De Gaza à Goma : défendre la paix et la dignité humaine

mardi 7 novembre 2023.
 

Dans le cadre du déplacement de Jean-Luc Mélenchon en République Démocratique du Congo, deux parlementaires insoumis ; Carlos Martens Bilongo et Arnaud Le Gall, se sont rendus dans le nord-est du pays, où les combats entre l’armée congolaise et le M23 ont poussé des milliers de Congolais à fuir et à se réfugier dans des camps de déplacés où les conditions de vie sont très difficiles. Les deux députés sont allés dans le Nord-Kivu, plus précisément dans le camp de Bulengo où vivent près de 200 000 déplacés internes. Nous postons ici le texte d’Arnaud Le Gall, qui revient sur la situation dramatique dans l’est de la RDC.

Ce déplacement de Jean-Luc Mélenchon était prévu depuis plusieurs semaines. Nous souhaitions mettre en lumière en France le sort des populations de l’est de la République Démocratique du Congo, pays comptant 6,9 millions de déplacés internes. Car la France a un rôle à jouer pour améliorer la situation.

Dans cette optique, nous avions commencé par déposer à l’Assemblée Nationale, en juillet 2023, une Proposition de Résolution (PPR) [1-voir liens en fin de publication] condamnant le soutien du Rwanda au groupe rebelle du Mouvement du 23 mars (M23). Dans la continuité du dépôt de cette PPR, nous avons souhaité constater la situation sur place pour donner plus de force à notre message.

Ce déplacement était encadré par le Programme Alimentaire Mondial de l’ONU, et les autorités locale. Il faut rendre hommage aux personnels de l’ONU. Ils constituent souvent le dernier rempart de l’humanisme et du droit, parfois au péril de leur vie. Comme à Gaza, où plusieurs dizaines d’entre eux ont été tués dans les bombardements indiscriminés de Tsahal. En République Démocratique du Congo, 21 programmes, fonds ou agences de l’ONU [2], comme notre interlocuteur le Programme Alimentaire Mondial (PAM) sont présents, parfois depuis les années 1990. Les exactions actuelles s’inscrivent dans la lignée des deux guerres du Congo de 1996-1997 et 1998-2003.

La situation dans l’est de la RDC est dramatique. La journaliste spécialiste de la région Maria Malagardis l’a décrite comme « l’envers du Paradis ». Sans l’ONU ça serait pire. Mais l’ONU ne peut pas tout, dès lors qu’on ne lui donne pas toujours les moyens de ses missions, comme le montre l’exemple de la Mission de l’Organisation des Nations unies pour la stabilisation en RDC (MONUSCO). Il faut donc trouver et mettre en œuvre les solutions d’une paix durable.

Lors des deux guerres du Congo, des dizaines d’entités étatiques et non-étatiques ont participé au conflit le plus meurtrier depuis la seconde guerre mondiale. Dès le départ des États voisins ont joué un rôle essentiel en instrumentalisant la guerre civile congolaise qui a abouti à la chute du Maréchal Mobutu. Le Rwanda et l’Ouganda ont été fer-de-lance à l’est. La poursuite, depuis 1996, de participants – réels ou supposés – au génocide des tutsis rwandais a servi de prétexte à ce qui s’est rapidement apparenté à une invasion. Dans ce cadre l’armée rwandaise a participé à des crimes de masse et au pillage généralisé des ressources de la République Démocratique du Congo (voir le rapport Mapping [3]).

20 ans après la fin officielle de la seconde guerre du Congo, l’instabilité reste chronique. Le Rwanda de Paul Kagamé est désormais le principal acteur étatique directement impliqué [4] à l’est de la RDC. Il agit via le M23 – groupe armé ayant sévi de 2012 à 2013 puis réactivé en 2021 – ou directement via son armée. Depuis 2021 et le retour en force du M23, près de 2 millions de personnes ont été forcées de fuir, et des milliers tués.

Cette violence ne peut prendre fin qu’avec le rétablissement d’un ordre fondé sur le droit. C’est la condition pour que les déplacés internes puissent rentrer chez eux. Au camp de Bulengo, le représentant et la représentante des déplacés internes nous ont transmis un mémorandum résumant leurs doléances. Ils veulent avant tout que les exactions cessent pour pouvoir rentrer dans leurs villages. Dans l’attente, ils demandent notamment à bénéficier de conditions de vie dignes, que leurs enfants soient mis à l’abri des épidémies qui les déciment et bénéficient d’une scolarisation.

En tant que députés français, frères en humanité, nous leur avons fait part de notre solidarité et promis de faire entendre leur voix en France au-delà des spécialistes. L’aggravation d’une situation déjà tragique rend encore plus insupportable le silence qui l’entoure. Pour eux, nous réitérons notre demande d’une condamnation française à la hauteur du soutien du Rwanda au M23. La veille Jean-Luc Mélenchon avait annoncé cet engagement [5], après notre rencontre avec Félix Tshisekedi Président de la RDC.

Les condamnations actuelles sont trop timides. Il aura fallu attendre fin 2022 pour que le ministère des Affaires Étrangères « condamne le soutien du Rwanda au M23 », et par la voix de son porte-parole uniquement [6]. Nous avons parfaitement conscience que le M23 n’est pas le seul groupe armé actif à l’est de la République Démocratique du Congo. L’Accord de Nairobi [7], signé en avril 2022, demande un désarmement de l’ensemble des groupes armés de la zone, aidé par le déploiement d’une force armée régionale. Mais si le M23 n’est pas le seul groupe armé à sévir dans la région, il est le principal groupe émanant d’un État étranger. L’ingérence du Rwanda est un des principaux obstacles au désarmement de l’ensemble des groupes armés présents dans la région (ONU). C’est pourquoi l’Accord de Luanda [8], signé en novembre 2022, complète celui de Nairobi en se concentrant sur les « ingérences étrangères ».

La France doit s’associer à cet effort. Les liens historiques qu’elle entretient avec les pays de la région, couplés à sa volonté affichée d’y promouvoir la paix, l’obligent à agir pour mettre fin au soutien rwandais en faveur du M23. La reconnaissance en 2021, par le Président Macron, de la part de responsabilité du gouvernement français dans les événements ayant abouti au génocide de 1994, reconnaissance à laquelle nous nous sommes associés, ne doit pas aller de pair avec une quelconque mansuétude vis à vis des agissements du régime rwandais en République Démocratique du Congo.

Depuis début octobre les attaques ont redoublé d’intensité. La volonté de déstabiliser les élections de décembre est évidente. Il s’agit d’attaquer la RDC non seulement dans l’exercice par l’Etat de la souveraineté sur le territoire, mais dans l’organisation des élections, point d’orgue de l’exercice de la souveraineté du peuple. À l’heure où les attaques du M23 redoublent d’intensité, il est donc urgent que la France fasse d’avantage entendre sa condamnation du soutien du Rwanda au M23. Le Parlement européen a voté une résolution en ce sens en 2022 [9].

C’est pourquoi nous renouvelons notre demande que le bureau de l’Assemblée nationale soumette au vote de la représentation nationale la résolution que nous avons déposée, ou un texte qui en reprendrait les termes essentiels. La voix de la France est attendue à l’Est de la RDC.

[1] https://www.assemblee-nationale.fr/... ;

[2] https://drcongo.un.org/fr/about/abo...

[3] https://www.ohchr.org/…/CD/DR...

[4] https://www.rfi.fr/fr/afrique/20230...

[5] https://youtu.be/LX8OqhstgO4

[6] https://www.rfi.fr/…/20221220... ;

[7] https://au.int/…/files/pressr...

[8] https://www.diplomatie.gouv.fr/&#82... ;

[9] https://www.radiookapi.net/…/... ;


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