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Samedi, le député LFI Thomas Portes a appelé à ce que « le drapeau et l’hymne israéliens ne soient pas admis pendant ces Jeux ». La droite et une partie de la gauche dénoncent ces propos. Il s’agit d’une demande exprimée depuis plusieurs mois par les soutiens de la cause palestinienne.
La rédaction de Mediapart et Agence France-Presse
« La délégation israélienne est la bienvenue en France », a souligné lundi 22 juillet le ministre français des affaires étrangères, après des propos polémiques d’un député de la gauche radicale ayant affirmé le contraire. Stéphane Séjourné, qui a annoncé depuis Bruxelles qu’il allait s’entretenir dans quelques heures avec son homologue israélien, a dénoncé les propos de Thomas Portes, du parti La France insoumise (LFI), les jugeant « irresponsables et dangereux ».
« Je tenais à dire, au nom de la France, que la délégation israélienne est la bienvenue en France pour ces Jeux olympiques. J’aurai d’ailleurs l’occasion de le redire au gouvernement israélien », a-t-il dit. Stéphane Séjourné s’exprimait à son arrivée à une réunion des chefs de la diplomatie des 27 pays membres de l’UE. Le président israélien Isaac Herzog a prévu de participer à la cérémonie d’ouverture vendredi 26 juillet.
Le ministre français réagissait aux propos tenus par l’Insoumis Thomas Portes à Paris samedi lors d’un rassemblement de soutien au peuple palestinien, à quelques jours de l’ouverture des compétitions et du match de football qu’Israël disputera dès mercredi au Parc des Princes contre le Mali.
Illustration 1Agrandir l’image : Illustration 1 Des cyclistes passent devant une banderole appelant à l’interdiction de l’équipe israélienne des Jeux olympiques de Paris 2024, installée par les manifestants pro-palestiniens à Jakarta le 21 juillet 2024. © Photo Yasuyoshi Chiba / AFP « Non, la délégation israélienne n’est pas la bienvenue à Paris. Les sportifs israéliens ne sont pas les bienvenus aux Jeux olympiques à Paris », avait affirmé le député, appelant à utiliser « l’échéance » des Jeux olympiques (JO) et « tous les leviers que nous avons pour créer des mobilisations » contre la guerre menée par Israël dans la bande de Gaza, déclenchée par l’attaque sans précédent du mouvement islamiste palestinien le 7 octobre sur le sol israélien.
Le parlementaire a ensuite amendé son propos, qui ne reflétait pas la position de La France insoumise (LFI) qui, comme plusieurs collectifs propalestiniens, demande à ce que les athlètes israéliens puissent bien participer aux JO, mais sous une bannière neutre, comme les sportifs russes et bélarusses.
« Je considère que la diplomatie française doit faire pression sur le CIO [Comité international olympique – ndlr] pour que le drapeau et l’hymne israéliens ne soient pas admis pendant ces Jeux olympiques, comme cela est fait pour la Russie », a donc précisé dimanche Thomas Portes, estimant qu’il « faut en finir avec le deux poids deux mesures ».
Même rectifiés, ces propos ont suscité un tollé. Le président du Crif (Conseil représentatif des institutions juives de France) Yonathan Arfi, a qualifié d’« irresponsable » l’attitude du député.
Le ministre de l’intérieur Gérald Darmanin a accusé Thomas Portes de mettre « une cible dans le dos des athlètes israéliens » et dénoncé des « relents d’antisémitisme ». « Personne n’a oublié Munich 72. À quelques jours de l’ouverture des JO, les propos haineux de Thomas Portes contribuent à menacer la sécurité de la délégation israélienne et celle de Paris 2024. Une fois encore, irresponsable et indigne », a réagi la présidente de la région Occitanie Carole Delga sur X.
La socialiste fait ici référence au traumatisme des JO de Munich. Le 5 septembre 1972, au cœur du village olympique, onze athlètes israéliens ont été pris en otage par un commando palestinien de l’organisation Septembre noir, réclamant la libération de plus de deux cents prisonniers palestiniens. Bilan : les onze sportifs israéliens, cinq fédayins et un policier allemand seront tués après une intervention ratée de la police allemande. L’événement a profondément marqué l’histoire olympique, d’autant que le CIO avait décidé que les Jeux devaient se poursuivre.
Du côté de LFI, des élus ont apporté leur soutien à Thomas Portes, à l’image du député Aymeric Caron, qui a dénoncé une polémique « indigne », jugeant que « le drapeau israélien, entaché du sang des innocents de Gaza, ne devrait pas flotter à Paris cet été ». « Face aux violations répétées du droit international par le gouvernement israélien, il est légitime de demander que ses athlètes concourent sous bannière neutre aux Jeux olympiques », a également soutenu Manuel Bompard, le coordinateur national de LFI.
Appels au CIO En juin, les quinze membres de la commission exécutive du CIO avaient dû se saisir de la question de la participation des athlètes israéliens. Quelques mois plus tôt, plus de 300 clubs sportifs, centres de jeunesse et organisations de la société civile palestinienne avaient en effet signé un appel au CIO lui demandant d’« appliquer ses principes et remplir ses obligations en bannissant Israël des prochains Jeux olympiques ».
L’appel est à l’origine d’une campagne de boycott intitulée #BanIsrael, relayée par deux pétitions pour que la participation d’Israël aux événements sportifs internationaux soit suspendue. Celle de Diem 25 a recueilli plus de 105 000 signatures en 5 mois ; celle de Eko, près de 360 000.
En cause : la guerre menée par Israël à Gaza. Selon une estimation récente parue sur le site de la revue médicale britannique The Lancet, ce ne sont pas 38 000 personnes, mais possiblement « jusqu’à 186 000 » personnes, « voire plus » qui pourraient mourir dans cette guerre interminable, tuées par les bombes, ensevelies sous les décombres, victimes de la faim, de la soif ou de conditions sanitaires déplorables.
« Le crime le plus odieux est de s’habituer à tout ça et de se taire », a écrit sur X le jeune poète palestinien Mosab Abu Toha le 4 juillet.
Le cas de la Russie et du Bélarus Le 8 décembre dernier, le CIO avait fixé les règles pour la Russie et le Bélarus, engagés dans la guerre en Ukraine : leurs athlètes ne pourront participer à la compétition qu’individuellement et sous bannière neutre, c’est-à-dire avec le drapeau et l’hymne olympique à la place de leurs couleurs nationales en cas de podium. Et aucune représentation ne sera possible dans les sports collectifs.
Interrogé fin mars par le journal Le Monde, le président du CIO Thomas Bach estimait cependant que « le Comité olympique israélien n’a pas violé la Charte olympique » et brandissait un horizon ancien et aujourd’hui mis à mal : « Dans le monde olympique, nous avons depuis trente ans ce que le monde politique appelle une solution à deux États : nous avons un Comité national olympique d’Israël et un Comité national olympique de Palestine [qui] coexistent pacifiquement. »
Une « coexistence pacifique » qui résiste mal à l’examen d’un temps plus long. Si Israël a pu participer aux JO dès 1952, quatre ans après la proclamation du nouvel État, la Palestine a dû, elle, attendre 1995 pour que le CIO reconnaisse son comité national, et les JO de 1996 aux États-Unis à Atlanta (Géorgie) pour envoyer un premier athlète.
Par ailleurs, des dizaines de sportifs palestiniens ont été tués au cours des bombardements israéliens sur Gaza. Parmi eux, Hani al-Masdar, 42 ans, entraîneur de l’équipe olympique palestinienne de football. Mi-mai, Jibril Rajoub, le président de la Fédération palestinienne de football et du Comité olympique national, cadre du Fatah et cacique de l’Autorité nationale palestinienne, a interpellé la Fifa pour qu’Israël rende des comptes de ses « violations contre les sports palestiniens ». Violations qui se traduisent aussi par l’impossibilité faite aux clubs et aux athlètes de Palestine de circuler librement entre la Cisjordanie et Gaza et, plus encore, à l’étranger.
Sollicité par Mediapart mi-juin, le Comité d’organisation des Jeux olympiques et paralympiques (Cojop) rappelait qu’il ne lui « appart[enait] pas de décider quels comités nationaux participent aux Jeux, et dans quelles conditions » et citait Tony Estanguet : « Les Jeux de Paris 2024 doivent être un espace de célébration de la paix. »
Interrogé également, le président du Comité national olympique et sportif française (CNOSF), David Lappartient, répondait, par la voie de son chargé de communication : « Les Jeux sont des moments de paix et d’amitié. Les Israéliens et les Palestiniens seront là et c’est très heureux. » Deux réponses a minima, mais dans les clous du positionnement présenté comme « neutre » du CIO.
La rédaction de Mediapart et Agence France-Presse
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