2 à 5 fois l’énergie nécessaire au niveau mondial : pourquoi la mer est l’énergie de l’avenir

dimanche 28 janvier 2024.
 

Parce que l’eau de mer constitue les deux tiers de notre planète, celle-ci offre le foisonnement rêvé à toute énergie renouvelable. Nous disposons, en mer, de deux à cinq fois la puissance nécessaire à la consommation électrique mondiale annuelle. Cela en fait un des plus grands gisements d’énergie renouvelable théoriquement disponible.

En 2020, la production théorique totale d’électricité à partir des énergies marines dans le monde, a été estimée par L’Agence Internationale pour les Énergies Renouvelables (IRENA) entre 45 000 et 130 000 térawatt-heure par an (TWh/an). Pour référence la consommation mondiale d’électricité en 2019 était de l’ordre de 22 800 TWh/an (Source AIE). Est-il encore utile de préciser que pour maintenir nos objectifs impérieux de réchauffement climatique sous la barre des +1.5°C, nous devons diminuer drastiquement nos émissions de gaz à effet de serre (GES) et par conséquent nos consommations énergétiques ?

Selon l’Agence Internationale de l’Energie (AIE), avec une part de 41% en 2019, la production d’électricité représente dans le monde, le premier poste d’émission de gaz à effet de serre. Deux importants défis intrinsèquement liés se profilent à l’horizon 2050 : réduire notre consommation d’énergie fossile, tout en la substituant par d’autres sources d’énergie neutre en carbone.

Bien qu’une myriade de technologies d’énergies renouvelables (EnRs) existe, seulement deux ou trois sont majoritairement mises sur le devant de la scène, quand bien même ce n’est pas pour être discrédité au profit du nucléaire. Nous visualisons plus concrètement l’énergie hydraulique, le photovoltaïque, l’éolien à terre et même l’éolien qu’il soit posé ou flottant en mer, et bien moins les grandes oubliées de l’histoire, les Énergies Marines Renouvelables (EMR). Notre article.

La Mer, une solution d’Avenir ?

L’IRENA distingue cinq grandes catégories d’EMRs et leur potentiel mondial. Hydrolienne et Marémotrice avec 1 200 TWh/an, Houlomotrice avec 29 500 TWh/an, Osmotique avec 1 650 TWh/an et Thermique des mers avec 44 000 TWh/an.

La France fut pionnière pour ce qui est de l’énergie marémotrice, celle qui exploite l’énergie des marées, puisqu’en 1966 elle mit en service à l’embouchure de l’estuaire de la Rance, non loin de la ville de Saint-Malo en Bretagne, la plus puissante usine marémotrice au monde avec 240 MW. Bien que le leadership mondial appartienne depuis 2011 aux Sud-Coréens, l’usine fonctionne toujours et produit 7% de l’électricité bretonne, encore 57 ans plus tard.

Intermittente oui, mais prédictible

Le reproche souvent mis en avant quand il est question d’énergies renouvelables, est le caractère aléatoire que la production peut avoir. La plupart des énergies marines renouvelables n’y échappent pas. À une différence près, c’est que depuis 150 ans, nous savons prévoir et calculer la force et le moment des marées et de ses courants. Il s’agit d’un atout majeur lors du pilotage de la production électrique.

L’acceptabilité sociale est bien souvent un frein à l’installation et au déploiement des énergies renouvelables. Parce qu’elles sont visibles ou bien qu’elles empiètent sur une zone d’exploitation ou encore que leur emprise sur la biodiversité peut paraître importante, il est souvent compliqué de satisfaire tout un chacun. Sur ce point, l’énergie hydrolienne tire son épingle du jeu. Peu importe la forme que vous lui donnez, une fois installée celle-ci se retrouve totalement et constamment immergée. Sa densité énergétique élevée lui permet une emprise au sol 10 fois inférieure à l’éolien offshore.

L’intérêt de cette technologie est d’exploiter les gisements de courants les plus puissants du monde, comme le fera la future ferme composée de 7 hydroliennes qui sera mise en service en 2026 dans le Raz-Blanchard, au large de Cherbourg en Normandie. Les conditions extrêmes qui règnent dans ce genre d’endroits, font que ni les Hommes, ni les poissons, n’aiment trop s’y aventurer.

Une palette de formes aussi grande que la mer elle-même

Les énergies marines renouvelables disposent d’une autre particularité qui les distinguent de leurs cousines non-océaniques. Il est possible d’en extraire le travail utile avec un éventail de machines toutes aussi différentes les unes que les autres. En taille, en forme, en conception, en orientation, en surface. Des dizaines et des dizaines de projets différents par énergie existent.

Dans notre monde actuel, où il est plus important de savoir combien ça coûte, plutôt que de savoir si cela va nous servir, le prix du mégawattheure sortant est un élément à considérer. Pour cela, le développement de la filière de l’énergie houlomotrice, celle qui exploite l’énergie de la houle, emploie une méthode pionnière et structurée. Pour France Energies Marines, « le secteur innove par rapport aux autres EMRs en appliquant une approche de conception et de validation par étapes prédéfinies ».

Selon le rapport OceanSet de 2020, ce procédé permettra de diviser par deux le coût complet de production électrique d’ici 2035. La récente actualisation des prix du mégawattheure par la CRE (La Commission de régulation de l’énergie) démontre l’inverse perspective pour ce qui est de l’énergie atomique, qui voit son coût complet de production augmenter. En cause, la conjugaison de ses déboires industriels présents et futurs, ainsi que sa production électrique en baisse.

Plus encore ? À en croire EDF, sur son cycle de vie complet, les émissions de gaz à effet de serre pour 1 kilowattheure (kWh) d’énergie nucléaire équivaudrait en France à 6 g eq.CO2 (équivalent CO2). Si celle-ci s’avère concluante, la récente étude du prototype de l’entreprise HACE (Hydro Air Concept Energy), amènerait à un résultat inférieur à 1 g eq.CO2/KWh pour leur machine houlomotrice. Plus globalement, les différentes données existantes dans les rapports du GIEC s’y référant, quantifient l’empreinte carbone mondiale du nucléaire autour de 12 g eq.CO2/KWh et 8 g eq.CO2/KWh pour l’énergie houlomotrice.

Un réseau 3 en 1 pour l’outre-mer français

Quand il est question de production d’énergie, le terme de co-production ou de co-bénéfice apparaît dans certains cas. On parle alors d’utiliser tout ou partie, « d’effet » résultant de la production principale.

L’énergie thermique des mers (ETM), appelée parfois maréthermique, d’autre fois thalassothermique en est un bel exemple. Cette énergie marine exploite la différence de température entre les eaux de surfaces et les eaux profondes. Ce procédé, dont on trouve les prémices dans le livre de Jules Verne Vingt mille lieues sous les mers, nécessite un gradient de température de l’ordre de 20°C. Il s’accommode plus particulièrement à nos outre-mer français. En cycle dit « ouvert », en plus d’obtenir une production électrique bas carbone, le procédé technologique peut permettre la désalinisation de l’eau de mer.

Dans des régions du monde, qui présentent une situation de stress hydrique comme à Mayotte ou en Guadeloupe, ce co-bénéfice pourrait être considéré comme la production principale et permettrait un accès à l’eau digne et constant. A l’instar de la géothermie, cette technologie peut aussi alimenter une pompe à chaleur réversible. En fonction des besoins, l’eau de mer cède son énergie à un circuit secondaire d’eau douce et permet d’en augmenter ou d’en réduire la température.

Les études menées en rénovation thermique attestent qu’il est possible de produire en moyenne 5 kWh de chauffage ou de climatisation pour 1 kWh d’électricité consommée, le cycle à eau surpasse d’environ 30% le rendement des pompes à chaleur qui puisent l’énergie dans l’air extérieur.

Un mariage électrique

La fluctuation ou l’intermittence des énergies renouvelables qu’elles soient marines ou non, peuvent être compensées par divers moyens de flexibilité. Pourquoi ne pas utiliser une énergie marine renouvelable qui ne varie pas pour faire cela ?

L’énergie osmotique est celle qui exploite la différence de salinité, entre l’eau douce d’un fleuve au moment où celui-ci se jette dans l’eau salée de la mer. Cette caractéristique présente de nombreux aspects positifs. Le fait de détourner l’eau à ce point de prélèvement, c’est-à dire peut avant que l’eau douce ne soit totalement mélangée avec l’eau de mer, limite les conflits d’usage. Ne pas avoir besoin de barrage réduit l’emprise sur l’environnement, cette énergie est renouvelable et n’est pas intermittente. Si il s’agit de l’exploitation énergétique dont vous ayez le moins eu connaissance, c’est qu’il s’agit de celle qui est la moins mature dans le monde malgré ses propriétés et son potentiel.

Annoncé en février 2022 dans un communiqué de presse de la start-up rennaise Sweetch Energy, en partenariat avec la Compagnie Nationale du Rhône (CNR), le projet d’une centrale osmotique dans le delta du Rhône d’ici la fin de l’année 2023 n’a pas fait reparler de lui entre temps. Des nouvelles évolutions dans la technologie osmotique auraient relancé l’échéance à 2030.

De quoi faire rêver

L’accessibilité à ces énergies est inégalement répartie sur notre planète, c’est indéniable. La France a néanmoins un rôle majeur pour tout ce qui a trait à la mer. Bien que l’immense majorité se trouve dans ses territoires ultra marins, elle dispose du deuxième domaine maritime au monde après les Etats-Unis.

Elle possède les savoirs et les personnes utiles aux défis à relever. En plus de créer et d’innover dans ces technologies, il nous faudra disposer des industries nécessaires à leur mise en place, depuis la fabrication, en passant par le transport quand celui-ci devra se faire au large, jusqu’à la construction finale de pareils édifices.

Pour toutes ces raisons, il est impératif de rediriger les crédits alloués à la recherche et au développement du nucléaire vers l’ensemble des énergies renouvelables et plus largement vers la bifurcation écologique. L’heure est à l’action et faire l’inverse est criminel, ceux qui tiennent la barre de notre pays le savent déjà.

Par le Groupe Thématique Énergie FI


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