Qui est François Perrodo, PDG du groupe pétrolier Perenco ?

samedi 1er février 2025.
 

Ces profiteurs de crise, ces assistés d’en haut dont la fortune a doublé depuis 2017 sous la présidence de Macron, ils ont des noms, ils ont des adresses. L’insoumission travaille à les démasquer. 21ᵉ épisode de notre série sur les assistés d’en haut : François Perrodo. Portrait. Pétrole low coast, opacité fiscale, dans les petits papiers de Macron…

François Perrodo préside le groupe pétrolier Perenco, héritage de son père. La famille Perrodo détient 100 % de la compagnie franco-britannique qui exploite 3 000 gisements de pétrole et de gaz, dans 14 pays. La fortune familiale professionnelle s’élève à 9,5 milliards, n°15 du classement Challenges 2024 des fortunes françaises (estimation des actifs professionnels hors biens personnels : immobiliers, voitures, œuvres d’art…). Sans surprise, ils font partie des 500 personnes les plus riches de France ont doublé leurs fortunes

Outre le pétrole, la famille a été actionnaire principale du média en ligne Konbini de 2018 à 2021, auquel Macron a donné quatre interviews dont une entre les deux tours de la présidentielle. Peu connues, la compagnie et la famille sont associées à des scandales fiscaux, environnementaux et humains. En 2023, deux enquêtes révèlent leurs agissements délétères. Les « Perenco files » publiés par Disclose et Investigate Europe (IE) et l’enquête « Perenco System », par Mediapart, EIF (Environmental Investigative Forum), Info Amazonia, Convoca et InfoCongo.

Ces profiteurs de crise, ces assistés d’en haut dont la fortune a doublé depuis 2017 sous la présidence de Macron, ils ont des noms, ils ont des adresses. L’insoumission travaille à les démasquer. 21ᵉ épisode de notre série sur les assistés d’en haut : François Perrodo. Portrait.

Pétrole low coast

La « success story » démarre en Afrique, où le père, Hubert Perrodo, rencontre Albin Chalandon, directeur de la compagnie Elf au Gabon, qui l’invite à reprendre des puits en fin d’exploitation, peu rentables pour les grandes compagnies. Perenco rachète et opère à bas coût ces infrastructures pétrolières anciennes. La famille exploite ce filon pour s’enrichir, en proposant du pétrole moins cher.

Dans les petits papiers de Macron

Emmanuel Macron a accordé quatre interviews à Konbini lorsque la chaîne était détenue par le groupe, dont une entre les deux tours de la présidentielle. Et la famille Perrodo, a longtemps employé à sa direction Jean-Michel Runacher, le père d’Agnès Pannier-Runacher, militante d’En marche, puis ministre de la Transition énergétique sous Macron. M. Runacher reste administrateur de BNF Capital, le fonds de la famille.

Experts en opacité fiscale

Le groupe se compose de multiples sociétés installées dans des paradis fiscaux. Disclose et ses partenaires mettent au jour qu’aux Bahamas, la multinationale dispose en 2016 d’une soixantaine de holdings, ayant elles-mêmes des filiales dans le monde. Au Luxembourg, 89 sociétés sont liées à la famille, avec pour objet principal l’immobilier, notamment en Espagne et au Portugal.

La mécanique est bien rodée : l’argent du pétrole extrait dans les pays du Sud est investi en Europe, et les profits générés dans les paradis fiscaux. Pour cela, les dividendes des investissements sont versés à des holdings immatriculées au Luxembourg, aux Bahamas, à Guernesey, aux Îles Vierges, aux Bermudes. Deuxième solution, les mêmes holdings effectuent des prêts à leurs filiales, avec un taux d’intérêt supérieur à ceux pratiqués sur le marché.

Au Guatemala, outre les nombreuses pollutions très durables créées depuis 1999, le groupe a fait perdre de l’argent à l’État. Reporterre rapporte que l’activité pétrolière a généré 2,615 milliards de dollars ; l’État a perçu 713 millions de dollars de redevances, mais a rendu à l’entreprise 896 millions de dollars en raison du dispositif de « coûts récupérables ». Le nouveau gouvernement de centre-gauche a décidé de ne pas renouveler le contrat d’exploitation pétrolière du groupe.

Pour lutter contre les paradis fiscaux, La France Insoumise propose entre autres au niveau européen d’instaurer un impôt universel sur les entreprises (basant leur taxation sur l’activité effectivement réalisée dans les pays européens) et sur les revenus des particuliers dans les paradis fiscaux.

Néo-colonialisme et non-respect des droits humains

En 2023, Challenges indiquait que le groupe faisait l’objet d’enquêtes préliminaires par le Parquet national financier français quant à ses activités en République du Congo. L’une d’elle, en lien avec la justice norvégienne, concerne l’attribution d’une concession de champs offshore dans le sud du pays, en 2017. D’après Disclose et Investigate Europe, elle pourrait impliquer pour corruption la famille de Denis Sassou-Nguesso, dirigeant autocrate qui a passé 36 ans au pouvoir. Les revenus pétroliers du Congo représentent un tiers du PIB du Congo.

Une autre procédure vise Perenco en République Démocratique du Congo, l’un des cinq pays les plus pauvres du monde, en proie à un conflit armé depuis 2004, avec des millions de déplacés et de morts. Perenco y est le seul producteur de pétrole. Pour ses gisements offshore, le groupe officie au travers de sociétés immatriculées à Guernesey. Mediapart et Investigate Europe révèlent des soupçons de corruption via des proches de Joseph Kabila lorsqu’il était président.

Selon Reporterre, au cours des vingt dernières années, la société a été accusée de graves atteintes aux droits humains : menaces, enlèvements de syndicalistes et de militants écologistes, exécutions sommaires via des groupes paramilitaires…

Pollutions multiples

De multiples enquêtes locales et internationales, menées par des activistes, des journalistes, des associations environnementales montrent les conséquences délétères des pratiques extractives de Perenco : enfouissements sauvages de boues toxiques, fuites d’hydrocarbures, torchage illégal de gaz, passage de conduites impropres dans des rivières, pollution de l’air… Les causes : équipements vétustes, manque d’entretien, absence de mesures de protection de l’environnement et des personnes…

L’entreprise détient des licences sur 74 sites protégés et des autorisations de rechercher et d’exploiter dans des aires naturelles protégées.

Au Gabon, 50 000 m³ de pétrole se sont échappés de cuves. En 2024, un incendie sur une plateforme a fait 5 morts. À Muanda, en République démocratique du Congo, l’entreprise brûle du gaz à proximité des habitations, des cultures et des fontaines d’eau potable. Au Pérou, le groupe a attaqué le gouvernement en justice pour bloquer la création d’une réserve naturelle sur sa zone d’exploitation et nie la présence de peuples indigènes. En Colombie, le groupe a été condamné pour des dommages à la population, à la faune et à la flore.

L’opacité de l’organisation en holdings et filiales permet à Perenco d’éviter les poursuites pour pollution, en repoussant les responsabilités d’une structure à l’autre. Au regard du droit français et international, les entreprises sont responsables en termes de droits humains et environnementaux. C’est pourquoi en 2022, les ONG Sherpa et Les Amis de la Terre ont assigné une filiale de Perenco devant le tribunal judiciaire de Paris pour obtenir réparation de préjudices écologiques survenus à l’étranger.

Mais le groupe n’a pas l’intention de s’arrêter : les trois quarts de son budget d’investissement de 2 milliards de dollars seront en Afrique en 2025, au Gabon, au Congo suite à l’acquisition d’actifs pétroliers auprès du groupe italien Eni en 2023.

Rappelons que le programme de l’avenir en commun propose d’arrêter les subventions aux énergies fossiles y compris à l’étranger, de supprimer les niches fiscales polluantes incitant à la consommation d’énergie fossile, de mettre en place des schémas énergétiques aux niveaux national, régional et local.

Faire fortune en exploitant les ressources des pays les plus pauvres, en usant de corruption, en échappant aux droits et impôts nationaux et internationaux, c’est la recette du capitalisme extractiviste dont François Perrodo est un spécialiste.

Par Sandrine Cheikh


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