Afghanistan : les femmes effacées de la société

mardi 19 septembre 2023.
 

Deux ans après la prise de pouvoir des talibans en Afghanistan en août 2021, la situation des femmes continue de reculer de façon dramatique.

Des initiatives internationales sont prises pour que la politique de persécution des femmes soit reconnue comme un crime contre l’humanité, et, en France, pour que le gouvernement lance un programme d’accueil des femmes afghanes digne de ce nom.

Une situation qui s’aggrave

Les filles et les femmes sont privées d’éducation : les filles sont exclues de l’école après le primaire ; en décembre 2022, les universités ont elles aussi fermé leurs portes aux jeunes femmes.

Leur droit au travail est largement remis en cause. Bien que les autorités n’aient pas formellement émis une décision d’interdiction de travail généralisée, elles ont imposé des mesures telles que le travail leur est devenu quasi inaccessible. Elles sont écartées de la plupart des emplois de la Fonction publique, et il leur a même été fait interdiction de travailler pour des ONG et pour l’ONU. Si on ajoute à toutes ces interdictions celle de circuler librement, les femmes sont dramatiquement privées de la possibilité de gagner un revenu pour elles-mêmes et leur famille.

Début juillet 2023, le ministère de la Prévention du vice et de la Promotion de la vertu a confirmé la fermeture des salons de beauté qui avaient un mois pour baisser leur rideau.

Le nombre de femmes arrêtées et détenues pour s’être montrées en public sans mahram ou avec un homme qui ne remplit pas les conditions requises pour être mahram a fortement augmenté. Elles sont actuellement détenues dans au moins deux centres de détention en Afghanistan. Les témoignages y font état de violences insupportables : régulièrement torturées, elles peuvent être enchaînées ou attachées et battues avec des câbles, des chaînes ou des tuyaux d’arrosage, reçoivent des décharges électriques et sont menacées de mort.

Apartheid de genre

En mai dernier, dans un nouveau rapport1, Amnesty International et la Commission internationale des juristes (CIJ)2 dénoncent cette guerre menée par les talibans contre les femmes et les filles afghanes et interpellent la Cour pénale internationale pour que celle-ci inclue le crime de persécution sexistes dans l’enquête en cours sur la situation en Afghanistan.

« La campagne de persécutions à motivation sexiste menée par les talibans est si étendue, si grave et si systématique que pris ensemble, ces actes et politiques constituent un système répressif visant à assujettir et à marginaliser les femmes et les filles dans tout le pays. Notre rapport indique que ces agissements remplissent les cinq critères relatifs au crime contre l’humanité qu’est la persécution fondée sur le genre », argumente Santiago Canton, secrétaire général de la CIJ.

À la suite de cela, en juin, devant le Conseil des droits de l’Homme des Nations unies à Genève, Richard Bennett, rapporteur spécial de l’ONU, a demandé aux États d’examiner si « l’apartheid de genre » – terme déjà utilisé par les Nations unies – à l’encontre des femmes pouvait constituer un crime contre l’humanité. Selon lui, « le monde ne peut pas fermer les yeux. La communauté internationale doit élaborer de nouvelles normes et outils normatifs pour lutter contre “le phénomène plus large de l’apartheid sexiste” en tant que système institutionnalisé de discrimination, de ségrégation, d’humiliation et d’exclusion des femmes et des filles ».

Il faut que ces déclarations soient maintenant suivies d’actes et que les talibans puissent être poursuivis.

Accueillir les Afghanes

C’est sous ce mot d’ordre « 1ccueillir les Afghanes » qu’en avril, à l’initiative de France Terre d’Asile, un appel de 350 personnalités a été adressé aux autorités françaises pour que soit mis en place un programme d’accueil humanitaire d’urgence pour permettre l ‘accès à notre territoire à ces femmes qui n’ont plus accès au travail ou à l’éducation et qui sont isolées au Pakistan ou en Iran. « La France, si prompte à affirmer conduire une diplomatie féministe, a les moyens d’agir pour protéger la vie et l’avenir de celles à qui, si récemment encore, nous promettions tant. Il est temps de passer aux actes »3. En juin, une nouvelle tribune4 est signée par un collectif de treize personnalités du syndicalisme, du journalisme, du monde associatif et de la culture, parmi lesquelles Patrick Baudouin (LDH) et Ariane Mnouchkine. Elles font le même constat.

Aujourd’hui, seule une action volontariste mettant en place des voies d’accès légales et sûres au territoire français permettrait à des femmes afghanes isolées d’arriver en toute sécurité dans un lieu où elles pourront être protégées.

La solution passe par la facilitation de la délivrance de visas depuis le Pakistan pour les femmes afghanes qui le demandent, par l’organisation d’un programme de protection au Pakistan et d’accueil dédié en France. Un tel programme est non seulement indispensable, mais aussi parfaitement réaliste. Continuons à soutenir ces initiatives et à relayer ces interpellations.

NOTES

1.« Afghanistan, la guerre des talibans contre les femmes », accessible sur le site d’Amnesty

2.La Commission internationale de juristes (CIJ), créée en 1952, est constituée de 60 juges et avocats du monde entier, et œuvre pour la promotion et la protection des droits humains dans le cadre de l’État de droit. Cf. www.icj.org/fr.

3 https://accueillirlesafghanes.org.

4. « L’attitude de notre gouvernement face aux appels au secours des femmes afghanes ayant fui leur pays est plus que frileuse : elle est indigne », www.lemonde.fr, 14 juin 2023.


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