Le séparatisme scolaire – La stratégie macroniste pour saccager l’École publique

vendredi 16 février 2024.
 

École. L’éphémère ministre de l’Éducation nationale, Amélie Oudéa-Castera, aura eu, en 28 jours à la rue de Grenelle, l’occasion de mettre en lumière le sujet du séparatisme scolaire, devenu, disait-elle « le symbole d’une caste privilégiée à combattre ». L’encre a déjà beaucoup coulé sur les préjugés véhiculés par la ministre qui s’est plaint de ses 500 000 euros de revenus annuels. Ses attaques en règle contre l’école publique, les « paquets » d’heures perdues, l’étonnement de voir des enfants en baskets, la scolarisation de ses enfants à l’école privée d’extrême droite Stanislas, tous ces éléments ont défrayé la chronique dans les colonnes de l’Insoumission.

Mais qu’en est-il du fond idéologique qu’incarne Amélie Oudéa-Castéra ? Qu’il s’agisse de son prédécesseur, Jean-Michel Blanquer, ou de sa successeuse, Nicole Belloubet, tous partagent la même politique de séparatisme scolaire. Tous utilisent les leviers de l’État et des collectivités locales pour organiser la concurrence entre l’école publique et le privé, détricotant la première au profit de la deuxième avec, en toile de fond, des inégalités qui s’accroissent. Notre article.

L’éducation privée : la réussite par la naissance

À première vue, on pourrait être tenté, avec les résultats moyens de l’enseignement privé, relevés par la Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP), de comprendre que le privé puisse être préféré au public. Mais cette donnée brute se heurte à une réalité sociale. Les données issues du rapport de la Cour des Comptes « L’enseignement privé sous contrat » (1er juin 2023) nous enseigne que :

« Les élèves de familles très favorisées, qui constituaient 26,4 % des effectifs de l’enseignement privé sous contrat en 2000, en représentent 40,2 % en 2021 et les élèves de milieux favorisés ou très favorisés sont désormais majoritaires dans ce secteur (55,4 % en 2021) alors qu’ils représentent 32,3 % des élèves dans le public. À l’inverse, la part des élèves boursiers s’élevait à 11,8 % des effectifs en 2021 dans le privé sous contrat, contre 29,1 % dans le public. » Non seulement le privé sous contrat est libre de recruter les élèves sans contraintes, mais il a donc amplifié largement le niveau de ségrégation !

De fait, le ministère de l’Éducation Nationale publie régulièrement les indices « IPS » (Indice de Position Sociale) des établissements publics et privés. Le syndicat enseignant SNES-FSU a édité un graphique des écarts type des IPS. Un rapide coup d’œil permet de constater une réalité : dans le privé, les plus ségrégés sont les établissements les plus favorisés. Dans le public, malgré une plus grande mixité sociale, les plus ségrégés sont les plus défavorisés.

Public : une école privée… de moyens

Si les élites politiques de la macronie scolarisent leurs enfants dans le privé, c’est bien pour une raison. Amélie Oudéa-Castera avait beau dire qu’un nombre d’enfants réduit « et c’est toute l’émulation qui est remise en cause », les établissements privés appliquent pourtant des réductions d’effectifs dans les classes : 21,1 enfants par classe élémentaire dans le privé contre 24,5 dans le public (DEPP, 2022).

De fait, depuis 2017, 8 865 postes ont été supprimés dans le second degré public. Pour la rentrée 2024 en ce qui concerne le premier degré, ce seront pas moins de 650 postes d’enseignants qui seront supprimés. De fait, les salles de cours se tassent sous le nombre des élèves : au collège, 61,8% des élèves sont dans des classes à plus de 25, et 7,5% à plus de 30. Au lycée, la moyenne des effectifs se situe à 30,6 (DEPP, 2023)

Dans la ville de Paris, la différence de moyens est saisissante : avec 11 élèves de moins que le lycée public Carnot, le lycée privé Stanislas, plus favorisé socialement, reçoit, en dotation de l’État, environ 40 heures de plus par semaine.

Avec 10 élèves de moins que le lycée public Gabriel Fauré, le lycée de l’École alsacienne, plus favorisé socialement, reçoit environ 70 heures de plus par semaine. Concrètement, les classes sont plus chargées dans les lycées publics : en 2021, le nombre moyen d’élèves par classe était ainsi de 29,7 dans le privé et de 34,2 dans le public. La proportion de classes à plus de 35 élèves était de 4 % dans le privé sous contrat contre 35 % dans le public.

Privé : une école gavée de moyens publics

Les différences de moyens que nous constatons ne viennent pas de nulle part. Les écoles privées sont aujourd’hui massivement financées par l’argent public. Tout d’abord, l’État fourni les moyens d’enseignement (les emplois de professeurs, qui sont donc salariés de l’Etat). C’est la loi Debré de 1959, qui instaure le système de contrat avec l’État. En 2009 s’est ajoutée la loi Carle, qui introduit un financement obligatoire, par les collectivités locales compétentes, des établissements privés sous contrat. Dans un pays qui a vu naître la loi Ferry de 1882 sur l’école laïque et la loi sur la laïcité de 1905, l’ampleur de ces financements fait tache…

À 77%, l’enseignement privé sous contrat est financé par de l’argent public ! L’État finance 55 % du 1ᵉʳ degré et 68 % du 2d degré. La part revenant aux familles s’élève à 22 % dans le 1ᵉʳ degré et à 23 % dans le 2d degré. Le reste correspond aux subventions des collectivités territoriales. Chaque année voit son lot de financement au-delà de l’obligation faite par la loi. C’est le cas dans nombre de collectivités locales, mais aussi au niveau de l’État.

Dans la loi de finances 2024, l’enseignement privé obtient plus de 9 milliards d’euros de crédits de paiement, soit une augmentation de 6,70% par rapport à celle de 2023 alors que l’enseignement scolaire public du 1ᵉʳ degré a augmenté de 4,58% et l’enseignement scolaire public du 2d degré a augmenté de 5,40%. La macronie distribue des cadeaux au privé sous contrat.

Selon la Cour des comptes, que l’on ne peut pas qualifier d’officine d’extrême gauche, « le suivi des contrats se révèle peu rigoureux »… De fait, il n’y a pas ou peu de contrôle pédagogique, financier et administratif des établissements privés. Comment expliquer autrement qu’un établissement comme Stanislas puisse développer autant l’homophobie, le sexisme, et continue de fonctionner comme si de rien n’était, avec la bienveillante protection d’une ministre ?

Pour la France insoumise, les fonds publics pour l’école publique

Le constat est sans appel : l’État entretient et aggrave la concurrence déloyale de l’école privée face au service public de l’éducation. Pour la France insoumise, les fonds publics ne doivent pas servir à financer les intérêts privés. Un gouvernement LFI abrogerait la loi Carle et interdirait les subventions extralégales de la part des collectivités locales.

Fermement attachés à la mixité scolaire, les insoumis souhaiteraient instaurer une nouvelle carte scolaire intégrant les établissements privés sous contrat, qui permette de mettre fin à la ségrégation, avec le concours d’universitaires, d’élu·es locaux, de parents d’élèves, de syndicats, et des ministères de l’Education Nationale, du Logement, des Transports. La modulation du financement en fonction du respect de cette carte scolaire permettrait d’enrayer la ségrégation toujours plus forte.

Parce que le peuple doit pouvoir avoir le contrôle de son école, il faut faire appliquer partout le programme scolaire, et empêcher les dérives haineuses ou discriminatoires. Les insoumis comptent également renforcer les contrôles des établissements privés et mettrons en œuvre un plan de construction d’établissements publics dans les déserts scolaires.


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