Mort de Bernard Pignerol : Jean-Luc Mélenchon pleure son ami et la gauche un trait d’union

jeudi 25 mai 2023.
 

La gauche pleure un des siens. Bernard Pignerol, cofondateur de SOS racisme, ancien dirigeant du Parti socialiste (PS) devenu un pilier de La France insoumise (LFI), est mort dimanche 21 mai des suites d’un cancer, à l’âge de 64 ans. C’est Jean-Luc Mélenchon qui a lui-même annoncé la nouvelle en fin de journée dans un message ému publié sur les réseaux sociaux. « La détresse nous frappe. Il était un dirigeant et un militant essentiel du mouvement insoumis […]. Il était un compagnon et un ami essentiel pour moi et pour beaucoup d’entre nous. »

A la suite du leader de LFI, d’autres voix sont venues rendre hommage au militant Pignerol. Les uns ont salué son élégance et sa courtoisie, les autres sa loyauté et son rôle de témoin. Tous un homme de culture et de conviction. Un homme « au cœur de tous les combats de la gauche », a tweeté Harlem Désir, ex-président de SOS Racisme. Un homme dont « toutes les vies furent flamboyantes, à son image… », a écrit sur le même réseau social Jérôme Guedj, député socialiste.

Combien de vies flamboyantes a-t-il menées ? Né en 1958, formé dans les rangs de l’Unef, il était passé par l’ENA avant de dédier sa vie au Conseil d’Etat, où il travaillait encore jusqu’à il y a peu. Mais c’est surtout son éloquent CV de militant politique qui force le respect de plusieurs générations. Au début des années 1980, il fut de l’aventure SOS Racisme avec notamment Julien Dray, Harlem Désir et Laurence Rossignol. Au Parti socialiste, il a milité pendant plusieurs années au sein de la Gauche socialiste, courant fondé par Jean-Luc Mélenchon. Il l’a suivi de congrès en congrès. Jusqu’à intégrer dans ses bagages le ministère de l’Enseignement professionnel de 2000 à 2002. Jean-Luc Mélenchon était alors un des ministres du gouvernement de la gauche plurielle de Lionel Jospin.

Pilier discret

Quand « JLM » quitte le PS en 2008, juste après le congrès de Reims, Bernard Pignerol ne bouge pas. Il a d’autres projets mais ne rompt jamais le lien. Pendant sept ans, il s’occupera des relations internationales à la mairie de Paris. « Un homme de conviction et de culture, brillant et généreux », a témoigné sur Twitter Bertrand Delanoë, l’ancien maire PS de la capitale. Durant plusieurs années, Pignerol sera aussi président de la commission des conflits du Parti socialiste. Il en claquera la porte durant le quinquennat de François Hollande (2012-2017) pour rejoindre son ami de trente ans.

De Jean-Luc Mélenchon, il était l’ami le plus fidèle, le conseiller spécial, et, auprès de beaucoup, l’inlassable avocat. Ces dernières années, il s’était peu à peu imposé comme le pilier discret de La France insoumise, un rouage aussi essentiel que peu connu du grand public. Un homme de réseaux au carnet d’adresses fort utile pour un mouvement en recherche de crédibilité. Et aussi un trait d’union entre les mélenchonistes d’hier, tous ceux restés au PS, et les insoumis d’aujourd’hui. Si Jean-Luc Mélenchon l’avait emporté à la présidentielle en 2017, l’histoire était déjà écrite : c’est Bernard Pignerol qui aurait été nommé secrétaire général de l’Elysée. C’est lui qui aurait annoncé le gouvernement. Si Mélenchon l’avait emporté…

Une autre scène vient à l’esprit. Bernard Pignerol était à ses côtés lors de la fameuse perquisition au siège de La France insoumise un mardi d’octobre 2018. Ce matin-là, prévenu au saut du lit, il fut l’un des premiers à se rendre au QG du mouvement, rue de Dunkerque, dans le 10e arrondissement de Paris. Dans la cohue, on l’entend s’insurger, presque par réflexe : « Touchez pas Monsieur Mélenchon. » On les voit encore tous les deux, des mois plus tard, rire aux éclats dans la salle vide du tribunal correctionnel de Bobigny. Dans les cortèges, Bernard Pignerol savait mieux que d’autres où était sa place. Tout près de son vieil ami, mais pas n’importe où, se plaisait-il à rappeler. Juste derrière l’épaule, dans une chorégraphie bien précise, prêt à parer on ne sait quel coup qui surgirait.

De son Mélenchon, il adorait raconter la trajectoire, le passeur de témoin et tous ceux qui l’entourent. Aux jeunes députés, qui avaient l’amabilité de le sonder, il conseillait de se choisir une seule tenue : « Un jean, une chemise. Faites sobre, faites simple… » Avec la presse, il n’avait qu’une requête : ne pas être cité, jamais. La coquetterie d’un homme de l’ombre. « Vous savez, Jean-Luc et moi, on a le cuir tanné, aimait-il répéter. Tout le monde n’a pas notre expérience… »

Ils citent Jul et Robespierre... Les « sans-cravate » de LFI secouent l’Assemblée Il y a trois ans, le duo avait mis sur pied l’Institut La Boétie. L’idée était simple : adosser à La France insoumise un cercle de réflexion. Le Parti socialiste a bien sa Fondation Jean-Jaurès, pourquoi les insoumis n’auraient-ils pas la leur ? Les débuts seront discrets. La séance inaugurale eut finalement lieu en février. Un lancement en grande pompe au réfectoire des Cordeliers à Paris, l’un des temples de la Révolution française. Ce jour-là, Bernard Pignerol s’est emparé du micro pour dire quelques mots. Le visage marqué, la voix claire. Un court instant dans la lumière.

Rémy Dodet


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