3 février 1468 Mort de Gutenberg inventeur de l’imprimerie à caractères mobiles

mardi 6 février 2024.
 

Le progrès technique a joué un rôle déterminant dans le progrès humain. Ainsi, Gutenberg est l’auteur de l’invention la plus décisive du Moyen Âge par les immenses conséquences qu’elle a eu sur la vie intellectuelle et la diffusion des connaissances. La chose est dite, entendue. Et l’on ne se lasse pas de revenir sur l’ampleur et la profondeur de la révolution ainsi engendrée par l’imprimerie.

Gutenberg a-t-il inventé l’imprimerie ? On peut se poser la question dans la mesure où, dans plusieurs pays d’Europe, on revendique la paternité de cette invention. Il est vrai qu’à l’époque, au XVe siècle, nombreux étaient ceux qui cherchaient un moyen de fabrication mécanique qui permettrait de multiplier rapidement et à moindre coût le nombre d’exemplaires d’un même livre.

Il ne fait pourtant aucun doute que, en Europe, c’est Gutenberg qui est à l’origine de l’invention indispensable à la naissance de l’imprimerie : les caractères mobiles en plomb qui, indépendants les uns des autres, pouvaient être utilisés plusieurs fois et pour des pages différentes. Pendant des siècles, l’industrie de l’imprimerie, même si elle connaît des perfectionnements, ne sera pas très différente de ce qu’elle était au départ. C’est à partir du XXe siècle qu’une véritable révolution va s’opérer, bouleversant les techniques habituelles.

Les premiers livres

Les premiers livres étaient rares et donc précieux, car ils étaient copiés un par un, à la main (d’où leur nom de manuscrit), ce qui prenait du temps et coûtait fort cher. C’est pourquoi seuls les plus riches avaient les moyens d’en acquérir.

Mais à partir du XIIIe siècle, la demande en livres est de plus en plus importante. Ils sont très recherchés par les étudiants dont le nombre augmente dans toute l’Europe et par les populations des villes en plein essor économique, issues de la bourgeoisie marchande. Des ateliers de copie se créent mais ce système est lent et les livres restent encore trop chers pour la plupart des lecteurs.

Lorsqu’au XVe siècle un plus grand nombre encore de personnes sait lire, surtout dans les villes, le besoin de rendre la production des livres plus rapide et meilleur marché se fait sentir. C’est pourquoi des recherches pour découvrir un procédé d’« écriture mécanique », comme on dit alors, sont menées parallèlement dans plusieurs villes.

Le but essentiel de cette invention est bien clair pour les premiers utilisateurs de l’imprimerie puisqu’ils disent qu’ils « multiplient » les livres pour signifier qu’ils les impriment. Il s’agit bien pour eux de fournir des livres moins chers pour des lecteurs de plus en plus nombreux.

Les premières reproductions mécaniques de l’écriture

Des moyens mécaniques d’écriture existaient déjà mais seulement pour quelques signes, voire un ou deux mots. C’est le cas notamment des marques que les potiers ou les fabricants de briques, apposent sur leur production.

En Extrême-Orient

En Chine, on utilise depuis longtemps des plaques de bois taillées pour imprimer le même dessin de façon répétitive. Il est établi également que les Coréens, au XIVe siècle, inventent l’art d’écrire en assemblant des caractères mobiles en bronze, mais il ne semble pas que les Européens l’aient su. On peut donc considérer qu’ils « réinventent » l’imprimerie au XVe siècle.

La xylographie

Dès le XIVe siècle, on utilise des formes gravées dans le bois pour reporter mécaniquement un dessin sur les étoffes. De là a pu provenir l’idée de la xylographie, qui consiste à graver des formes en bois destinées à être transférées directement sur le papier. Cette technique permet, dès le début du XVe siècle, d’imprimer des images pieuses. On a ensuite l’idée de graver dans le bois un petit texte, de la même façon qu’on grave un dessin : quelques mots pour illustrer l’image, par exemple.

On ne peut cependant pas établir un lien véritable entre la xylographie et l’imprimerie dans la mesure où il ne s’agit pas de l’amélioration d’une même technique mais bien de l’invention d’une nouvelle technique.

L’efficacité de l’impression mécanique passe donc par l’invention d’un matériel réutilisable ; il faut trouver le moyen de fabriquer des lettres mobiles, afin qu’elles puissent resservir. Et si on utilise des lettres mobiles, il faut également trouver le moyen de les aligner avec précision.

Ce sera la découverte de Gutenberg.

La jeunesse de Gutenberg

La vie de Gutenberg est assez mal connue car peu de témoignages écrits nous sont parvenus.

De son vrai nom Johann Gensfleich zur Laden zum Gutenberg, il naît vers 1397 près de Mayence, une grande ville allemande commerçante et artisanale des bords du Rhin.

Il vient d’une famille de patriciens, c’est-à-dire riche : son nom montre bien qu’elle a possédé plusieurs propriétés. Le père de Gutenberg est maître des comptes, un poste important dans le conseil municipal de la ville. Gutenberg a un frère et deux sœurs, tous plus âgés que lui.

Comme les garçons issus du même milieu, on suppose que Gutenberg a fait des études générales, notamment en littérature et en théologie, et non pas techniques.

Dans les années 1428-1430, les troubles politiques que connaît la ville obligent de nombreux patriciens, dont Gutenberg et son frère, à s’exiler. Alors que celui-ci rentre dès qu’il le peut, Gutenberg reste absent de sa ville natale pendant près de vingt ans.

Il est très probable que Gutenberg passe toutes ces années d’exil à Strasbourg. Pour gagner sa vie, car il ne reçoit pas les rentes qui lui reviennent, il s’initie certainement au métier d’orfèvre et acquiert ainsi des connaissances techniques, ce que ne lui permettait pas sa position familiale dans son pays natal.

En 1436, il crée une première société, avec trois associés, qui avait pour objectif de polir des pierres précieuses ou semi-précieuses et de fabriquer des miroirs pour les pèlerinages religieux. Cette collaboration dure jusqu’en 1439.

Gutenberg et la révolution du livre

En 1434, les livres sont manuscrits et ne circulent pas. Les gens vivent dans la crainte de Dieu. 80 % d’entre eux sont analphabètes. En 1434, Johann Gutenberg a la trentaine. Il vit à Mayence et cela fait maintenant dix ans qu’il fabrique et poinçonne des pièces de monnaie. Il gagne peu d’argent, s’ennuie beaucoup et se lance dans la fabrique de reliques sacrées, un petit bout de métal frappé comme une pièce de monnaie qu’il vend une fortune aux milliers de pèlerins qui croient alors dur comme fer en ses vertus salvatrices. « Et si seulement il existait un moyen de produire des textes rapidement, en grande quantité, plutôt que des amulettes ? » Pour cela, il doit fabriquer des lettres à la place des amulettes, des milliers de lettres en plomb. Puis inventer une façon de les assembler pour former des lignes, des pages, et enfin des livres. Gutenberg était en train de concevoir l’imprimerie à caractères mobiles. Il lui faudra encore plusieurs années pour mettre en oeuvre son idée. Mais, pas à pas, obstinément, toujours à court d’argent, pressé par les créanciers, il parviendra à ouvrir la porte aux délices du savoir.

Gutenberg inventeur

Gutenberg s’occupe en même temps de trouver un procédé mécanique de reproduction des livres. Il semble qu’il dispose alors d’une presse et de caractères en bois, qui ne produisent pas d’assez bons résultats. Gutenberg dépense alors beaucoup d’argent à chercher un métal adéquat pour faire des caractères.

Les recherches se font dans le plus grand secret dans la mesure où les résultats sont très convoités. Il est cependant incontestable que c’est bien Gutenberg qui a découvert la typographie, c’est-à-dire l’art d’écrire avec des caractères mobiles. Cela constitue en effet l’innovation technique la plus importante parmi celles qui ont permis la naissance de l’imprimerie.

Au bout de quelques années, pour des raisons mal éclaircies, Gutenberg regagne Mayence. Il s’associe à un banquier du nom de Fust, qui apporte à leur association l’argent nécessaire à la confection d’outils et de caractères en métal, à l’achat de parchemin, de papier et d’encre. Tout cela doit permettre d’apporter les dernières améliorations à la découverte et d’imprimer les premiers livrets pour les vendre.

23 février 1455, Gutenberg publie le premier livre imprimé

Ce jour-là, se produisait un évènement qui a bouleversé l’accès au savoir de toute la planète : un certain Johannes Gutenberg finissait d’imprimer son premier livre. Et quel livre ! Une bible de plus de 300 feuillets, imprimée à l’aide de 290 caractères différents. A l’époque, l’argent nécessaire à l’impression des 180 premiers exemplaires de cette Bible a été réuni grâce à la souscription ; ce sont des institutions religieuses, des monastères, qui ont joué les "business angels" pour soutenir cette invention révolutionnaire.

Bonne intuition, puisqu’il a fallu à Gutenberg trois ans pour imprimer ses 180 Bibles, alors que dans le même délai, un moine copiste, à la main, n’en aurait recopié qu’une seule.

En 1455, Gutenberg, toujours associé à Fust et à l’un de ses ouvriers, Schœffer, publie à Mayence une Bible, qui est, d’après les historiens, le premier livre imprimé, connu sous le nom de Bible à 42 lignes.

L’impression de la bible prend du retard et, lorsque celle-ci est enfin terminée (1452-1454), elle ne s’écoule que difficilement ! Ainsi son bailleur de fonds, Johann Fust, le traduit en justice et obtient gain de cause, Gutenberg doit lui céder sa presse.

Fust s’installe à Paris avec la presse et l’apprenti de Gutenberg afin d’y vendre des ouvrages de moindre ampleur. Deux ans plus tard, séparé de Gutenberg mais toujours associé à Schœffer, Fust publie le premier livre dont la date d’impression est connue avec certitude : le Psautier de Mayence. Dès ce moment, leur atelier fabrique des livres en série.

Gutenberg vit dans la pauvreté, dont il ne sort qu’en 1465 par l’intermédiaire de Jean II de Nassau qui le fait gentilhomme et lui octroie une rente. Johannes Gutenberg s’éteint en 1468 dans sa ville natale de Mayence.

Les caractères d’imprimerie

La fonte des caractères

Pour fabriquer des caractères, il faut tailler (ou graver) en relief un poinçon selon la forme de chaque lettre, dans un métal très résistant. Pour éviter de tailler les caractères un par un, il convient de les fabriquer en série grâce à ces poinçons d’origine, auxquels ils seront donc identiques.

Pour cela, il faut poinçonner une masse de cuivre (appelée matrice), métal plus tendre que celui du poinçon, où la forme s’inscrit en creux et qui sera placée dans un moule. Dans ce moule, enfin, on coule le métal autant de fois qu’on souhaite obtenir d’exemplaires du même caractère. Quand le moule est usé, on en fabrique un nouveau.

La création des caractères est un travail à la fois technique et artistique : c’est celui des orfèvres qui fabriquent des bijoux et de la monnaie. En effet, leur expérience leur permet de trouver la meilleure technique de taille pour les poinçons et l’alliage de métaux le plus approprié à la fonte des caractères. C’est d’ailleurs dans ce corps de métier que se forment les premiers artisans du livre imprimé.

L’assemblage de la galée

Disposer de caractères mobiles ne suffit pas. Encore faut-il les assembler avec assez de rigueur et de solidité pour qu’ils ne bougent pas pendant l’impression, qu’ils restent alignés avec régularité et produisent donc une page imprimée bien nette. C’est pourquoi les caractères doivent avoir rigoureusement la même épaisseur et la même hauteur.

Pour écrire un texte, il faut aligner dans un composteur les caractères qui forment les mots, en intercalant des blancs entre les mots. Tous ces caractères sont ensuite serrés les uns contre les autres pour constituer une ligne puis les lignes sont serrées pour faire un plateau appelé galée. Enfin, le tout est serré solidement sur le marbre, la partie plate et immobile de la presse.

L’encre et le papier

L’imprimerie a pour but de produire de nombreux exemplaires très rapidement. Pour cela, il faut trouver un support plus facile à fabriquer en grandes quantités que le parchemin. Le papier répond à cette exigence et permet en outre une bien meilleure impression parce qu’il boit un peu l’encre. L’abondance du papier a été la condition déterminante du développement de l’imprimerie.

Le papier a été inventé en Chine puis apporté en Occident par les marchands et les voyageurs arabes. Dès le XIIe siècle, il existe des moulins à papier en Espagne et cette activité gagne progressivement l’Italie et le sud de la France.

Le papier devient un support courant parce qu’à l’époque de Gutenberg la culture du chanvre et du lin, qui en est la base, est très répandue. De plus, alors que les copistes utilisaient une encre à base d’eau qui, trop liquide, coulait sur les caractères en métal, on met au point une recette d’encre grasse qui ne s’étale pas pendant l’impression.

Enfin, la presse est l’outil qui a donné son nom à l’impression et à l’imprimerie. Son principe est le suivant : il faut poser la forme ou galée bien à plat sur le marbre puis l’enduire d’encre avec la balle. L’ouvrier place la feuille sur les caractères. Un mouvement donné à la presse fait descendre la platine contre la feuille et la serre contre la forme. L’encre donne l’empreinte des caractères sur la feuille, dont un côté se trouve donc imprimé. Il ne reste qu’à répéter l’opération pour imprimer l’autre côté. Les pages une fois imprimées recto verso, les feuilles sont livrées au relieur pour être pliées, cousues ensemble et finalement reliées.

La diffusion de l’imprimerie

Une fois toutes les techniques mises au point, il reste à améliorer leur rendement, en particulier la vitesse de la presse, ce qui est l’objet d’incessants efforts. Mais il faut remarquer que tous les procédés techniques sont mis au point en dix ans, entre 1440 et 1450. Dans les vingt années qui suivent, l’Europe se couvre de presses à imprimer. L’utilité du procédé est sans doute la raison essentielle de sa rapide diffusion en Europe, mais les guerres y ont contribué. En effet, en 1462, la prise et le pillage de Mayence conduisent les ouvriers typographes de la ville à se disperser pour aller exercer leur métier ailleurs : des ateliers sont fondés à Bologne en 1466, à Bâle en 1467, à Augsbourg puis à Nuremberg, à Rome puis à Venise en 1470. C’est cette destination qu’avait choisie le premier typographe français. Il s’agit de Nicolas Jenson, graveur de monnaie du roi Charles VII.

La France adopte rapidement l’imprimerie. Un professeur de l’Université de Paris, Guillaume Fichet, décide de faire venir trois ouvriers typographes des pays germaniques et leur installe un atelier dans la Sorbonne. Ils choisissent de fondre des caractères d’un type rond, élégant et très lisible. C’est dans un des tout premiers livres en latin de cet atelier que Fichet fait l’éloge de Gutenberg « car il a gravé des caractères à l’aide desquels tout ce qui se dit et se pense peut être écrit, transmis et conservé à la mémoire de la postérité. »

Les imprimeurs sont d’abord mal accueillis par les libraires qui vendent des manuscrits et qui craignent la ruine de leur commerce. Mais les imprimeurs obtiennent la protection du roi de l’époque, Louis XI, qui, une fois passées les grandes difficultés politiques et militaires du début de son règne, s’intéresse à l’invention. Presque en même temps qu’à Paris, l’imprimerie se développe à Lyon où est publié le premier livre en français.

Les incunables

Les tout premiers livres, qui sont publiés avant 1500 et qu’on appelle incunables, ressemblent beaucoup aux manuscrits. De loin, il est impossible de distinguer la Bible à 42 lignes imprimée et une Bible manuscrite copiée avec soin, à la même époque, dans le caractère appelé « gothique ».

Dans les deux cas, le texte est écrit en noir, sur deux colonnes, les enluminures sont soit peintes à la main, soit imprimées par xylographie puis coloriées à la main. Mais bientôt, les livres imprimés vont présenter de réels changements par rapport aux manuscrits médiévaux. Des innovations apparaissent ; certaines sont toujours en usage aujourd’hui.

Les filigranes

Les papetiers vont signaler la provenance du papier au moyen d’un filigrane. Sur la forme dans laquelle s’égoutte la pâte à papier, ils posent un fil de laiton, tordu de façon à faire un dessin : il en résulte, dans la feuille de papier une fois sèche, une trace visible par transparence.

La pagination

Une pratique beaucoup plus importante pour l’histoire du livre est la numérotation des pages. À l’origine, elle est utilisée surtout pour guider les relieurs, afin qu’ils n’intervertissent pas malencontreusement les pages. Mais elle a pour effet de donner aux lecteurs la possibilité de se reporter plus aisément au texte. On peut parler d’un livre sans avoir à recopier mot pour mot un extrait car on indique avec précision où il est situé dans l’ouvrage.

Page de titre et marque d’éditeur

Enfin et surtout, les imprimeurs ont inventé la page de titre. Cette page qui nous paraît si habituelle n’existait pas dans les manuscrits où le titre de l’ouvrage, s’il était noté, constituait la première ligne du texte proprement dit. Les imprimeurs vont l’inventer pour faire connaître le titre et donc le contenu du livre mais aussi pour donner des renseignements d’ordre commercial tels que le nom de l’éditeur, la ville, la date d’impression.

L’industrie du livre

Très vite les ateliers d’imprimerie, autrefois itinérants, se fixent dans des ateliers afin de pouvoir posséder plus de matériel, pour un travail plus varié et plus soigné. C’est une industrie qui, dès le début, a besoin de capitaux relativement importants. La quantité nécessaire de mobilier (casses, presses, etc.) et surtout de caractères représente une somme d’argent non négligeable. Le prix du papier s’y ajoute : beaucoup plus élevé qu’aujourd’hui, il représente environ les deux tiers du prix du livre. L’imprimeur doit faire l’avance de toutes les sommes nécessaires avant de pouvoir vendre lentement les livres qu’il fabrique. Comme beaucoup de marchandises de l’époque, les livres se vendent dans la boutique où est installée l’imprimerie. Ils sont également proposés sur les foires, grands rassemblements commerciaux qui se tiennent notamment à Francfort ou à Lyon.

L’imprimerie est la première industrie qui a mis au point des réseaux de distribution. Les imprimeurs ont pris l’habitude d’échanger une partie de leur production avec des correspondants. Cette organisation commerciale, qui suppose des voyages incessants, une comptabilité et une correspondance méticuleuses, permet d’écouler plus vite le stock et de varier les titres que chaque boutique propose à ses clients, tout en récupérant l’argent investi.

De grandes redécouvertes

Indéniablement, l’imprimerie augmente le nombre de livres et surtout le nombre de titres disponibles. De ce fait, elle contribue de façon décisive à répandre toutes sortes de connaissances.

Au XVe siècle, l’imprimerie permet de diffuser des textes anciens ou plus récents dans les domaines de la religion, de la littérature, de l’histoire et de la philosophie.

La chute de Constantinople, conquise par les Turcs en 1453, est contemporaine des débuts de l’imprimerie. Elle conduit beaucoup de savants grecs à se réfugier à Venise et en Italie avec leurs manuscrits, notamment ceux des œuvres de Platon.

La cour du Pape, les grandes cours d’Italie, les universités de toute l’Europe attirent ces érudits. L’atelier de l’imprimeur Alde Manuce, à Venise, devient un centre d’études grecques. Imprimeurs et érudits s’y retrouvent pour réaliser les éditions les plus correctes possible des œuvres antiques dont on ne connaissait souvent, jusque-là, que la traduction en latin.

En trente ans, ils ressuscitent dans leur langue d’origine, à l’usage de toute l’Europe cultivée qui est impatiente de les lire, les œuvres fondamentales de la littérature antique. Un siècle plus tard, c’est un grand imprimeur, Henri Estienne, qui compose le premier dictionnaire de grec.

Autre langue antique, l’hébreu est étudié pour des raisons religieuses. On souhaite par là accéder au texte original de la première partie de la Bible, l’Ancien Testament. Selon le même principe, la redécouverte des mathématiques antiques, dans les livres grecs, a pour effet de relancer l’intérêt pour les techniques.

La qualité du livre

L’imprimerie améliore également l’exactitude des textes. Copier à la main étant un travail long et fastidieux, il arrivait que les copistes fassent des fautes, inconvénient difficile à éviter comme à corriger. Les lecteurs de manuscrits avaient donc souvent à se plaindre des fautes présentes dans les textes, qui rendaient la lecture peu sûre.

Or, l’un des grands avantages de la typographie est qu’elle permet de reproduire des exemplaires absolument identiques. L’exigence de correction va contribuer à rétablir la pureté des textes antiques en les débarrassant des fautes que les copistes y avaient accumulées. Sans doute en raison de l’enthousiasme que procure une telle maîtrise, les premières éditions imprimées sont souvent remarquablement exactes.

La précision de la langue

Le goût pour la précision que l’imprimerie fait naître conduit à une harmonisation de l’orthographe et de la grammaire des langues. Les meilleures façons d’écrire ou d’orthographier se répandent et se fixent. En outre, la traduction des livres antiques dans les langues modernes contribue à multiplier et à préciser le vocabulaire.

La qualité des illustrations

La gravure sur cuivre (gravure sur métal en creux), aussi appelée gravure en taille-douce, remplace la xylographie. Elle est d’abord utilisée pour illustrer les textes. Pour cela, notamment dans les pays flamands et germaniques, les éditeurs font appel à de grands peintres, comme Rembrandt. Grâce à la précision avec laquelle elle reproduit le tracé, la gravure rend possible également la publication d’atlas, de cartes du monde ou du ciel. D’ailleurs, partout où les Européens se rendent, ils l’installent, si bien qu’à la fin du XVIe siècle la gravure sur cuivre existe en Inde, au Japon, en Arabie, en Amérique du Sud.

Les livres et le pouvoir

L’imprimerie permet de servir et d’entretenir le goût des gens du XVe siècle pour la connaissance. Elle donne toute leur ampleur à deux grands courants de pensée qui vont se développer au XVIe siècle : l’Humanisme et la Réforme.

L’Humanisme

L’Humanisme correspond à la volonté de développer en l’homme toutes ses capacités, principalement en faisant progresser ses connaissances. Les Humanistes publient tout d’abord des éditions des œuvres antiques ou du Moyen Âge, puis des œuvres et des commentaires contemporains. En un siècle, ils renouvellent le domaine des connaissances intellectuelles.

Grâce à l’imprimerie, l’homme dispose maintenant de livres qu’il peut lire seul, et non plus seulement dans un cours collectif ou pendant un service religieux. Auparavant, la lecture était faite à voix haute et commentée, voire censurée, par le professeur ou le prêtre. Il prend donc l’habitude de se forger une opinion personnelle.

La Réforme

L’imprimerie sert également le vaste mouvement de contestation religieuse qu’on appelle la Réforme parce qu’il est animé de la volonté de réformer l’Église. Ce courant se répand au XVIe siècle et conduit à l’établissement du protestantisme.

Le premier acte public de la Réforme est l’affichage, à Wittenberg, en Allemagne, des thèses de Luther. Celui-ci dénonce la vente des indulgences, ces sortes de pardons que l’Église accorde contre de l’argent. Bientôt excommunié et banni, Luther commence alors à traduire la Bible en allemand et organise le culte protestant. Il critique la hiérarchie du clergé et affirme que la seule autorité en matière de religion est la Bible. En effet, il considère que la foi authentique passe par la pratique de la religion dans une langue que l’on comprend. En invitant les fidèles à lire la Bible, Luther encourage l’étude personnelle et la confiance de chacun en ses propres capacités intellectuelles.

L’imprimerie et la contestation

Grâce à l’imprimerie, un nouveau mode de communication des connaissances apparaît : le journalisme. C’est Théophraste Renaudot qui imagine de publier périodiquement un recueil des nouvelles de la cour. Il les destine aux gens qui, n’étant pas à la cour, ne peuvent les apprendre que par ouï-dire. Il invente ainsi en 1631 la Gazette de France. De très nombreux titres vont être créés par la suite.

En dépit du développement progressif du journalisme, les mouvements intellectuels, aux XVIIe et XVIIIe siècleq, passent encore surtout par le livre. La célèbre Encyclopédie de Diderot et de d’Alembert en donne sans doute la meilleure preuve. Ces deux grands savants et hommes de lettres décident de rassembler tout le savoir de leur époque dans un énorme dictionnaire.

Mais comme ils défendent en même temps le droit de chaque homme à la connaissance et la liberté de pensée, leur entreprise est plusieurs fois entravée et même suspendue par le pouvoir politique. Elle est finalement menée à bien en vingt ans, puis réimprimée et imitée dans toute l’Europe. Elle symbolise, aujourd’hui encore, la résistance que le savoir peut opposer à l’obscurantisme religieux ou politique.

L’imprimerie moderne

Très longtemps, les livres ont été composés manuellement, lettre par lettre. Mais ce travail, par lui-même fastidieux, ne permettait pas de composer de longs journaux dans les délais impartis : une nuit. C’est de leur fabrication que sont venues plusieurs innovations considérables.

La première concerne l’impression : c’est l’invention de la rotative en 1867. Au lieu d’employer une presse plate, qu’il faut manœuvrer pour l’impression de chaque feuille, on a l’idée de mouler l’original sur une sorte de carton souple, qui pouvait s’enrouler sur un cylindre. Contrairement au mouvement alternatif de la presse plate, ce cylindre tourne sans s’arrêter. En l’alimentant avec du papier en bobines et non plus en feuilles, l’impression se fait en continu. Dès que fut supprimé le timbre, que pendant longtemps les éditeurs de journaux devaient légalement apposer sur chaque exemplaire, la rotative fut adoptée en France comme elle l’avait été en Angleterre un peu plus tôt.

À la fin du XIXe siècle, de nouvelles machines accélèrent la composition : la linotype, qui fond chaque ligne d’un seul bloc, puis la monotype, qui fond et assemble les caractères mobiles un par un. Dans les deux cas, le long travail de rangement des caractères après usage est supprimé puisque la machine fond le métal qui sera coulé une nouvelle fois. Aujourd’hui, il n’est plus besoin d’aligner des lignes de plomb pour former les pages. Les dernières améliorations viennent de l’ordinateur, qui réalise automatiquement la mise en page, c’est-à-dire la répartition des blancs et la disposition du texte sur la page.

Le 3 février 1468 meurt à Mayence un certain Johannes Gensfleisch, plus connu sous le nom de Gutenberg. Il est né à Mayence entre 1397 et 1400.

Gutenberg a autant révolutionné l’humanité que son contemporain Christophe Colomb. L’un et l’autre demeurent plus présents dans la mémoire des hommes que n’importe lequel des souverains et dirigeants de leur époque...

On lui doit l’invention de l’alliage dont sont fait ses caractères mobiles plomb+étain+antimoine. Cet alliage permet de fondre et de couler de nouveaux caractères à l’infinie grâce à des moules. Elle a révolutionné la manière de fabriquer des livres et, en abaissant considérablement leur prix, mis la lecture à la portée de tous.

Gutenberg lègue l’imprimerie à l’humanité

http://www.publicroire.com/blog/un-...

L’imprimerie est dérivée de la gravure sur cuivre ou sur bois, une technique connue depuis longtemps en Europe et en Chine mais seulement utilisée pour reproduire des images : – on grave l’image sur une surface en cuivre ou en bois, – on enduit d’encre la partie en relief, – on presse là-dessus une feuille de papier de façon à fixer l’image sur celle-ci.

Gutenberg, graveur sur bois, a l’idée aussi simple que géniale d’appliquer le procédé ci-dessus à des caractères mobiles en plomb. Chacun représente une lettre de l’alphabet en relief.

L’assemblage ligne à ligne de différents caractères permet de composer une page d’écriture. On peut ensuite imprimer à l’identique autant d’exemplaires que l’on veut de la page, avec un faible coût marginal (seule coûte la composition initiale).

Quand on a imprimé une première page en un assez grand nombre d’exemplaires, on démonte le support et l’on compose une nouvelle page avec les caractères mobiles. Ainsi obtient-on un livre à de nombreux exemplaires en à peine plus de temps qu’il n’en aurait fallu pour un unique manuscrit !

Avec son associé Johann Fust, Gutenberg fonde à Mayence un atelier de typographie. Au prix d’un énorme labeur, il achève en 1455 la Bible « à quarante-deux lignes », dite Bible de Gutenberg. Ce premier livre imprimé à quelques dizaines d’exemplaires recueille un succès immédiat. Il est suivi de beaucoup d’autres ouvrages.

On estime que quinze à vingt millions de livres sont déjà imprimés avant 1500 (au total plus de 30 000 éditions). 77% de ces livres sont en latin et près de la moitié ont un caractère religieux. Les livres de cette époque portent le nom d’« incunables » (du latin incunabulum, qui signifie berceau).

Beaucoup d’incunables sont imprimés à Venise, alors en pleine gloire. Au siècle suivant, le XVIe, Paris, Lyon et Anvers deviennent à leur tour de hauts lieux de l’imprimerie avec un total de 200 000 éditions.

Les conséquences de l’imprimerie sont immenses. D’abord sur la manière de lire et d’écrire : les imprimeurs aèrent les textes en recourant à la séparation des mots et à la ponctuation ; ils fixent aussi l’orthographe.

L’instruction et plus encore l’esprit critique se répandent à grande vitesse dans la mesure où de plus en plus de gens peuvent avoir un accès direct aux textes bibliques et antiques, sans être obligés de s’en tenir aux commentaires oraux d’une poignée d’érudits et de clercs.

C’est ainsi qu’un demi-siècle après l’invention de l’imprimerie va se produire la Réforme de Martin Luther.


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