Antarctique : la députée LFI Clémence Guetté en mission parlementaire pour la recherche française

mardi 26 novembre 2024.
 

La députée insoumise Clémence Guetté a sorti une vidéo vlog documentaire sur son périple d’un mois en Antarctique durant l’été austral avec Jimmy Pahun (député du Modem). Ils ont pu effectuer ce voyage dans le cadre de leur mission parlementaire en tant que directeurs du groupe d’étude « Arctique, Antarctique, Terres australes et antarctiques françaises et grands fonds océaniques » à l’Assemblée Nationale. Ils ont été invités par l’Institut polaire français Paul-Émile-Victor (IPEV) afin de voyager à bord de l’Astrolabe pour comprendre l’importance de la recherche française en Antarctique.

Depuis le traité sur l’Antarctique, signé en 1959 pendant la Guerre Froide, ce territoire est une terre pacifique dédiée à la science. Une petite partie, au Sud-Est du continent est française : la terre d’Adélie, nommée ainsi par l’explorateur français Jules Dumont-d’Urville en 1840 pour rendre hommage à son épouse. Notre article.

Un mois d’expédition scientifique à la station Dumont d’Urville

L’insoumise Clémence Guetté a écrit un article dans Le Monde Diplomatique. Elle y relate les conditions de voyage à bord de l’Astrolabe. Ce bateau d’exploration polaire français a la particularité d’être brise-glace, lui permettant de traverser les zones polaires de l’Antarctique durant l’été austral, lorsque les plaques de glaces sont plus fragilisées.

Ce navire a été construit dans « le cadre d’un partenariat entre la collectivité des Terres australes et antarctiques françaises (TAAF) ainsi que l’Institut polaire français Paul-Emile Victor (IPEV), et d’autre part le Ministère de la défense (Marine nationale (MN)) » d’après le site internet des TAAF. Il permet aux scientifiques d’accéder au Pôle Sud pour y mener des recherches financées par l’Etat.

Dans sa vidéo, la vice-présidente de l’Assemblée Nationale rappelle la particularité de l’Antarctique : un continent car il y a un socle rocheux sur lequel se forme une calotte glacière « qui fait 2 kilomètres en moyenne d’épaisseurs de glace ». Autres particularités, l’Antarctique est le plus grand désert de glace car il y a très peu de précipitations et durant l’été austral, il fait jour toute la journée.

La terre d’Adélie possède une faune très spécifique. Elle accueille des manchots Adélie, mais aussi des oiseaux tels que des skuas, des albatros ou encore des pétrels. L’océan Austral n’est pas en reste. Il regorge de krills, des petits crustacés très rares et très convoités par les pêcheurs, mais aussi de phoques, de calamars, de baleines et des orques.

Les députés accostent à Dumont-d’Urville (DDU), l’une des trois bases scientifiques françaises en Antarctique avec Cap Prud’homme et Concordia, une base scientifique franco-italienne. La station DDU se trouve sur l’île des Pétrels à 4km du continent. Le fait qu’il y ait trois bases françaises demande une organisation logistique imparable sur un territoire presque coupé du monde, aux déplacements limités et compliqués. Les seuls ravitaillements parviennent à DDU grâce à l’Astrolabe, seul bateau brise glace français.

En moyenne une vingtaine de personnes restent pendant 15 mois au Pôle Sud et doivent faire face au climat hostile durant l’hiver austral. Ils repensent tout leur mode de vie durant ces mois d’isolement : pas d’utilisation d’argent, pas de voiture ou transport en commun, peu de connexion au reste du monde à l’exception des quelques journaux qui arrivent avec les ressources de premières nécessités lors du ravitaillement.

L’importance de la recherche scientifique dans le Pôle Sud se heurte au manque de financement

Les stations de recherches françaises regorgent de scientifiques de toutes les disciplines : géomorphologues, ornithologues, géophysiciens, géologues, biologistes. Mais aussi des professionnels des sciences humaines depuis peu, dont des anthropologues. Pour le bon fonctionnement des recherches et de la vie sur la station, il y aussi des métiers propres à la technique ou à la logistique : cuisinier, maçon, illustrateur par exemple. Clémence Guetté explique que le ratio des équipes de recherches françaises est « un tiers de scientifiques pour deux tiers de logisticiens/techniciens ».

Cette mission parlementaire avait pour but de montrer empiriquement aux deux députés, présidents du groupe d’étude sur les Pôles, l’intérêt fondamental de la recherche française sur ce territoire. Cependant la limite majeure des chercheurs français est le manque de financement de l’Etat.

Dans son documentaire, la députée explique que les scientifiques déplorent que, faute de moyens nautiques, il n’y ait plus de recherche d’océanographie. D’autant plus que la station de recherche française s’y prête, mais nécessite des financements pour obtenir des bateaux permettant de se déplacer aisément dans l’océan Austral. Le dévouement du personnel dans les stations de recherches qui ne comptent pas leurs heures et le recours aux multiples bénévoles surqualifiés permet à la recherche d’être possible, malgré le manque de financement.

Dans son article, la Vice-Présidente de l’Assemblée Nationale pointe « la rigueur budgétaire [qui] impose un nivellement par le bas du droit du travail ». Elle met en avant un point de vigilance. En cas de financement publique insuffisant, seuls les scientifiques financés par le secteur privé pourront mener des recherches en terre d’Adélie. C’est-à-dire que l’Etat perdrait toute maîtrise et toute exclusivité sur les recherches effectuées là-bas.

L’Antarctique au cœur du changement climatique

L’Antarctique est un lieu clef du changement climatique. Bien que ce soit un continent inhabité, il est un des premiers touchés par ce phénomène. La députée du Val-de-Marne explique que la base de recherche de Dumont d’Urville est « un observatoire indispensable pour le changement climatique et ce qui va nous arriver ».

La présence des chercheurs français permet une collecte de données majeure et une vision nécessaire sur les impacts du changement climatique sur ce territoire ainsi que de ses répercussions partout dans le monde. L’Antarctique, désert glacial, joue un rôle fondamental dans la régulation de la température et du climat mondial. Cependant, les observations scientifiques révèlent que le changement climatique, sur ce continent aussi, est en cours et est surtout irréversible.

L’insoumise développe les explications des scientifiques dans son documentaire en commençant par différencier les impacts à l’Ouest et à l’Est du continent. A l’Ouest, le constat est la fonte rapide de la banquise et de la calotte glacière, cette couche de glace très épaisse sur la roche continentale. Cette fonte est due à l’augmentation des températures ainsi que celles de l’océan Austral. Entrainant une fonte rapide des glaciers à la fois par en-dessous et par au-dessus et provoquant le déversement de ces derniers.

La situation est d’autant plus critique que c’est la plus grosse réserve d’eau douce mondiale. Le déversement et la fonde des glaciers peut alors participer à une élévation du niveau des océans. Clémence Guetté partage une donnée glaçante : « si tout l’Antarctique fondait, ce serait plus 58 mètres de niveaux des océans ».

Bien que ce phénomène prendrait des milliers d’années et que rien ne prouve que toute la calotte glacière du continent fondrait, les scientifiques tirent la sonnette d’alarme pour alerter sur les effets et les enjeux liés au changement climatique, irréversibles dans certaines zones. D’ici 2100 à 2150, le niveau des mers et océans pourrait augmenter d’en moyenne 2 mètres si seulement certains glaciers fondent, soit beaucoup plus que toutes les prévisions du GIEC. Cette élévation impacterait directement nos territoires français, en commençant par les DROM-COM et la côte Ouest de l’Hexagone.

À l’Est de l’Antarctique, là où se trouve la terre d’Adélie, partie française du continent, le phénomène est plus contrasté. Il y a plus de neige et de précipitations ce qui permet de gagner en masse de glace. Ce phénomène a priori rassurant masque en réalité un dérèglement climatique inquiétant : ce continent désertique est par nature normalement très peu soumis aux précipitations et à la neige.

Autre danger écologique : le risque du tourisme en Antarctique. Son nombre est exponentiel avec plus de cent mille riches touristes l’année dernière. Dans le Monde Diplomatique, elle relate par exemple le triste phénomène de perturbations de la reproduction des manchots à cause du dérangement touristique.

Le continent étant peu accessible, toute la masse touristique se concentre sur la péninsule Ouest, renforçant à cet endroit son impact environnemental et sa perturbation des espèces locales. La seule régulation concernant le tourisme en Antarctique est un code de conduite datant de 2011 qui dispose que les voyageurs récupèrent leurs déchets et ne brûle pas de fioul lourd.

Face à ces constats, la députée entend se saisir de cette question du tourisme pour tendre à une vraie régulation voir à une interdiction. Autre domaine qui demande à être réguler, celui de la pêche. L’océan Austral regorge de krills. Durant les quarante dernières années, huit millions de tonnes de ces petits crustacés ont été pêchées. Et ce malgré les régulations de quota de pêche en vigueurs. Le problème de cette pêche de masse, c’est que les krills sont les premiers maillons essentiels à la chaîne alimentaire de la faune de l’océan Austral.

Clémence Guetté met en lumière le travail des scientifiques français dans en expliquant que « la recherche sur la déstabilisation induite par la pêche est permise grâce au positionnement de la station Dumont-d’Urville sur une manchotière ».

Ainsi, c’est grâce aux travaux des chercheurs de cette station qu’il est possible de constater que l’excès de pêche des krills impacte tout l’écosystème. Qui plus est, « le krill joue un rôle important dans le cycle du carbone, en entraînant le CO2 dans les profondeurs des océans […] or le réchauffement climatique entraînerait par ailleurs une diminution de la population de krill, avec des conséquences préoccupantes ».

Les recherches françaises dans les trois stations du pôle Sud permettent une prise d’informations indispensables sur le changement climatique. Ces travaux permettent d’anticiper les retombées qui impacteront directement le territoire français, d’où le besoin majeur de financement publique supplémentaire et de moyens humains.

Un travail parlementaire transpartisan à l’issue de ce périple

Le 26 octobre 2024, en commission des affaires culturelles et de l’éducation à l’Assemblée Nationale, l’insoumise Clémence Guetté a présenté une série d’amendements sur la recherche polaire, dont certains transpartisans, travaillés avec le groupe d’étude qu’elle co préside avec Jimmy Pahun.

Parmi les amendements propres à LFI, il y avait la demande de « construction (ou l’acquisition dans l’amendement suivant) d’un brise-glace pour améliorer le soutien logistique à l’IPEV en Antarctique » en plus de l’Astrolabe seulement mis à disposition des chercheurs 120 jours par an. Au sein des amendements transpartisans du groupe d’étude, il y avait une demande de renforcement du budget de l’IPEV en 2024 et une volonté de garantir la présence française en Arctique et en Antarctique à court terme.

Une proposition de loi a vu le jour, signée par 250 députés issus de 9 groupes politiques différents, afin de programmer des investissements pour une recherche polaire française pérenne avec plus de financements de l’Etat jusqu’en 2030 et plus de moyens humains. Cependant cette proposition de loi, ainsi que les amendements précédents, ont été rejetés en commission et n’ont pas été adoptés. Le 24 novembre 2023, le Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche avait tout de même annoncé renforcer un peu le budget de l’Etat alloué à la recherche française dans les zones polaires.

Emmanuel Macron a déclaré qu’il s’engageait, d’ici 2030, à verser 1 milliard d’euros pour la recherche polaire afin, entre autres, de reconstruire les stations de recherches Dumont d’Urville et Concordia et de construire un nouveau navire brise-glace. Reste à savoir si ces actions vont se concrétiser ou s’il s’agit une fois de plus d’une promesse en l’air de la part du chef de l’Etat.

Dans son article, l’insoumise nuance cependant l’impact environnemental de la présence française en terre d’Adélie. En effet, l’empreinte carbone de la station DDU pour ses recherches est non négligeable. La réflexion de Clémence Guetté soulève des questionnements concernant l’expédition et le mode de vie des chercheurs : « peut-on réduire la consommation de fioul pour se rendre sur place et habiter la base ? ». Une première mesure de réduction du nombre chercheurs a déjà été prise afin de diminuer quelques peu l’empreinte carbone.

La France n’est pas exempte de remise en question pour être plus éthique. La vice-présidente de l’Assemblée Nationale prend l’exemple du refus de la France « d’interdire le chalutage de fond dans les aires marines protégées » malgré les conséquences désastreuses de ce type de pêche. L’Etat doit aussi, selon elle, « s’engager au niveau multi latéral » afin de ne pas sombrer dans « l’appropriation » ou la « militarisation » du continent.

Elle conclut son article en insistant sur l’importance de la cogestion de ce territoire par les diverses nations, selon elle « pour protéger le continent, le droit international doit devenir la boussole de l’humanité ». L’idée est de veiller à ce que l’Antarctique ne soit jamais la cible de velléités coloniales afin qu’il demeure un continent pacifique propice aux avancées scientifiques.

Par Camille Oulès


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