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Entretien avec le journaliste Olivier Lascar, auteur de Enquête sur Elon Musk, l’homme qui défie la science (1)..
La scène est surréaliste. Le 11 février, dans le Bureau ovale, Elon Musk tente de présenter les travaux de sa commission « DOGE » sur la réduction des dépenses publiques. Sur ses épaules, son fils X Æ A-12, dit « X », 4 ans et demi, s’amuse avec les oreilles de son père avant d’aller gambader près d’un Donald Trump mutique. Trois jours plus tard, nouveau coup de théâtre : l’influenceuse conservatrice Ashley St. Clair, 26 ans, annonce avoir eu un enfant avec le milliardaire. Si l’information se confirme, il s’agirait du treizième enfant du patron de X, Tesla et SpaceX. Une paternité prolifique qui interroge, tant Elon Musk cultive un rapport complexe à la famille. Entre vision élitiste de la reproduction, relation distante avec certains de ses enfants et surexposition médiatique pour d’autres, le milliardaire le plus controversé de la Silicon Valley intrigue toujours davantage.
Madame Figaro .- Comment décririez-vous la vision d’Elon Musk sur la paternité ?
Olivier Lascal.- Elon Musk a une vision maximaliste de la paternité, dans le sens où son message est qu’il faut faire beaucoup d’enfants. C’est un message qu’il agrémente toujours du même commentaire : « Regardez, je donne l’exemple. » Cette vision s’inscrit dans sa conception de la démocratie : il redoute un effondrement démographique dans les pays occidentaux, qui serait compensé par l’arrivée de populations étrangères. Musk développe depuis longtemps ce discours, d’ailleurs assez similaire à celui du « grand remplacement », sans qu’il ait jamais utilisé l’expression.
Chez Musk, ce discours est surtout lié à des considérations très élitistes…
Oui parce qu’il souhaite que ce ne soit qu’une certaine partie de la population qui se reproduise : les élites, c’est-à-dire lui. D’autres géants de la tech, comme Pavel Durov, le patron de Telegram, tiennent le même discours. Ils ont cette sorte de croyance : parce qu’ils sont des businessmen qui ont réussi, ils devraient forcément se reproduire. Comme si le QI était héritable. C’est ce que pense Musk, pour qui on hérite de l’intelligence. Or ce n’est mécaniquement pas le cas. Sa vision de parents intelligents qui font des enfants intelligents pour faire un monde intelligent n’est pas réaliste.
Que sait-on de l’investissement d’Elon Musk dans l’éducation de ses enfants. Il semble plutôt limité, notamment avec ses enfants plus âgés, non ?
Il ne semble pas être quelqu’un de proche de ses enfants. Ceci étant dit, pour l’écriture de mon livre, j’avais discuté avec différentes personnes qui l’ont côtoyé. L’un des participants à une université d’été créée par Musk à la fin des années 2010 autour du projet Hyperloop m’avait raconté l’avoir vu venir avec ses enfants, alors petits. Il cherchait à les faire participer autant que possible. Comme on l’a vu récemment, il n’hésite pas non plus à emmener ses enfants au bureau. On a encore tous en tête cette scène de son fils X assis sur ses épaules dans le bureau ovale à côté de Donald Trump. Reste que Musk est un homme très occupé et peut de toute évidence compter sur une armée de nourrices.
Elon Musk semble en effet particulièrement proche de son fils X Æ A-12. Du haut de ses 4 ans et demi, ce dernier est déjà très médiatisé et apparaît très souvent aux côtés de son père. On a vu X à des réunions de travail, dans le paddock d’Austin lors du Grand Prix de Formule 1 des États-Unis, à des visites officielles (y compris à Auschwitz).... Pourquoi une telle mise en avant ?
Ce qui me frappe, c’est que parmi ses enfants, deux sont fortement médiatisés : X et Vivian, qui a fait sa transition de genre. Cette dernière serait d’ailleurs à l’origine de la croisade anti-woke de son père. Quand Musk évoque cette enfant, il dit qu’elle est atteinte du syndrome « woke » et martèle même que son « fils » est « mort ». Concernant son jeune fils X, il l’utilise à des fins promotionnelles. Le “X” est d’ailleurs omniprésent chez Musk, et ce depuis toujours. En 1999, quand il fonde une banque en ligne, il la nomme X.com. Aujourd’hui, le “X” est partout : on le retrouve dans SpaceX, son réseau social X (ex-Twitter), sa dernière entreprise xAI (qui veut concurrencer OpenAI, la maison mère de ChatGPT, NDLR). Et puis, vous remarquerez que quand Elon Musk intervient sur scène, très souvent il saute et écarte les jambes et les bras... Pour simuler la forme du X.
Alors que la vie privée d’Elon Musk reste plutôt mystérieuse, on s’interroge sur l’exposition médiatique de X. Est-ce paradoxal de sa part ?
Ce n’est pas étonnant parce que Musk étale régulièrement sa vie privée. Il n’y a qu’à voir ce qu’il publie sur X : absolument tout et n’importe quoi. Il déverse ses états d’âme dans l’agora publique. La question de la pudeur chez Elon Musk est inexistante.
Article de Ségolène Forgar
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