Barrage républicain : la Macronie craque encore pour le RN

vendredi 29 septembre 2023.
 

Un député Renaissance émet l’idée d’« accepter le soutien d’élus RN » et c’est l’émoi chez les macronistes. Comme s’il s’agissait d’un événement isolé.

Les députés de la majorité présidentielle peuvent-ils cosigner des textes avec ceux du Rassemblement national ? C’était l’objet d’un débat, ce début de semaine, lors d’une réunion interne du bureau du groupe Renaissance, selon le site d’informations Politico. Et l’on apprend que « le député Frédéric Descrozailles […] a notamment défendu qu’il fallait accepter le soutien d’élus RN dans certains cas ». Une proposition qui, dans les faits, s’est déjà constatée à l’Assemblée…

En tout cas, cette information va faire jaser – le député LFI Thomas Portes a rapidement réagi, postant sur X (ex-Twitter) le message suivant : « L’extrême-droite est pour eux un partenaire » –, et qui ne manque pas d’ironie, les membres de la Macronie se répandant régulièrement en accusations de connivence entre la Nupes et le RN… Pourtant, ce n’est pas la littérature qui manque sur les analyses de votes à l’Assemblée nationale :

Mediapart : « L’analyse des votes des députés RN montre que l’extrême droite est régulièrement venue en renfort de la majorité sur les questions économiques et sociales. […] Durant cette première année de législature qui a vu la tenue de 14 scrutins solennels (c’est-à-dire des scrutins sur l’ensemble d’un texte), le RN a voté pour les projets de loi déposés par l’exécutif dans 42 % des cas. […] À l’inverse, La France insoumise (LFI) et les écologistes n’ont jamais voté en faveur d’un texte du gouvernement ». franceinfo : « Marine Le Pen a quant à elle émis un vote favorable au cours de 43% des scrutins et elle a voté contre dans 21% des cas. » lemonde.fr : « Les députés du Rassemblement national, qui se présentent comme le premier parti d’opposition, ont voté une part non négligeable des textes de la majorité, dont ils sont la deuxième force supplétive à l’Assemblée après LR. »

Un barrage ? Où ça ?

Ce genre de petites sorties, presque anodines prises une à une, s’accumulent depuis qu’Emmanuel Macron est au pouvoir. Par deux fois, il a été élu président de la République grâce aux voix de ceux qui ne voulaient pas voir Marine Le Pen à l’Élysée, notamment les électeurs de gauche. Un détail, visiblement, quand on estime l’accumulation des paroles et des actes en faveur du RN et contre la Nupes qui égraine la vie politique française sous ses mandats.

Faisons une petite rétrospective, rien que de cette année 2023.

Fin août, alors qu’Emmanuel Macron va rassembler les chefs de parti pour une « initiative politique d’ampleur » et se relancer après l’erratique séquence des retraites, le Président passe des coups de fil à Jordan Bardella, Éric Ciotti, mais aucun échange avec les quatre patrons de la Nupes.

Il y a bien évidemment eu la mauvaise blague filée des postes à responsabilité de l’Assemblée nationale. Les macronistes ont non seulement permis à ce que deux élus RN accèdent à la vice-présidence du Palais-Bourbon (et ça s’est reproduit depuis, çà et là), mais la président Yaël Braun-Pivet est ravie de leur travail. « Le bureau actuel fonctionne bien », « Sébastien Chenu n’est pas un bon mais un très bon vice-président de l’Assemblée »… D’ailleurs, le copinage entre la présidente de l’Assemblée et les dirigeants du RN tend à se muer en réelle amitié. Ce qui expliquerait pourquoi elle se montre si stricte envers la gauche et si permissive envers l’extrême droite.

Dans un autre style, on pense au ministre de la Justice Éric Dupond-Moretti qui invite les députés RN à saisir la justice contre les élus Nupes présents lors de la manifestation pour Adama Traoré. Ou encore à la députée Renaissance Caroline Yadan qui propose « la dissolution de LFI pour lutter contre l’antisémitisme ». Et que dire de l’ex-secrétaire d’État chargée de la Jeunesse Sarah El Haïry qui déclarait sans peur ni reproche que « ce qui [l]’effraie encore plus que Zemmour, ce sont les discours intersectionnels » ?

On se souvient également de la Première ministre qui, en mai dernier, estimait que « la France insoumise fait de l’antiparlementarisme » là où « Marine Le Pen et son groupe respectent les formes ». A contrario, quand Élisabeth Borne ose qualifier Marine Le Pen d’« héritière du pétainisme », elle se fait passablement recadrer par le chef de l’État, provoquant une mini-crise gouvernementale.

Enfin, on ne saurait évoquer ces accointances sans parler de Gérald Darmanin. Le ministre de l’Intérieur ne bafouille jamais lorsqu’il faut insulter « l’ultra-gauche », les « éco-terroristes » ou juger que « Madame Le Pen est incontestablement plus intelligente politiquement que Monsieur Mélenchon », mais quand il mentionne « l’ultra-droite » et que le RN se sent attaqué, il s’en excuse instantanément : « Je n’ai pas parlé du Rassemblement national quand je parlais de l’ultra-droite. Si vous vous sentiez visé, j’en suis désolé. »

Le Rassemblement national n’est plus banalisé, ni même normalisé. Il est un partenaire comme un autre. Un membre de la « concorde nationale », du front républicain contre la gauche. Souvenez-vous des remerciements sincères du ministre du Travail Olivier Dussopt à Marine Le Pen, en pleine bataille pour les retraites : « Elle a été bien plus républicaine que beaucoup d’autres dans ce moment-là. » Et par « beaucoup d’autres », comprenez « une partie de la gauche ».

La Macronie finira-t-elle par avouer, comme Éric Ciotti, qu’il vaut mieux une Le Pen à l’Élysée qu’un Mélenchon ? 2027 nous le dira peut-être.

Loïc Le Clerc


Signatures: 0
Répondre à cet article

Forum

Date Nom Message