Né le 15 août 1750 à Paris, Sylvain Maréchal termine des études de droit puis obtient une place de sous-bibliothécaire.
1a) Maréchal, un républicain précoce inspiré par Rousseau
Dès 1771, il se fait connaître par de la poésie (Bergeries, Le temple de l’Hymen). C’est encore en vers qu’il développe en 1781 ses convictions faisant du peuple le seul souverain naturel au sein de toute nation :
Rois, vous devez un compte au dernier des humains !
Le sceptre est un dépôt, que le peuple, en vos mains,
Daigna vous confier, et qu’il peut vous reprendre,
Si contre son bonheur vous osez entreprendre :
Vos droits ne sont sacrés qu’autant qu’il est heureux.
Vous tenez vos pouvoirs du peuple et non des cieux.
Si vous n’aviez pour frein que des Dieux invisibles
Vous seriez trop puissants et trop inaccessibles.
Rois, qui tyrannisez, sachez qu’il est pour vous
Un châtiment plus sûr que le divin courroux.
Vos sujets aux abois, sur vos têtes sacrées,
Peuvent oser porter leurs mains désespérées,
Ressaisir la couronne et rentrer dans leurs droits.
De son Dieu, de son maître, oui ! le peuple a le choix,
Et peut se rétracter si son choix n’est pas sage :
Il peut quand il lui plait, défaire son ouvrage.
1b) De 1781 à 1789, Maréchal s’oriente vers la réflexion rationaliste et athée
Il se passionne pour tous les domaines de la pensée humaine avant de privilégier l’étude philosophique rationaliste. Il le raconte plaisamment :
« Après quelques méditations, dit-il, je voulus écrire aussi... Je ne veux point transcrire de fictions ; les hommes en ont déjà assez, je ne serai point versificateur.
L’éloquence m’offrit à son tour le choix parmi les fleurs de sa corbeille ; il faut plaire pour être lu, me dit-elle. Je croyais qu’il suffisait d’instruire et je le crois encore ; je ne serai point orateur.
L’histoire me tendit son crayon. Je n’en voulus pas encore ; je ne ferai l’histoire des hommes que quand ils seront sages et contents.
Prends au moins le stylet de la satyre ou l’arme du ridicule. Ni l’un ni l’autre. Je ne veux pas faire rire aux dépens de mes frères ; je ne serai ni bouffon ni bourreau.
J’aperçus la raison qui osait à peine se montrer ; j’allai à elle : Sois ma muse, lui dis-je, et prête-moi ta plume. Guide et affermis ma main afin que tous les caractères tracés par elle soient purs et réguliers. Quoi qu’il puisse arriver, je fais vœu de n’écrire que sous la dictée de la raison. »
Il fait partie des écrivains des Lumières chez qui l’aspiration au républicanisme et au socialisme est notable avant la révolution française.
il attaque de façon virulente l’absolutisme royal
il analyse la religion comme un outil d’oppression idéologique, économique et social
il attaque la richesse et les inégalités sociales
il propose la mise en commun des biens de production (terres à l’époque)
il s’inscrit clairement dans l’héritage de Mably et Morelli
il propose de remplacer le culte de Dieu par celui de la vertu et de la raison.
Parmi ses ouvrages publiés avant 1789, notons :
Le Livre de tous les âges (1779)
Dieu ou le nouveau Lucrèce (1781)
L’Âge d’or (1782)
Livre échappé au déluge (1784)
En 1785-1787, ses Tableaux de la Fable manifestent son idéal de société égalitaire, fondée sur une communauté des biens. (voir Gentry)
L’Almanach des honnêtes gens. Cet ouvrage va déclencher la fureur de l’Eglise et des autorités royales parce qu’il propose un nouveau calendrier, d’où disparaissent les saints quotidiens.
L’Eglise catholique condamne violemment Maréchal de son vivant et continuera longtemps après à considérer qu’"une réclusion non méritée ne lui eût point fait tort" (L’Ami de la religion et du roi : journal ecclésiastique, politique et littéraire, périodique de 1814 à 1861).
Maréchal en perd son travail. Pire, Antoine-Louis SÉGUIER, avocat général au Parlement de Paris et figure du parti catholique, le fait emprisonner par lettre de cachet le 7 janvier 1788 à Saint Lazare avec les personnes " de moeurs douteuses" plutôt que comme opposant politique à la Bastille. Le bourreau brûle son dernier ouvrage en place publique.
Il est probable que la méchanceté subie par Maréchal n’a fait que l’endurcir dans son athéisme et son anticléricalisme, dès 1781 :
Heureux ! qui né d’un père exempt de préjugés,
Fut élevé par lui loin des prêtres gagés
Pour enseigner l’erreur, prêcher l’intolérance.
Heureux ! l’homme ignoré, qui vit dans l’ignorance
Des Dieux, de leurs suppôts plus méchants que les Dieux,
Des tableaux indécents, des dogmes odieux
Que la religion, par le despote armée,
Consacre dans l’esprit de la foule alarmée !
Heureux, qui de la mort pressé par l’aiguillon,
Au sein de ses amis, dans un doux abandon,
Sent couler sur sa main les larmes de ses frères,
Est sourd aux vains propos, aux pieuses chimères,
Dont on repaît le cœur d’un chrétien abattu,
Et meurt en prononçant le nom de la vertu !
Amis ! lorsque le temps, de son pied trop agile,
Heurtera de mon corps l’édifice fragile,
Que mes débris poudreux soient par vous recueillis !
Par vous sur mon tombeau que ces vers soient écrits :
Cy repose un paisible Athée ;
Il marcha toujours droit, sans regarder les cieux.
Que sa tombe soit respectée ;
L’ami de la vertu fut l’ennemi des Dieux.
L’adhésion de Pierre Maréchal à une loge du Grand Orient apparaît comme logique.
Il est étonnant de constater que ses innombrables ennemis du camp royaliste catholique reconnaissent toujours ses qualités comme individu.
« Exalté dans ses principes politiques, hardi, téméraire dans toutes ses doctrines, il fut cependant d’une tolérance extrême pour ceux qui ne les partageaient pas ; jamais il né chercha de prosélytes dans la persécution, et jamais chez lui l’amitié, la bienfaisance, l’humanité, ne furent altérées par ses opinions. Anti-catholique, il était le premier à favoriser la dévotion de sa femme et de sa sœur, et par attachement pour elles il avait dans son cabinet tous les symboles de la religion chrétienne ; il tendait la main à des religieuses persécutées, il leur offrait un asile, des secours et sa protection. Anti-monarchique, il ne savait ni trahir, ni dénoncer, ni même refuser aux victimes, quelles qu’elles fussent dans ces temps de cruautés, ses services et son argent. Une pareille tolérance, si elle se rencontrait aujourd’hui dans ses détracteurs, devrait plaider en sa faveur et atténuer du moins les torts de son esprit. » (L’Ami de la religion et du roi : journal ecclésiastique, politique et littéraire)
Tenons-nous en pour le moment à sa contribution la plus importante : la rédaction du Manifeste des Egaux.
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