La Russie entre autoritarisme et fascisme

mercredi 9 août 2023.
 

Traduction d’une analyse de la sociologue russe Natalia Savelyeva et du politiste russe Kirill Rogov parue le 25 juillet 2023 sur le site re-russia.net. et intitulée "entre dépolitisation et superpolitisation : la logique de l’évolution de l’autoritarisme russe".

Au cours des années 2000 la Russie est devenue un pays autoritaire typique dans lequel la représentation des citoyens était de plus en plus formelle et reposait sur un contrat tacite avec le régime : la stabilité et l’accès à la prospérité économique en échange d’une absence totale de participation à la vie politique du pays. Les experts caractérisent désormais la Russie d’aujourd’hui comme un régime quasi totalitaire ou (néo)fasciste au regard de l’intensification des répressions, du culte de la violence et de la guerre et de son intolérance agressive à l’égard de l’existence des pays voisins et certaines ethnies. Mais en même temps les attributs principaux des régimes totalitaires — idéologie globale, parti de masse, mobilisation politique – sont plutôt absents de Russie. Comment caractériser un tel régime et quelle est la nature de cette évolution ?

Au cours de ces dernières vingt et quelques années le régime poutinien a traversé trois périodes principales. L’autoritarisme mou des années 2000 reposait sur la dépolitisation de la société, l’efficacité économique et des limitations ponctuelles des libertés politiques. A partir des années 2010 le régime s’est trouvé confronté à la repolitisation progressive de la société, à laquelle il a répondu par une contrepolitisation. Puis quand cela s’est avéré insuffisant, par une agression extérieure qui a permis de procéder à une mobilisation et une transformation plus radicales du régime et de la société. Un tel chemin de la dépolitisation vers la superpolitisation n’est pas du tout unique parmi les régimes autoritaires. Cependant il ne semble pas encore totalement achevé en Russie.

La stabilité et les deux sortes d’incertitude

Dans son livre “the two logics of autocratic rules” (2023), s’appuyant sur l’analyse de l’évolution de 45 régimes asiatiques après la Seconde Guerre Mondiale, Johannes Gerschewski soutient que les régimes autoritaires, aussi différents les uns des autres puissent-ils paraître, se soumettent toujours à l’une des deux logiques suivantes : la logique de la dépolitisation et la logique de l’hyperpolitisation, qui leur permettent de conserver leur solidité par des moyens radicalement opposés. Dans le même temps, la stabilité des régimes autoritaires n’est pas nécessairement synonyme de stabilité pour la société.

Les régimes autoritaires et démocratiques se distinguent avant tout par leur manière différente d’aborder l’incertitude : c’est ce que pense Guerschewski, développant une idée d’Adam Przeworski. Les régimes démocratiques représentent une incertitude organisée : des institutions, des procédures et des normes politiques fortes permettent de résoudre l’incertitude en suivant des règles claires. L’issue d’une élection reste incertaine, mais perdre n’est pas fatal : les règles limiteront le vainqueur et le perdant aura une chance de remporter l’élection suivante.

Les régimes autoritaires, au contraire, s’appuient sur le principe de la certitude organisée : la tâche principale des institutions politiques est de veiller à ce que ceux qui sont déjà au pouvoir soient en mesure de manipuler le processus politique de manière à rester au pouvoir le plus longtemps possible. Au lieu d’organiser l’incertitude, elles organisent la certitude. Les élections dans la Russie contemporaine, comme dans d’autres pays autoritaires, sont une illustration vivante de ce principe : leur but n’est pas de connaître la volonté de la population, mais de confirmer l’inamovibilité du pouvoir. Les régimes cherchent à "vendre" cette certitude à la société comme une garantie de stabilité.

Il convient toutefois de noter qu’en cherchant à éliminer l’incertitude pour eux-mêmes, les autocrates et leurs coalitions créent simultanément des incertitudes d’un autre type. Par exemple, l’incertitude de leurs politiques. Dans les démocraties, cette incertitude est limitée par la publicité des promesses électorales et partisanes et par la présence d’un grand nombre d’acteurs disposant d’un droit de veto. Les régimes autoritaires ne disposent pas de telles contraintes. Un mois avant l’invasion de l’Ukraine, malgré les avertissements des services de renseignement américains, personne en Russie ne croyait à la possibilité d’une guerre : ni la société ni les élites ne voyaient de motifs ou de raisons pour la déclencher. Pendant ce temps, la Russie a été entraînée dans la guerre par la décision d’un cercle étroit d’individus, qui s’est tenu à l’écart de la société et même des principaux groupes d’élite dans le plus grand secret. Le deuxième type d’incertitude est lié au fait qu’en refusant la représentation, les régimes autoritaires se privent d’informations importantes sur l’état d’esprit réel de la société. En conséquence, sous le couvert de la certitude, les autocraties plongent souvent leurs pays dans des crises aiguës.

Cependant, pendant longtemps, de nombreux régimes autoritaires ont réussi à assurer cette certitude et leur propre pérennité. Les trois principaux piliers de leur durabilité sont la capacité à maintenir leur légitimité aux yeux de la population, à réprimer leurs concurrents (l’opposition) et à coopter les élites. Ce sont ces outils qui sont organisés différemment dans les deux logiques mentionnées ci-dessus - la logique de dépolitisation et la logique de superpolitisation.

La logique de dépolitisation et la logique de superpolitisation.

La logique de dépolitisation est caractéristique des régimes autoritaires en phase de réussite économique. La stabilité économique, la protection sociale et la sécurité, que les citoyens apprécient et considèrent comme le mérite de la coalition au pouvoir et de son chef, fournissent ce type de légitimité "performative". Un tel régime paraît efficace aux yeux de la population. La dépolitisation repose sur la satisfaction relative de la population à l’égard du statu quo et sur son désintérêt pour la participation politique. En conséquence, elle est indulgente à l’égard de la manipulation des élections, de leurs échéances, des règles d’accès aux élections et des restrictions à la liberté de la presse. Le contrôle de l’accès des agents économiques à la rente permet à la coalition au pouvoir de coopter les élites. En même temps, bien qu’il existe généralement un "parti du pouvoir", le rôle principal dans les mécanismes de cooptation ne lui revient pas, mais aux institutions informelles (les réseaux patronaux et leurs clientèles).

Un État qui dispose de suffisamment de ressources pour redistribuer la rente et maintenir un niveau de vie satisfaisant pour ses citoyens n’a besoin ni d’une idée nationale ni d’une vaste répression. Des répressions ponctuelles et légères à l’encontre de l’opposition suffisent amplement à la marginaliser et semblent, aux yeux de la majorité des citoyens, justifiées dans le cadre de la mission de préservation de l’ordre et de la stabilité (ce type de régime est également appelé "autoritarisme compétitif").

La logique de la superpolitisation a des fondements et une direction opposés. Elle est activée lorsque la "légitimité performative" est absente ou insuffisante. L’économie ne croît pas, ou le taux de croissance n’est pas suffisant pour redistribuer les bénéfices à un segment suffisamment large de la population ; l’efficacité du régime ne semble pas si convaincante aux yeux des citoyens. Dans ce cas, la légitimité idéologique devient le pilier du régime, en lieu et place de la "légitimité performative" - ou en complément de celle-ci. La coalition au pouvoir et son chef restent indéfiniment au pouvoir en raison de certains arguments interprétant les intérêts nationaux et les menaces pour le bien-être et la sécurité de la nation.

Les autocraties superpolitisées s’appuient sur la mobilisation des masses. Incapables de "remplir leur portefeuille", elles cherchent à dominer les cœurs et les esprits de la population. L’idéologie est la source la plus importante de leur légitimité. Il ne s’agit pas nécessairement de systèmes idéologiques globaux classiques comme le communisme ou le fascisme. Le nationalisme, l’ethnocentrisme ou la religion peuvent être les "briques" d’un récit idéologique. L’idéologie est la pierre angulaire de ces régimes également parce qu’elle justifie la répression des opposants au nom de la réalisation des objectifs du "bien commun" mis en avant par le régime et son idéologie, qui seraient autrement mis en péril. Dans le même temps, la cooptation des élites se fait généralement par des voies formelles, telles qu’un parti de masse, qui devient un instrument clé pour maintenir l’unité au sein de l’élite.

La Corée du Nord est un exemple d’autocratie super-politisée extrêmement stable et qui l’est restée pendant des décennies malgré les crises internes, les pressions externes et les changements de dirigeants. Mais il s’agit là d’un cas extrême. En général, la dépolitisation et la superpolitisation sont deux systèmes d’institutions complémentaires, comprenant dans un cas une légitimité performative basée sur une grande crédibilité du régime, l’absence d’idéologie, des mécanismes informels de cooptation de l’élite et une faible répression, et dans l’autre cas, au contraire, la légitimité idéocratique, qui présuppose la croyance dans les priorités inconditionnelles des intérêts nationaux tels que définis par l’idéologie, une répression beaucoup plus large et sévère contre les dissidents, et le rôle croissant des institutions formelles pour la cooptation des groupes d’élite.

Les régimes autoritaires peuvent parfois combiner ces institutions, mais en général, les circonstances les obligent à passer d’une logique de légitimation et de stabilité à une autre dans l’intérêt de leur préservation.

Trois périodes dans l’évolution de l’autoritarisme de Poutine.

1) Dépolitisation, années 2000

Les vingt et quelques dernières années de l’histoire politique russe se divisent clairement en trois périodes. Avec l’arrivée au pouvoir de Poutine au début des années 2000, une autocratie personnaliste dépolitisée typique a vu le jour en Russie. La stabilisation et la croissance économique après la longue crise transformationnelle des années 1990 ont conféré au régime une légitimité aux yeux d’une grande partie de la population. Par des répressions ciblées (Khodorkovsky, Gusinsky, Berezovsky), le régime s’est débarrassé des concurrents les plus dangereux - les oligarques - et a offert aux autres des règles informelles de cooptation sur la base de leur "équidistance de la politique" (c’est-à-dire sur la base de la dépolitisation). Dans le même temps, les principaux médias indépendants ont été nationalisés ou placés sous le contrôle de sociétés loyales au nouveau gouvernement. L’accès des acteurs politiques indépendants à ces médias, puis aux élections, a été restreint, et le "parti du pouvoir" établi, Russie Unie, est devenu un instrument de cooptation des élites régionales (pour la plupart). Dans le même temps, les liens informels sont restés l’instrument de cooptation le plus important au niveau fédéral - le contrôle des plus grandes entreprises et des plus gros actifs a été confié à des personnes ayant des liens de longue date avec Poutine (la société coopérative Ozero, des collègues du KGB).

L’absence d’idéologie est un élément important de l’autoritarisme dépolitisé des dix premières années du règne de Poutine. Le régime a déclaré s’engager en faveur d’objectifs réformistes (développementalistes) et de la démocratie, tout en soulignant la valeur de la "stabilité" et de la hiérarchie managériale (la fameuse "verticale du pouvoir"), et a parfois encouragé des mouvements activistes pro-gouvernementaux (le mouvement Nashi), mais en général, l’endoctrinement idéologique de la population n’a pas été un élément important de son programme. En outre, le mépris et la méfiance à l’égard de toute idéologie constituaient un élément important de sa stratégie de dépolitisation. Tout cela a été soutenu par des taux élevés de croissance économique et une nette amélioration des indicateurs du bien-être social des Russes.

La situation a commencé à changer après la crise de 2008-2009, qui a considérablement affaibli le lien entre le régime de Poutine et la réussite économique dans la perception du public. Dans les années 2010, les indices du sentiment de bien-être social, qui avaient augmenté de 25 à 30 points tout au long des années 2000, ont cessé de progresser et ont fluctué autour des valeurs atteintes à la fin des années 2000 ; les taux de croissance économique ont chuté de 7 % au cours de la première période (1999-2008) à 0,7 % au cours des dix années suivantes.

2) Politisation compétitive, années 2010

Dans ce contexte, les processus de repolitisation de la société ont commencé, dont la première manifestation visible a été les manifestations de masse de 2011-2012. La nouvelle génération politique a revendiqué sa participation à la politique et a remis en question le statu quo des années 2000. L’État a réagi en restreignant davantage les libertés politiques et en réprimant certains de ceux qui avaient participé aux manifestations. Dans le même temps, malgré le fort ralentissement économique, les revenus élevés tirés des exportations d’énergie lui ont permis de remplir une partie du "contrat social" de la dépolitisation : assurer la stabilité, la sécurité et l’accès aux prestations sociales de base pour l’ensemble de la population. En particulier, il a augmenté régulièrement les pensions (les retraités représentent plus de 35 % de la population adulte de la Russie).

Néanmoins, la décennie suivante a été marquée par une politisation progressive de la société et du régime autoritaire. Le nouveau mandat présidentiel de Poutine a commencé par un discours sur les "valeurs traditionnelles" qui opposait la Russie à l’Occident. L’annexion de la Crimée et la guerre dans l’est de l’Ukraine ont déclenché une mobilisation partielle de la population, augmentant encore les tensions avec l’Occident et renforçant la rhétorique anti-occidentale dans le discours officiel.

Parallèlement, malgré une répression ciblée et l’adoption de nouvelles lois restrictives, de nouveaux réseaux d’activisme politique se sont formés dans les grandes villes au cours de la seconde moitié des années 2010. Les médias indépendants se sont "déplacés" sur Internet et les réseaux sociaux sont devenus un outil pour consolider le nouvel environnement médiatique et renforcer la politisation. Cela a conduit à une polarisation croissante : tandis que les plus âgés continuaient à s’orienter vers la télévision contrôlée par le régime, les plus jeunes puisaient leurs informations dans les médias en ligne indépendants. Depuis 2017, les manifestations de masse dans les rues ont fait leur retour en tant que pratique de mobilisation politique, tout en se rajeunissant considérablement. Un mouvement d’opposition de la jeunesse a commencé à se former autour de Navalny, et l’audience de sa chaîne YouTube a atteint 10 millions de personnes à son apogée. Ce processus a culminé avec la tentative d’assassinat ratée de Navalny et la diffusion d’un film sur le palais de Poutine, qui a été visionné par au moins des dizaines de millions de citoyens russes.

En réponse à ce processus le discours idéologique officiel s’est lui-même radicalisé. Le mélange de valeurs conservatrices, de sentiments anti-occidentaux, de militarisme et de culte de la Grande Guerre patriotique ne formait pas une idéologie cohérente, mais esquissait un système de récits sur les valeurs dont le cadre commun était l’opposition de la Russie à l’Occident et au "libéralisme" occidental. En fait, le "poutinisme" de la fin des années 2010 est devenu l’une des incarnations influentes de l’idéologie de l’"antilibéralisme" (illibéralisme), qui a fortement renforcé sa position dans le monde. Dans le même temps, le concept d’ennemis intérieurs et extérieurs s’est de plus en plus cristallisé dans la politique intérieure - ce qui, selon Gerschewski, est une composante importante des autocraties superpolitisées qui construisent une "ligne de front" entre leurs amis et leurs ennemis. Dans le même temps, les "ennemis" ont acquis des caractéristiques de plus en plus tangibles : agents d’influence hostiles, ONG payées par l’Occident qui sapent les "valeurs traditionnelles" et les fondements de la "stabilité" sociale et de l’existence même de la Russie.

Ainsi, la décennie 2011-2021 a été marquée par deux politisations concurrentes de la société russe, qui ont conduit à sa polarisation croissante.

3) La superpolitisation hybride et son avenir

L’invasion à grande échelle de l’Ukraine, qui s’est transformée en un conflit militaire prolongé, est devenue un instrument de surpolitisation autoritaire - une forte augmentation du niveau de mobilisation publique, de la répression et de l’endoctrinement violent. Dans le contexte de la guerre, le désaccord avec les priorités déclarées des intérêts nationaux a commencé à être ouvertement interprété comme une trahison et un sabotage. Alors qu’auparavant, seul le militantisme politique faisait l’objet de répressions, celles-ci sont devenues l’instrument de persécution des opinions exprimées publiquement. Ce qui était auparavant une affaire privée de citoyens individuels a été politisé et interprété comme une prise de parole contre le régime : les messages sur les réseaux sociaux et même l’expression d’opinions dans des conversations privées sont devenus des motifs de poursuites administratives et pénales. L’endoctrinement idéologique est activement imposé dans le système d’éducation publique - écoles et universités. La déloyauté à l’égard de la guerre devient un motif d’"exclusion sociale" pour les artistes, les scientifiques ou les sportifs. La sphère du "privé", qui restait la "vache sacrée" du régime dépolitisé des années 2000, est devenue l’objet d’une expansion agressive du régime.

La guerre a permis au régime de passer d’une légitimation performative à une légitimation idéologique : tant que la Russie est entourée d’ennemis de tous bords, on peut non seulement renoncer temporairement aux avantages habituels et "se serrer la ceinture", mais aussi mourir pour le bien de son pays.

Il ne fait aucun doute que la logique de politisation à outrance est la principale tendance du régime de Poutine dans cette nouvelle période. Néanmoins, la stabilité économique reste un pilier important du régime. Malgré la guerre, la mobilisation de masse et le nombre considérable de pertes humaines déjà connues, il reste de vastes "zones de confort" à l’intérieur du pays, dans lesquelles la guerre n’est ni présente ni ressentie de quelque manière que ce soit. Le territoire de la "dépolitisation" est encore assez vaste. Les répressions ne sont pas devenues massives et, par ailleurs, aucune tentative n’a été faite jusqu’à présent pour créer un parti de masse au pouvoir qui institutionnalise les mécanismes de cooptation des groupes d’élite. Les appels des radicaux (z-patriotes) à une mobilisation plus large, à l’introduction de la loi martiale, au retour de la peine de mort et à une forte augmentation de la présence de l’État dans l’économie ont jusqu’à présent été ignorés par le Kremlin.

Cette super-politisation hétérogène ou hybride correspond également aux contours flous de l’idéologie illibéraliste qui lui sert de levier, qui n’offre pas ses propres recettes de prospérité économique et s’appuie davantage sur le clientélisme, l’hédonisme et la corruption comme courroies de transmission de la loyauté que sur la "foi dans les idéaux".

Toutefois, cette dualité du régime n’est pas unique. Contrairement à la Corée du Nord, où la surpolitisation permet au régime de maintenir son contrôle sur la société même en cas de dégradation économique et de famine, le modèle chinois combine un cadre idéologique rigide et une sphère politique hautement répressive avec des efforts visant à garantir des taux élevés de croissance économique et de bien-être et, en général, un niveau important de réactivité du régime, c’est-à-dire son désir de répondre aux attentes sociales de la population, qui restent le pilier le plus important de sa légitimité. Comme le note Gerschevski dans son livre, la Chine est un exemple unique en Asie de synthèse des deux modèles de légitimation. Toutefois, contrairement à la Chine, en Russie, la superpolitisation hybride ne repose pas sur l’idéologie du développement et des taux élevés de croissance économique, mais sur l’importance des rentes provenant des matières premières, ce qui permet de combiner des stratégies visant à contraindre à la loyauté et à acheter la loyauté.

Très probablement, le choix entre le vecteur de la superpolitisation classique et la préservation de la superpolitisation hybride sera déterminé par les défis auxquels le régime sera confronté. Par exemple, une détérioration de la situation économique ou des échecs sur le front peuvent pousser le régime à prendre de nouvelles mesures dans le sens de la superpolitisation, ce qui impliquera une répression accrue, des exigences plus strictes en matière de loyauté des citoyens et des tentatives de création d’un parti de masse, dont l’adhésion ouvrira la porte à une "promotion de carrière". Le succès de cette évolution n’est toutefois pas garanti. En Chine, les institutions totalitaires ont survécu en tant qu’héritage du communisme et ont été soutenues par un nouveau type de légitimité "performative", mais elles n’ont pas été créées ad hoc. Et l’idéologie de l’antilibéralisme dans ses formes actuelles ne dispose pas d’un potentiel de mobilisation suffisant et ne s’oppose pas aux objectifs de "l’enrichissement privé". En même temps, il ne faut pas sous-estimer le potentiel de transformation d’une guerre de conquête prolongée, qui implique la société dans un dualisme traumatique de sacrifices et de crimes commis, ce qui peut entraîner une profonde démodernisation de ses valeurs. Les connotations de l’idéologie anti-ukrainienne du régime de Poutine rendent ses comparaisons avec l’idéologie du fascisme et du nazisme de plus en plus pertinentes.

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