois pistes à madame la Première ministre, pour restaurer un climat de confiance entre nous. » Alors le secrétaire général du syndicat des cadres demande les révisions des ordonnances travail, dont il fait un « préalable » et de la loi sur l’assurance chômage, mais aussi que le gouvernement ne fasse plus le choix d’« avantager la position du patronat » face aux syndicats comme il le fait à ses yeux « depuis plusieurs années ».

De multiples propositions que les cinq syndicats invités ont égrenées à la Première ministre et au ministre du Travail, Olivier Dussopt : augmentation des salaires, des pensions et des minima sociaux, dégel du point d’indice, système de prévoyance pour tous les salariés, conditionnalité des aides publiques versées aux entreprises en fonction des augmentations de salaires, suspension des exonérations de cotisations pour les branches qui ont des minima inférieurs aux smic… « Le problème, c’est que sur l’ensemble de ces sujets, nous n’avons obtenu aucune réponse précise, a fustigé Sophie Binet, de la CGT. Nous étions venus d’après le gouvernement pour du dialogue social, nous avons assisté à deux heures de monologue patronal. »

« Ni baroud d’honneur ni retour au dialogue social »

Les syndicats représentatifs marchent sur des œufs, pour porter les doléances sociales du monde du travail sans donner l’impression de lâcher l’affaire sur les retraites. Mercredi après-midi, le Réseau pour la grève générale a par exemple organisé près de Matignon un rassemblement avec un mot d’ordre contraire à la stratégie de l’intersyndicale : « Ni baroud d’honneur ni retour au dialogue social, nous voulons une stratégie pour gagner. » Et dénoncé une « stratégie de l’exécutif est de tendre la main aux directions syndicales pour mieux enterrer le mouvement des retraites et passer à de nouvelles attaques ».

L’intersyndicale, de son côté, coche trois dates sur son agenda commun. Le 30 mai, les organisations syndicales doivent présenter des propositions communes sur les salaires. Le 6 juin, c’est la quatorzième journée de mobilisation nationale, et le 8 juin c’est bien sûr l’examen de la proposition de loi du groupe Liot à l’Assemblée nationale, visant à abroger la réforme des retraites que la majorité a dans le viseur et que Borne a qualifié d’« inconstitutionnelle » à la sortie des rencontres avec les syndicats. « On a redit qu’il serait inacceptable pour nous qu’[elle] ne soit pas examinée par le Parlement, parce que c’est la première fois qu’il peut s’exprimer sur le sujet », a menacé Laurent Berger, qui doit passer la main fin juin à la tête de la CFDT. « Le 8 juin, c’est le dernier combat, a estimé sur Public Sénat Cyril Chabanier, de la CFTC. Derrière on passe à juillet-août, ça va être compliqué de faire des mobilisations. » Mais sur l’agenda social qu’Elisabeth Borne propose de bâtir pour un « nouveau pacte de la vie au travail », qui ferait l’objet d’un projet de loi présenté en fin d’année ou début 2024, Laurent Berger a jugé qu’il était « trop tôt » pour s’engager. Frédéric Souillot résume : « On a ouvert le bal mais on n’a pas dansé. »


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