Unie face à la loi immigration, la gauche rêve de recoller les morceaux

vendredi 22 décembre 2023.
 

Le combat contre le texte porté par Gérald Darmanin a réveillé des envies d’union. Socialistes, communistes, écologistes et insoumis se mettent à relativiser la crise que vit la gauche. Et veulent croire que l’unité a encore des raisons d’exister face au gouvernement et à l’extrême droite.

Et si l’union de la gauche s’était soudainement réveillée ce lundi 11 décembre à 17 h 40. Quelques secondes après que Yaël Braun-Pivet, la présidente de l’Assemblée nationale, ait annoncé l’adoption de la motion de rejet au projet de loi immigration portée par les écologistes, la gauche de l’hémicycle explose : « Darmanin démission ! » Au premier rang, le ministre de l’Intérieur se crispe. Après cette défaite, il présente sa démission dans la soirée à Emmanuel Macron qui la refuse d’emblée. Si la Nouvelle union populaire, écologique et sociale (Nupes) peut se vanter d’avoir flanqué une gifle au gouvernement qui fait la publicité de cette réforme depuis un an, elle n’a pas réussi à faire tomber le patron de la place Beauvau. Qu’importe, elle parle désormais à l’unisson.

Face au projet de loi immigration, la Nupes est sur la même ligne depuis le début : les élus des quatre groupes ont parlé d’une seule voix en commission des lois, tous demandent aujourd’hui en chœur le retrait de ce texte après avoir soutenu en bloc la motion de rejet. Sur ce dernier point, seule la députée écologiste Delphine Batho a voté contre, estimant ne pas pouvoir « voter avec l’extrême droite sur l’immigration ». « Quand il faut résister aux attaques de la macronie, on est au rendez-vous, assure la députée insoumise Danielle Simonnet. Ce qui met en péril l’union, ce sont les directions des appareils et certaines personnalités. Mais au Parlement, nous comprenons tous que nous avons besoin d’unité parce que nous ne pouvons pas gagner autrement. »

Au Parlement, nous comprenons tous que nous avons besoin d’unité parce que nous ne pouvons pas gagner autrement.

D. Simonnet « On s’est serré les coudes contre ce projet, avance le porte-parole des députés socialistes, Arthur Delaporte, qui liste certaines initiatives unitaires, comme ce meeting organisé par Génération.s à Paris le 4 décembre et celui de Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis) le 7 décembre manœuvré par le Parti socialiste. L’union de la gauche se construit autour de combats communs. Et l’immigration, c’est un sujet au cœur de notre histoire humaniste. On ne pouvait que se retrouver. »

« Combattre le racisme d’atmosphère »

Dans les rangs de la Nupes, on semble presque oublier la crise profonde que traverse la gauche, fracturée sur le conflit israélo-palestinien depuis octobre et mise en tension à chaque tweet de Jean-Luc Mélenchon. « Quand on met les tentations boutiquières de côté, on est capables d’être à la hauteur. On a compris que le sujet était de combattre un racisme d’atmosphère qui imprègne la société et de lutter face à un gouvernement, une droite radicalisée et une extrême droite à l’offensive. », développe Benjamin Lucas, député Génération.s (au sein du groupe écolo) qui demande une commission d’enquête sur les pratiques du ministère de l’Intérieur pour « marchander » les voix des députés sur le projet de loi immigration.

Sur le même sujet : De quoi le tweet de Jean-Luc Mélenchon contre Ruth Elkrief est-il le nom ?

« L’unité de la gauche existait avant la Nupes et continuera d’exister, surtout sur des sujets aussi essentiels où nous sommes alignés sur le fond », soutient Aminata Niakaté, porte-parole des Écologistes (ex-EELV). Même refrain pour la députée insoumise Aurélie Trouvé : « Les insoumis ont toujours pensé que tout le monde était capable de se réunir sur le fond du programme de la Nupes. Depuis le début, on dit qu’on a bien plus de points communs que de différences. »

Il faut réactiver les structures de la Nupes, il faut se remettre autour de la table et travailler.

S. Rousseau

Les plus « unionistes » tentent même de prendre du recul sur les dissensions de la gauche. « On ne s’est pas divisés sur des questions de fond, y compris sur la question internationale où nous pouvons nous entendre. Il y a eu des dérapages d’expression de la part d’un noyau insoumis », relativise le député socialiste Philippe Brun. Le tant attendu « acte II » de la Nupes serait-il en train de se construire ? Certains en rêvent, comme l’écolo Sandrine Rousseau : « A l’Assemblée, il n’y a pas un texte qu’on n’a pas voté en commun. Le problème vient des directions de chaque parti, pas du Parlement. Il faut réactiver les structures de la Nupes, il faut se remettre autour de la table et travailler. Les partis veulent-ils de la Nupes pour gagner en 2027 ou continuent-ils d’utiliser n’importe quel argument pour la tuer ? Maintenant, c’est l’heure de vérité. »

Genou à terre et front commun

En convoquant une commission mixte paritaire (CMP) qui se réunira lundi 18 décembre au Palais Bourbon, le gouvernement et la majorité présidentielle ont décidé de dealer un accord avec la droite, en position de force au sein de ce conclave avec quatre parlementaires, alors que la majorité compte cinq sièges, et la gauche, trois. De ce fait, ce huis clos pourrait accoucher d’un texte qui comprendrait les obsessions de la droite comme l’Aide médicale d’État (AME) ou le rétablissement du délit de séjour irrégulier. Une copie sérieusement durcie. Mais pas question pour la gauche de s’avouer vaincue. Certaines têtes pensantes imaginent la riposte à deux scénarios crédibles.

Dans le cas de figure où personne ne trouve d’accord en CMP, le texte serait retiré « puisque Emmanuel Macron a balayé l’utilisation du 49.3 », selon les croyances de Benjamin Lucas. En référence aux propos tenus par le Président qui, lors d’un dîner mardi soir à l’Élysée, aurait annoncé se priver de cet article. Dans le cas de figure où les parlementaires s’entendent en CMP, « ce texte sera battu dans l’hémicycle puisque l’aile gauche de la majorité ne pourrait pas soutenir un texte trop durci par la droite », d’après le même élu. En clair, l’équation impossible. « Ils ont mis un genou à terre. À nous de continuer à faire front commun », prévient-il. La gauche espère donc encore batailler. Ensemble.


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