RN. Récemment, le député insoumis Louis Boyard a reçu un courrier du tribunal lui apprenant que Marine Le Pen porte plainte contre lui pour des propos tenus sur Twitter il y a plus d’un an après un match de football opposant le Maroc à la France. Ces propos disaient en substance que les mouvances et les groupuscules d’extrême droite les plus violents votent pour le FN/RN au travers d’une punchline bien sentie : « Vous êtes la candidate de ces milices qui ont du sang sur les mains ».
Loin d’être un fait isolé, depuis son arrivée à la tête du Front national, Marine Le Pen dépose régulièrement plainte en diffamation à l’encontre de personnalités politiques et de journalistes ayant publiquement qualifié son parti d’extrême droite. En lançant la machine judiciaire, Marine Le Pen espère faire taire toute critique : les dénonciations de sa proximité avec les gudards et autres nazillons, mais aussi les révélations d’escroqueries financières de son parti, comme l’affaire des kits de campagne.
Au FN/RN, cette stratégie judiciaire est reprise en cœur : Antoine Oliviero (candidat RN dans le Morbihan) porte plainte lorsqu’il est accusé d’être proche de néonazis, Steeve Briois (Maire d’Hénin-Beaumont) et Guillaume Bigot (député RN dans le Territoire de Belfort) font de même lorsqu’ils sont accusés de racisme. Bardella quant à lui porte plainte contre un journaliste l’ayant accusé de travail fictif du temps où il était assistant au Parlement européen. Notre article.
La stratégie de judiciarisation et de « lawfare » du RN/FN, une stratégie de dédiabolisation, autant qu’une stratégie d’intimidation Cette « guérilla juridique » pour museler l’opposition s’inscrit dans une stratégie de normalisation du RN de longue date. Le principe est largement théorisé, relayé et souhaité par leurs cadres comme par leurs soutiens et financeurs comme l’illustre le projet Périclès du milliardaire exilé fiscal Pierre-Édouard Stérin.
Ces procédures ont l’avantage d’engendrer du bruit médiatique autour d’accusations calomnieuses et de plaintes à l’encontre de leur opposition, sans jamais avoir à se dédire vu le temps long dans lequel elles s’inscrivent face au tempo médiatique. Et qu’importe qu’elles débouchent sur une condamnation, une actualité en chassant toujours une autre et l’amnésie imposée par ce rythme effréné permettent de ne pas avoir à revenir sur les résultats des actions intentées quand elles sont perdantes. Un procédé qui n’est pas sans rappeler les accusations en antisémitisme envers les soutiens de la paix en Palestine.
Elles permettent aussi de mettre sous pression financière des militants ou personnalités politiques au travers des coûts juridiques pour assurer leur défense. Ces pressions se transformant dès lors en une forme d’intimidation débouchant sur un phénomène recherché d’auto-censure. Tout bénef donc.
Le processus de normalisation du RN, ou comment le RN prétend s’être départi de l’extrême droite groupusculaire violente
À sa création en 1972, le FN est pensé comme une vitrine électorale pour les différents groupuscules extraparlementaires de l’extrême droite : monarchistes, nationalistes-révolutionnaires ou catholiques intégristes. Le Front national autorise alors la double appartenance. Autrement-dit, on peut à la fois être adhérent d’un groupuscule extraparlementaire, comme le GUD et appartenir au FN (« Le compromis nationaliste, un pacte tacite entre le RN et les groupuscules violents », Mathieu Molard, in Extrême droite : la résistible ascension, Éditions Amsterdam, 2024).
Personne ne s’en prive, si bien que pendant des décennies, ces habitués de la violence de rue constituaient une force militante, pour coller des affiches, assurer les services d’ordre et défiler au pas de l’oie sous la bannière du FN lors de la fête de Jeanne D’Arc. Les violences étaient régulières et le FN était alors jugé par beaucoup comme le parti des assassins suite aux meurtres en 1995 d’Ibrahim Ali et de Brahim Bouarram par des militants FN.
En devenant présidente du Front national en 2011, Marine Le Pen, dans sa volonté de poursuivre la stratégie de normalisation du FN, tente de nettoyer le parti des « grognards » les plus encombrants. La double appartenance n’est plus autorisée et un certain nombre de néonazis, fascistes et antisémites notoires sont purgés. Ces mesures cosmétiques sont du reste superficielles, en réalité le FN-RN demeure la face « présentable », d’une extrême droite toujours aussi violente et raciste.
D’après le rapport nommé « Vioramil » (« Violences et radicalités militantes en France depuis les années 1980 ») la France compte environ 3300 militants au sein de groupuscules d’extrême droite, dont 1300 sont fichés S. On y apprend également qu’environ 70% des actes violents militants ont été commis par des membres de groupuscules d’extrême droite. La droite radicale étant responsable de 17 morts depuis les années 80.
Du Groupe Union Defense (GUD) en passant par Génération identitaire (GI) ou le Bastion Social (BS), la liste des groupuscules d’extrême droite dissous pour incitation à la haine et faits de violence est interminable. Il y aurait long à dire sur chacun et plus encore s’il s’agissait de citer l’ensemble des condamnations prononcées contre ces groupes ou leurs membres.
Pour comprendre et mettre en lumière les liens entre ce microcosme ultra violent et le RN, il est nécessaire de s’intéresser à ce que sont devenus les militants de ces organisations ainsi qu’aux nouvelles structures dans lesquelles ils militent désormais, et aux liens entre ces groupuscules et le Rassemblement national de la jeunesse (RNJ).
Vous connaissiez déjà la vieille garde des cadres du RN, comme Axel Loustau et Philippe Châtillon, ex-gudards aux casiers judiciaires éloquents, ou plus récemment Philippe Vardon issu des identitaires. Loin d’être des cas isolés marquant la porosité entre RN et groupes violents, une nouvelle génération aussi radicale que la vieille garde est déjà en place au RN.
Le RN et les groupuscules néofascistes et identitaires locaux : une longue et belle histoire d’amour
Issue de la dissolution de Bastion Social et du GUD. Le groupe s’en prend régulièrement aux élu·es, aux militant·es et aux minorités sur Lyon.
Le documentaire “White power” réalisé par Christophe Cotteret et diffusé sur Arte, démontre la porosité entre « l’extrême droite électorale locale et celle qui applique déjà son programme par la violence de rue ». On y apprend qu’un militant nationaliste-révolutionnaire de ce groupe est aussi un cadre local et un ancien candidat suppléant aux législatives pour le RN. Autre exemple, un ancien activiste de la GI est investi à la mairie de Tourcoing.
Tenesoun, autre rejeton issu du BS, accorde quant à lui une large place à « la formation » de futurs cadres. Aux élections étudiantes de l’université Aix-Marseille de 2023, cinq des six candidats de la liste de la Cocarde Étudiante sont militants ou sympathisants de Tenesoun.
Si le groupe revendique une forme d’activisme non violent, la réalité est autre : en 2022, une dizaine de militants équipés de manches de pioche tabassent un militant identifié “de gauche” pendant une distribution alimentaire à destination d’étudiant·es. L’action sera revendiquée sur le canal Telegram néonazi Ouest Casual. Streetpress identifiera sur la photo plusieurs membres de Tenesoun, effectuant des saluts de Kühnen nazis.
La Cocarde étudiante : la pouponnière du RN
Le cas de la Cocarde est sans doute l’un des plus emblématiques. Vivier de jeunes parfois très radicaux et violents, la Cocarde, syndicat étudiant d’extrême droite regroupe un très grand nombre de militants issus de la nébuleuse fasciste. L’interconnexion des mouvances nées de la dissolution des GI, du BS et du GUD ou d’autres encore est assurée par ses membres qui naviguent et collaborent entre eux au sein de ces groupes. Ils fournissent nombre de collaborateurs parlementaires très actifs et influents sur la ligne politique des député·es du RN. Médiapart a documenté leurs liens avec l’extrême droite néonazie.
StreetPress a identifié de son côté au moins une dizaine de militants issus de la cocarde et/ou de groupuscules violents (parfois dissous), actuellement en fonction au Palais Bourbon ou au Parlement européen.
C’est un fait donc, il existe une porosité entre le RN et les groupuscules violents qui gravitent autour et lui fournissent nombre de cadres. Cela est aussi en partie dû au RNJ. Et cette collusion ne se limite pas aux tractages qu’ils effectuent avec des groupes neonazis, elle s’accompagne aussi de formations idéologiques et d’afterworks où ils discutent politique et font la fête.
Montée électorale du RN et violences racistes et homophobes : l’une ne va pas sans l’autre
Suite à la montée du RN dans les intentions de votes et sa victoire aux Européennes, on assiste à une désinhibition de la parole et des agressions racistes. Les témoignages et récits d’agressions racistes et homophobes se sont multipliés : élus agressés physiquement, attaques racistes, avocat·es et journalistes menacés de mort…
Comme lors de la nuit du 9 au 10 juin 2024, où après la victoire du RN aux européennes, 5 personnes (dont le fils d’Axel Loustau) insultent et passent à tabac un jeune homme de 19 ans, avant de prendre la fuite. Finalement interpellés, ils reconnaissent être membres du GUD et du RN et déclarent avoir hâte que le RN remporte les élections législatives pour pouvoir « casser du PD ».
Ainsi, malgré leur stratégie et des décennies d’efforts pour parvenir à une normalisation de son image, le FN/RN n’est jamais parvenu à se détacher des groupuscules violents qui l’ont fondé en 1972. Il y a un continuum d’extrême droite, allant des partisans de Dupont-Aignan aux néonazis de Blood & Honnor. Tous ont voté, tracté, et/ou milité pour Marine Le Pen au deuxième tour des présidentielles de 2022.
La violence de rue se retrouve dans la violence sociale, écocidaire, institutionnelle et raciste du programme du FN/RN et des prises de positions de ces dirigeants. Tous et toutes partagent le même fond idéologique rance, le même triste horizon, refusant la possibilité d’un monde meilleur, il ne leur reste plus que le fantasme d’une suprématie raciale.
Pour la touche d’humour, citons Marine Lepen : « Combien d’années va-t-il falloir que je me batte pour que les gens sachent quelles sont mes idées ? Ces groupes radicaux m’ont toujours détestée et combattue. Ils n’ont pas de place au RN. » On pourrait dire qu’à moins d’avoir perdu totalement prise sur son parti, ce qui n’en serait pas plus reluisant, il s’agit là d’une belle hypocrisie.
Par A.G. et Max B.
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