![]() |
Décrets autoritaires, ambitions impérialistes affichées, Ukraine et Proche-Orient : le président des États-Unis fait trembler le monde, mais pourra-t-il passer aux actes ?
Si Donald Trump tente de prendre de vitesse son opposition et les contre-pouvoirs de la démocratie, le temps ne joue pas en sa faveur.
Le « nouvel âge d’or » proclamé par Trump a commencé plutôt sur un mode d’entrée en guerre. Des commentateurs ont décrit les premiers jours de sa seconde administration en termes martiaux : le président a déclenché un « blitz » d’actions visant à produire un effet de « choc et d’effroi », en prenant l’« offensive » contre les immigrés, les transgenres, les politiques de diversité.
En quelques heures suivant sa prestation de serment, il a signé une « rafale » de décrets proclamant un nouveau retrait de l’accord de Paris, la priorité à l’extraction des hydrocarbures, le retrait de l’Organisation mondiale de la santé ; le gel de toute aide étrangère ; la fin du droit du sol ; le renvoi des procureurs ayant mis Trump en accusation ; l’amnistie pour l’ensemble des condamnés pour faits de violence le 6 janvier 2021 à Washington, cadres des groupes paramilitaires d’extrême droite inclus. Le 28 janvier il a commis un acte de piraterie ouverte en déclarant un gel de l’ensemble des subventions votées au Congrès puis versées par l’État fédéral à des centaines de programmes sociaux, bourses, projets de recherche médicale, etc. Ce qui n’a pas manqué de plonger dans la confusion des milliers de bénéficiaires des programmes attaqués.
Trump 2.0 donne le ton autoritaire en redoublant de mesures fortes contre les flux migratoires du Sud et contre les immigrés eux-mêmes : expulsion rapide de milliers d’immigrés irréguliers ; envoi de troupes militaires à la frontière ; imposition comme en 2019 du programme qui oblige le Mexique à garder de son côté de la frontière tous les demandeurs d’asile que les États-Unis sont censés accueillir.
Si le « populisme » de Trump prête à discussion, ce qui est incontestable c’est son penchant autoritaire d’extrême droite. Il est clairement en train de tester les limites de son autorité présidentielle. La majorité ultraconservatrice de la Cour suprême le considère comme immunisé contre toute poursuite pour des actes commis dans le cadre de ses fonctions. Il arrive en 2025 accompagné d’une équipe idéologiquement motivée et dotée d’une stratégie de réorientation profonde de l’État fédéral. Cette administration, flanquée de ses oligarques associés, va tester les limites dans tous les domaines. Mais elle n’est pas sûre d’imposer sa volonté partout. Le gel généralisé des fonds alloués par le Congrès était d’une illégalité flagrante et a déjà échoué. Quant à l’abolition du droit du sol pour les enfants d’immigrés en situation irrégulière, il faudrait pour réaliser ce vœu de l’extrême droite un amendement à la Constitution qui n’a aucune chance de passer.
Cependant, les acteurs d’une large gamme de mouvements sociaux savent qu’ils travaillent désormais dans un contexte plus dangereux qu’avant. L’opposition démocrate sait qu’elle doit se réinventer pour devenir une alternative populaire sérieuse. Sa frange gauche entend la pousser dans cette direction. Tout le monde comprend que la menace est exceptionnelle.
Alors qu’il embarque les États-Unis dans un nouveau périple de quatre ans, Donald Trump est à la barre, mais face à des écueils. Trump se trouve au zénith de son capital politique. Il a obtenu une victoire électorale sans appel. Contrairement à 2016, il a gagné non seulement le collège électoral, mais aussi le vote populaire. Il a réuni plus de 77 millions d’électeurs, deuxième vote populaire le plus élevé de l’histoire du pays. Avec 14 millions de voix de plus qu’en 2016, il a diversifié son électorat, démographiquement et géographiquement.
Son parti a repris le sénat et conservé la Chambre. Outre l’exécutif et le législatif, Trump a une Cour suprême où la plupart des juges ont été nommés par lui et d’autres présidents républicains. Il dispose aussi d’une coalition inédite avec des personnalités et de riches donateurs venus du Parti démocrate. En particulier Elon Musk et deux ex-candidats à la présidence, Robert Kennedy Jr et Tulsi Gabbard. En état de sidération, le Parti démocrate se déchire sur les causes et les responsables de sa défaite. Du reste, des élus d’opposition sont prêts à « travailler avec » Trump sur certains dossiers, dont Bernie Sanders, qui se situe à gauche du Parti démocrate.
Cependant, les écueils abondent sur la route du « succès » annoncé par Trump. Sa majorité au Congrès est très courte. Son parti est divisé. Au sénat, des républicains centristes pourraient bloquer certaines de ses nominations, après celle de Matt Gaetz à la Justice. Par ailleurs, Trump s’est choisi un équipier déjà très encombrant en l’homme le plus riche du monde. Quand Musk soutient l’AfD ou s’exprime sur tout autre sujet que la baisse des dépenses fédérales, dossier dont il est chargé, parle-t-il pour le président ? Peut-il éviter les conflits d’intérêts avec son gigantesque empire privé, qui est un sous-traitant de l’État ? L’alliance avec Musk comporte aussi des risques pour Trump au sein même de sa coalition. Comme le montre la colère de nombreux républicains devant le revirement de Trump en faveur de l’expansion d’un visa réservé aux travailleurs étrangers prisés par Musk et le secteur high-tech.
Au-delà, Trump pourra-t-il contenter et les milliardaires qui l’appuient et les électeurs à revenu modeste qui ont voté pour lui à plus de 50 % ? De leur côté, les démocrates utilisent déjà les tribunaux pour freiner les décisions de Trump. Mais, pour le président, les plus gros écueils sont ses propres excès et la fuite du temps. Parmi ces « excès » figurent des promesses sensationnelles qui seront difficiles à tenir, du « nouvel âge d’or » aux millions d’expulsions d’immigrés illégaux. De plus, Trump se met déjà à sonder les limites de son pouvoir, notamment en interprétant le droit du sol inscrit dans la Constitution.
Et puis, Trump a moins de deux ans pour réaliser son programme. Des législatives auront lieu en novembre 2026. Députés et sénateurs auront vite leur propre avenir en tête, pas celui de Trump, qui, lui, ne pourra pas se représenter en 2028.
Date | Nom | Message |