Le Hezbollah perd son chef, le monde s’inquiète des conséquences

jeudi 3 octobre 2024.
 

Au terme d’un raid de bombardements massifs à Beyrouth, l’État hébreu a indiqué samedi matin avoir « éliminé » le chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah. La nouvelle a plongé la région dans l’inconnu et suscité l’indignation des puissances régionales.

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Le Hezbollah a confirmé dans un communiqué publié samedi à la mi-journée la mort de son chef Hassan Nasrallah. Il « a rejoint ses grands et immortels martyrs, dont il a dirigé le parcours pendant près de trente ans », annonce le mouvement chiite, qui assure « poursuivre la guerre sainte contre l’ennemi et en faveur de la Palestine ». Le gouvernement libanais a décrété trois jours de deuil national, du 30 septembre au 2 octobre inclus.

L’armée israélienne avait annoncé samedi matin avoir « éliminé » le chef du Hezbollah, ajoutant par la suite lors d’une conférence de presse que « son élimination [rendrait] le monde plus sûr ». Elle a également insisté sur le fait qu’elle continuerait à éliminer d’autres commandants du mouvement islamiste armé. Les forces militaires israéliennes ont aussi indiqué, dans un communiqué publié en hébreu et en arabe, qu’Ali Karchi, présenté comme le « commandant du front sud du Hezbollah », ainsi que d’autres cadres du mouvement chiite ont été tués.

La nouvelle de la disparition du chef religieux a suscité une vague d’indignation dans la région. « La ligne glorieuse du chef de la résistance, Hassan Nasrallah, se poursuivra et son objectif sacré sera réalisé avec la libération de Qods [Jérusalem – ndlr], si Dieu le veut », a affirmé sur X le porte-parole du ministère des affaires étrangères iranien, Nasser Kanani. L’Irak, de son côté, a estimé par la voix de son premier ministre qu’Israël avait « franchi toutes les lignes rouges » avec ce « crime ».

du Liban, le 26 septembre 2024. © Photo Str / dpa / ZUMA Press via SIPA António Guterres, secrétaire général de l’Organisation des Nations unies (ONU), s’est dit quant à lui « très inquiet de la dramatique escalade » à Beyrouth, dans un communiqué diffusé par son porte-parole. « Ce cycle de violences doit s’arrêter maintenant et toutes les parties doivent s’éloigner du précipice, a ajouté l’instance internationale. La population du Liban, la population d’Israël et de la région plus largement ne peuvent pas supporter une guerre totale. »

Dans une réaction comparable, la France a dit son « extrême préoccupation » samedi soir « face aux développements de ces dernières heures au Liban », appelant à la « cessation immédiate des frappes israéliennes au Liban ». Diffusé après un échange téléphonique entre Jean-Noël Barrot, ministre français des affaires étrangères, et Najib Mikati, premier ministre libanais, le communiqué du Quai d’Orsay souligne que Paris « condamne toute action indiscriminée contre les civils » et « est opposé à toute opération terrestre au Liban ».

À l’inverse, les États-Unis se sont félicités de l’assassinat du leader religieux. Joe Biden, le président américain, y a vu « une mesure de justice pour ses nombreuses victimes, dont des milliers de civils américains, israéliens et libanais », et a rappelé que son pays soutenait « pleinement le droit d’Israël à se défendre contre le Hezbollah, le Hamas, les houthis, et tout autre groupe terroriste soutenu par l’Iran ». Benyamin Nétanyahou, le premier ministre israélien, devait prendre la parole samedi soir.

Leader politique et religieux de premier plan dans la région, Hassan Nasrallah était la cible d’une frappe d’une violence inouïe vendredi après-midi, dans un quartier densément peuplé de la banlieue sud de la capitale libanaise. « Notre attaque a été très précise », se félicitait alors Daniel Hagari, porte-parole de l’armée israélienne, assurant à ce moment-là être « encore en train de vérifier les résultats de l’attaque contre le quartier général central du Hezbollah ». « Tsahal » (nom hébreu pour « Force de défense d’Israël ») n’a pas précisé si c’est cette frappe qui a tué Hassan Nasrallah ou un des multiples bombardements qui ont suivi, dans la soirée et la nuit de samedi à dimanche.

Au moins six morts et 91 blessés

Le lieutenant-colonel Nadav Shoshani, porte-parole de l’armée israélienne, a en revanche annoncé samedi devant la presse : « Il y a encore du chemin à faire, le Hezbollah possède toujours des roquettes et des missiles et a la capacité d’en tirer plusieurs simultanément. »

Malgré les coups portés par Israël, qui bombarde sans cesse les bastions du Hezbollah dans le sud et l’est du Liban ainsi que dans la banlieue sud de Beyrouth, le mouvement libanais a en effet annoncé samedi avoir tiré des roquettes contre un kibboutz et des cibles militaires dans le nord d’Israël, en riposte « aux attaques barbares de l’ennemi israélien ».

Après un avertissement d’évacuation lancé vendredi soir par l’armée israélienne, des centaines d’habitant·es de la banlieue sud ont fui et des familles ont dormi dans la rue. Plusieurs immeubles brûlent toujours dans ce fief du Hezbollah et le ciel reste recouvert d’épaisses volutes de fumées. Les bombardements se sont arrêtés là au lever du jour mais ils ont continué dans le sud et l’est du Liban.

« C’était une nuit très dure, les missiles tombaient au-dessus de chez nous, je n’oublierai jamais les cris des enfants », raconte Hawraa el-Husseini, 21 ans, qui a fui avec sa famille la banlieue sud. L’armée israélienne a dit avoir ciblé dans ce secteur des immeubles civils abritant, selon elle, des dépôts d’armes et des centres de commandement du Hezbollah. Le Hezbollah a démenti la présence de dépôts d’armes dans les immeubles d’habitation.

Selon le ministère libanais de la santé, le raid de vendredi a fait au moins six morts et 91 blessés. Mais le bilan risque de s’alourdir, des dizaines d’immeubles ayant été détruits selon un photographe de l’AFP. Lundi, l’armée israélienne a lancé une campagne de bombardements violents et meurtriers contre le Hezbollah au Liban voisin, après un an d’échanges de tirs transfrontaliers avec la formation libanaise.

Le Hezbollah a ouvert un front contre Israël au début de la guerre à Gaza, déclenchée par une attaque le 7 octobre 2023 contre Israël menée par le Hamas palestinien, son allié. Et il a juré de poursuivre ses attaques « jusqu’à la fin de l’agression israélienne à Gaza ». Israël affirme agir pour rétablir la sécurité dans le nord du pays, cible des tirs du Hezbollah, et permettre ainsi le retour de dizaines de milliers d’habitant·es contraint·es à la fuite.

Israël se prépare à une incursion terrestre

Hassan Nasrallah, 64 ans, apparaissait rarement en public et son lieu de résidence était tenu secret. Ses discours étaient retransmis en direct par la télévision et il recevait souvent des visiteurs. Cet homme de religion faisait l’objet d’un véritable culte de la personnalité au Liban, dont il était l’homme le plus puissant.

Samedi, l’armée israélienne a indiqué avoir mené des « frappes d’envergure » sur des « dizaines de cibles » du Hezbollah dans le sud et l’est du Liban. Elle a affirmé plus tôt avoir tué le commandant d’une unité de missiles du mouvement et son adjoint dans une frappe dans le sud du Liban.

Israël a aussi annoncé que son aviation avait survolé dans la nuit les environs de l’aéroport de Beyrouth, disant vouloir empêcher l’Iran d’y faire atterrir des cargaisons d’armes destinées au Hezbollah. Les opérations israéliennes contre le Hezbollah au Liban se poursuivront « jusqu’à ce que tous nos objectifs soient atteints », a affirmé à l’ONU le premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou, douchant les espoirs d’une trêve proposée mercredi par la France et les États-Unis.

Depuis lundi, les bombardements israéliens ont fait plus de 700 morts, en majorité des civils selon le ministère libanais de la santé. En un an, le nombre de personnes tuées s’élève à plus de 1 500, un bilan plus lourd que celui des 33 jours de guerre entre Israël et le Hezbollah en 2006. Israël a également dit se préparer à une possible incursion terrestre, qui serait « aussi courte » que possible, selon un responsable israélien de la sécurité.

La rédaction de Mediapart et Agence France-Presse


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