La grande chasse aux sorcières organisée par le petit monde médiatique

De nombreux pseudos-consultants, prétendus experts, défilent ainsi chaque jour sur les plateaux, tous plus critiques les uns que les autres à l‘égard des Insoumis, pour asséner leur sacro-sainte vérité à notre sujet. Les apôtres de la Grand Messe anti-rouge se relaient et contribuent ainsi tous, sans nuance et sans contradiction, à la grande chasse aux sorcières organisée par le petit monde médiatique. Prétendus experts, disais-je, dont la principale qualité résiderait d’ailleurs dans leur neutralité tout autant prétendue, grande force théorique mais bien sûr imaginaire du traitement médiatique, elle-même tirée du fait qu’ils n’ont, précisément, jamais participé, jamais contribué à la bataille politique avec ceux qui la mènent… c’est à dire les militants. Pour faire court, c’est leur non-connaissance du terrain, du fonctionnement réel et des différents équilibres du monde politique qu’ils érigent comme l’irréfutable preuve de la pertinence de leurs propos. Comprenez : celles et ceux qui ont un avis sur tout mais ne font finalement jamais rien prétendent être les juges moraux de la situation politique du pays. Autrement dit, c’est le grand bal de la vacuité.

Il n’en reste pas moins que les accusations pleuvent. Je revenais ici il y a quelques jours sur la plus répétée d’entre elles sûrement, d’abord bien sûr par les trolls fachos et macronistes de Twitter, bien souvent main dans la main, utilisant les même mots et les mêmes arguments, mais aussi par de grands intellectuels politiques contemporains reconnus pour la finesse de leur analyse, comme le célèbre Meyer Habib, ou encore par des journalistes d’à peu près toutes les obédiences : “Les Insoumis défendraient le Hamas”.

J’ai déjà expliqué ici pourquoi c’est faux et ne vais donc pas m’épuiser à refaire l’exercice, vous conseillant plutôt de relire l’archive si elle vous intéresse, mais je me contenterai de rappeler que dès le 7 octobre, la France insoumise déplorait “les morts de chaque côté” et appelait à agir contre un “engrenage de violences infernales”, que dès le 8 octobre Eric Coquerel expliquait que le Hamas agissait contre l’intérêt du Peuple Palestinien, ou encore que le 9 octobre Manuel Bompard condamnait totalement les attaques du Hamas qu’ils qualifiait de “crimes de guerre”. Depuis, jamais La France insoumise n’a cessé de suivre les déclarations de l’ONU pour se positionner sur le sujet. Pas une fois, pas une, la France insoumise n’a défendu ni les attaques du Hamas, ni son projet politique. L’accusation est donc mensongère, et pourtant répétée de nombreuses fois dans les médias sans que jamais personne n’élève la voix pour protester.

Il en va de même, bien sûr, quant à la question de l’antisémitisme. Car le reproche nous est fait sur tous les tons, et bien souvent par ceux-là même qui l’ont toujours diffusé dans le pays. Voir les polémistes de CNews, vulgaire chaîne de propagande fascisante détenue par un milliardaire grossier, oser qualifier d’antisémites des élus et porte-parole de la première force de gauche en France, alors même que dans le même temps, cette même chaine fait la promotion constante de multi condamnés pour xénophobie ou haine en tout genre comme Zemmour, les représentants du Rassemblements National et autres fachos de tous poils… tout cela relève de la honte et de l’abject. Les États Unis ont Fox News ? Nous avons la version française, tout aussi grotesque et tout aussi minable. Pour une fois, rien à envier à Hollywood.

Mais l’accusation, bien sûr, ne s’arrête pas là. Si seulement ! Ce serait moins grave, mais non : l’instrumentalisation de l’antisémitisme n’est pas l’apanage de l’extrême droite dans le pays. Voyez comme les macronistes s’y jettent corps et âmes, sans honte et sans vergogne, et voyez comme les LR font de même, Eric Ciotti en tête. Jusqu’à, parfois, le pire de ce qui se fait à gauche, des vestiges du passé nommés Valls ou Hollande, à ceux qui veulent aujourd’hui reprendre l’astre mort comme Delga. Les voilà tweetant, vociférants sur l’antisémitisme, tout excités à l’idée d’avoir trouvé de quoi abattre, enfin, les Insoumis qu’ils considèrent comme des ennemis politiques.

Instrumentaliser l’antisémitisme : danger !

Bien sûr, la ficelle est grosse. Trop grosse. Voilà qu’il n’est plus possible de remettre en question la politique de l’État israélien, pourtant mené par une extrême droite violente et crassement nationaliste, responsable de massacres répétés tutoyant le début d’un génocide à Gaza, sans être taxé d’antisémitisme. Voilà qu’il n’est plus possible de questionner une déclaration de la présidente de l’Assemblée nationale sur un conflit en cours, sans être taxé d’antisémitisme. Voilà qu’il n’est plus possible de dénoncer la grossièreté et la malhonnêteté d’une journaliste menant une interview à charge, sans être taxé d’antisémitisme. Pourtant, pas une fois vous n’aurez fait référence à la confession religieuse, aux origines ou à n’importe quel point de l’identité de qui que cela soit. Mais qu’importe vos bourreaux : l’accusation tombe comme un couperet, nette et acerbe, pour vous salir et faire de vous le diable que vous n’êtes pas, en surfant sur des plaies béantes que l‘histoire de notre pays n’a jamais refermées. Mélenchon en fait les frais, bien sûr. Mais De Villepin aussi… comme tous ceux qui, d’une façon ou d’une autre, tiennent un autre discours sur la situation à Gaza qu’un soutien total à Netanyahou et à ses crimes de guerre. En France, la morale et les principes crèvent lentement sous le poids des sophismes abjects.

Tout cela est évidemment odieux, glaçant et révoltant. Moralement condamnable, absolument dégueulasse. Mais c’est surtout très grave. Car, que valent les alertes sur le sujet, une fois galvaudées ainsi ? Que faire face à de vrais antisémites, si les alertes sont ainsi épuisées pour tenter d’affaiblir un adversaire politique, jusqu’à ne sembler être rien d’autre qu’une arme politique violente et malhonnête ? En vérité, les pyromanes de l’antisémitisme préparent, consciemment ou non, le terrain au pire. Car une fois les alertes épuisées, une fois l’opinion lassée d’un stratagème dégueulasse et immoral, alors il ne sera plus possible d’alerter, de conscientiser, d’organiser la lutte intellectuelle et politique face au danger antisémites lorsque ce dernier adviendra. La faute est immense, le risque est lourd.

Roland Barthes disait, dans son discours au collège de France, que “le fascisme n’est pas d’empêcher de dire, mais d’obliger à dire”. Pensez donc à ce qu’on essaye de vous obliger à dire, et à penser depuis des semaines, et interrogez-vous sur le sens que le monde des puissants semblent prendre.

Et comptez sur nous, toujours, pour résister, faire naître l’espoir et bâtir l’Union Populaire, ô combien nécessaire, pour faire face dans la tempête.

Bastien PARISOT