Six mois de lutte : et maintenant ?

mercredi 5 juillet 2023.
 

L’exemplaire mobilisation en défense de notre système de retraites, malgré sa puissance et l’unité qui y a prévalu, n’est pas parvenu à imposer le retrait de la réforme scélérate de Macron-Borne-Dussopt. Mais en s’inscrivant dans la durée, elle constitue un facteur nouveau de la lutte des classes dans la période qui vient d’ouvrir. Elle renforce par ailleurs la nécessité d’une recomposition d’ampleur de notre camp politique dans la perspective des combats futurs à mener en commun.

Contrairement aux contre-réformes de 2003 et 2010 sur les retraites, et malgré la défaite formelle sur les 64 ans, le mouvement social ne sort pas défait des six mois de luttes qui viennent de s’écouler. Plus de 100 000 salariés ont par exemple souhaité adhérer – ou réadhérer – à une organisations syndicale ces dernières semaines (1). C’est le signe manifeste d’une volonté d’en découdre contre les politiques anti-sociales de Macron et de gagner sur les revendications les plus urgentes. Ce qui appelle au renforcement de l’alternative politique pour la gauche sociale et écologique.

Invitation à la lutte

Il existe de nombreux signaux d’un mouvement qui a gagné la bataille des idées contre la minorité pro-gouvernementale et pro-patronale. Il aura fallu un déni de démocratie avec le scandaleux recours à tous les articles les plus bonapartistes de la Constitution de la Ve République (article 47.1 instituant une procédure législative accélérée, article 49.3 permettant d’adopter un texte en engageant la responsabilité du gouvernement et article 40 brandi pour rendre « irrecevable » la loi d’abrogation soumise par le groupe LIOT dans le cadre de sa niche parlementaire) pour imposer une loi que 70 % des Françaises et des Français rejetaient encore le 6 juin dernier.

Cette situation ouvre une phase de luttes nouvelles, notamment pour ce qui est des luttes sociales que l’unité syndicale maintenue peut encourager. Les victoires débouchant sur des augmentations de salaires – à Vertbaudet et ailleurs – confèrent par ailleurs un nouveau crédit à la lutte sociale et syndicale, qui peut aboutir à de nouvelles conquêtes dès lors qu’un objectif est fixé et que les salariés sont unis.

Une plateforme intersyndicale

Retraites, salaires… Le mouvement social du premier semestre a rendu visibles dans le paysage les nombreux motifs pour lesquels on peut et doit se mobiliser. La colère couve en réalité depuis longtemps dans le pays. La démonstration que l’argent existe a été faite bien malgré lui, par Macron en personne, avec son « quoi qu’il en coûte », lancé dans les premiers jours de la pandémie. Les profits des multinationales comme les revenus des milliardaires sont eux aussi ancrés dans les têtes. Et la population – qui paye de plus en plus de TVA avec l’inflation – ne voit rien redescendre du budget de l’État pour la santé, l’école, la transition écologique ou les services publics. Prendre dans la poche des plus pauvres, via l’impôt le plus injuste qui soit, pour financer les exonérations fiscales et sociales promises aux grandes fortunes et aux grands groupes : tel est le fondement de la politique du Robin des bois à l’envers qui nous gouverne.

C’est pourquoi l’intersyndicale a dessiné les contours d’une plateforme revendicative bien plus large que ce qu’elle était au début des mobilisations. Le communiqué du 30 mai (2) est éloquent de ce point de vue. Il évoque notamment « l’augmentation des salaires, des retraites et pensions, des minimas sociaux et des bourses d’études », la hausse du point d’indice dans la Fonction publique, une pension minimale au niveau du Smic, le retour aux critères de pénibilité mis sous le boisseau depuis 2017, ainsi que la réaffirmation des Instances représentatives du personnel (IRP), qui sont des outils décisifs pour qui veut lutter réellement – et pas que par des mots – pour la santé et la sécurité des salariés, pour la démocratie sociale, pour l’égalité femmes-hommes, contre les VSS et contre le dérèglement climatique. Ce communiqué permet de nourrir de nombreux espoirs sur le renforcement des rapports de force face à un pouvoir de plus en plus honni, minoritaire et autoritaire.

C’est un évènement à prendre à sa juste mesure, plutôt que de discuter de ses insuffisances. Elles existent, bien entendu, mais il y a des décennies qu’une telle plateforme n’avait pas vu le jour. À l’instar du Pacte d’unité d’action entre la CGT et la CFDT en son temps, c’est un point d’appui dans les entreprises comme dans l’ensemble de la société.

A contrario, le débouché politique de ce mouvement social n’apparaît pas spontanément aux yeux du plus grand nombre. Ce devrait être la Nupes. Et même une Nupes élargie, ouverte, pluraliste mettant en discussion un plan d’urgence et un programme de gouvernement. Les bases existent depuis plus d’un an avec 650 propositions. Encore faut-il les faire vivre, encore faut-il que quelques mesures emblématiques puissent être reprises par toutes et tous, et partout. Malgré d’encourageantes prémices au niveau local, ce n’est malheureusement pas encore le cas au niveau national.

Un enjeu politique majeur

Renforcer l’unité de la gauche sociale et écologique est un enjeu politique majeur. Ne laisser aucune chicanerie être exploitée par des médias aux ordres devrait être de l’ordre de l’évidence et du bon sens.

Cet enjeu concerne en premier lieu les organisations en tant que telles, leurs directions. À l’instar des organisations syndicales il est nécessaire que des réunions régulières aient lieu. Pas seulement à l’Assemblée, pas seulement pour les échéances électorales. L’actualité offre chaque jour de multiples questions à résoudre tant par des mesures d’urgence que par des propositions de long terme pour une réelle bifurcation économique, écologique, sociale tout autant que démocratique.

Il en va ainsi sur le blocage des prix, la gratuité des autoroutes, la taxation des pétroliers et des multinationales, l’urgence de répondre au défi de la crise climatique, de la sécheresse, etc.

L’enjeu du débouché politique appartient aussi à tous les militants, tous les citoyens. Partout il est possible de créer des collectifs unitaires pour porter l’exigence d’un changement qui parte des préoccupations quotidiennes, des jeunes, des femmes, des immigrés, des retraités.

C’est ce qui se pratique modestement quand des collectifs Nupes se constituent sur un territoire. C’est ce qui s’est fait lorsque des meetings unitaires ont été impulsés dans des villes. C’est ce que nous devons poursuivre inlassablement. Il n’y aura pas de victoire par le haut seulement. Il faut une mobilisation par en bas. L’un et l’autre ne s’opposant pas.

Le réseau Construire la Nupes créé en septembre 2022 peut contribuer à ce mouvement. Cela dépend de chacune et chacun d’entre nous.

D’autres initiatives viendront pour nourrir la construction d’une alternative majoritaire. C’est le moment de s’engager !

Christian Normand

(1) Pour aller plus loin, voir Stéphane Ortega, « Les syndicats connaissent un regain d’adhésion malgré l’absence de victoire sur les retraites », 8 juin 2023, https://rapportsdeforce.fr.

(2) Notamment consultable sur le site de la GDS (http://www.gds-ds.org), ce communiqué de presse est précédé significativement, sur le site de la CGT (www.cgt.fr), du titre suivant : « Six juin : gagnons le retrait de la réforme et obtenons des avancées sociales ! ».



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