Pour la première fois de l’histoire, la Russie a frappé l’Ukraine avec un missile balistique de moyenne portée (IRBM). Cette arme conçue pour accueillir des têtes nucléaires n(en portait pas cette fois-ci. Une nouvelle étape dans le cycle d’escalade ouvert en début de semaine.
La réponse ne s’est pas faite attendre. Alors que l’Ukraine a frappé, pour la première fois, le territoire russe avec des missiles à longue portée fournis par les États-Unis (ATACMS) et le Royaume-Uni (Storm Shadow), respectivement les lundi 18 et mercredi 20 novembre, le Kremlin a pris de court l’Ukraine et ses alliés.
Fait inédit dans une époque où la menace de l’armement nucléaire reste constante, le Kremlin a décidé de tirer, ce jeudi 21 novembre, un missile balistique de moyenne portée (IRBM) sur la ville Dnipro, située dans l’est de l’Ukraine. Baptisée « Orechnik », l’arme en question est – en principe – conçue exclusivement pour transporter une tête nucléaire. Cela représente donc une première utilisation pour un tel matériel militaire (qui peut toucher une cible jusqu’à 5 500 km), jusqu’ici cantonné aux essais et non au terrain de guerre.
Avec cette frappe, le président russe Vladimir Poutine envoie un signal aux pays occidentaux, qu’il n’exclut pas de frapper à l’avenir, estimant dans une brève allocution (moins de dix minutes), diffusée à la télévision russe ce jeudi 21 novembre, que le conflit en cours sur le territoire ukrainien relevait dorénavant d’une guerre « mondiale ». En réaction, Volodymyr Zelensky, le président de l’Ukraine, a qualifié la Russie de « voisin fou », qui utilise l’Ukraine et ses habitants comme « terrain d’essai ».
Face à un risque élevé de mésentente – et donc d’une escalade fiévreuse allant jusqu’au recours à l’arme nucléaire -, la Russie a signifié son intention aux États-Unis « trente minutes avant le lancement », a déclaré Dmitri Peskov, porte-parole du Kremlin. Ce qu’a confirmé la Maison-Blanche à travers la voix de Sabrina Singh, porte-parole du Pentagone, le quartier général de la Défense états-unienne : « Les États-Unis ont été brièvement prénotifiés avant le lancement via les canaux de réduction des risques nucléaires. »
L’Ukraine, elle, aurait été prévenu il y a déjà plusieurs jours de la possible frappe d’un missile balistique de moyenne portée par la Maison-Blanche, qui estime que la Russie ne possède qu’un nombre limité de telles armes. L’attaque n’en reste pas moins inédite, le Kremlin n’ayant jamais signifié posséder un tel matériel.
Avec un énième palier dépassé en seulement quelques jours, le conflit entre la Russie et l’Ukraine ne cesse de s’enfoncer dans un regain de violence. Volodymyr Zelensky a appelé, ce jeudi 21 novembre, le monde à « réagir », lui qui voit dans ce tir la « preuve que la Russie ne veut absolument pas la paix ». Les États-Unis ont quant à eux retourné la rhétorique employée par Vladimir Poutine contre lui, en déclarant que « c’est la Russie qui provoque l’escalade ».
En cause : la présence de plusieurs milliers de soldats nord-coréens sur le front ukrainien. Un envoi de troupes rendu possible par la ratification d’un « traité de défense » par les gouvernements de Pyongyang et de Moscou, le 11 novembre dernier. Même son de cloche du côté de l’Hexagone, qui considère que le Kremlin doit « reconsidérer » sa position sur l’implication « escalatoire » de la Corée du Nord dans le conflit, souligne Sébastien Lecornu, le ministre des Armées.
Le dirigeant autoritaire russe, qui – fait rare depuis le lancement du conflit – avait disparu de la vie publique pendant une dizaine de jours reste campé sur sa position : « En cas d’escalade des agressions, nous répondrons de manière tout aussi forte et de façon symétrique. » L’utilisation par la Russie de ce nouveau missile « ne changera ni le cours du conflit ni la détermination des alliés de l’Otan à soutenir l’Ukraine », a tempéré Farah Dakhlallah, une porte-parole de l’Alliance atlantique, dans la soirée de jeudi. Elle ajoute : « La Russie cherche à terroriser la population civile en Ukraine et à intimider ceux qui [la] soutiennent. »
L’Allemagne, longuement sollicitée par Volodymyr Zelensky pour fournir ses propres missiles de croisière, les Taurus, s’y refuse toujours. Chaque camp observe ainsi avec attention l’aide apportée à celui d’en face, au risque d’encore franchir un nouveau palier.
Tom Demars-Granja
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