La droite en politique, histoires de trahisons et de guerres des chefs

dimanche 16 mars 2025.
 

La droite en politique, histoires de trahisons et de guerres des chefs Comme vous l’avez surement vu passer, Bruno Retailleau a récemment déclaré vouloir briguer la très convoitée présidence des Républicains. Laurent Wauquiez, second prétendant pour le poste ne compte pas se laisser faire et en coulisses, une nouvelle guerre des chefs se prépare. ce serait un problème ? Revenons donc un peu en arrière.

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Comme vous le savez sûrement, il y a peu, le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau a déposé sa candidature pour la direction du parti « Les Républicains ». Le scrutin est prévu à la mi-mai et tombe d’ailleurs entre le très attendu congrès des socialistes, qui se tiendra en juin, et celui des écologistes, en avril.

Le conquérant de la place Beauvau

Tant de brouhaha pour une petite élection, c’est le cas de le dire. Tous les médias ont relayé la nouvelle avec entrain, et l’annonce de Bruno Retailleau n’a évidemment pas fait plaisir à tout le monde. Surtout à Laurent Wauquiez, évidemment. Le patron des députés LR et président de la région Rhône-Alpes était pressenti à la présidence, et une sorte de deal avait apparemment été trouvé : « Toi, tu gères la France au gouvernement, et moi, je gère le parti », se seraient dit les deux candidats. Mais la donne a changé : Bruno Retailleau a été propulsé place Beauvau en septembre, et il n’a pas subi les mouvances du changement de gouvernement. Or, on sait à quel point le ministère de l’Intérieur est faiseur de rois : Bruno Retailleau y est comme un poisson dans l’eau, sa cote de popularité atteint son paroxysme et, entre deux déplacements, il songe évidemment à la présidence de la République, peut-être même lorsqu’il se rase le matin.

Mais avant de devenir chef de l’État, il faut bien quelques victoires ; or, la présidence des Républicains est l’occasion parfaite. Ainsi, même si son annonce laisse le camp divisé, puisque les ténors redoutent une guerre des chefs, le premier flic de France ne compte en rien laisser cette opportunité politique de côté. Pour Laurent Wauquiez, on s’en doute, c’est casus belli : lui aussi envisage la présidence de la République, et il compte y arriver bon gré mal gré. Puis ce n’est pas si grave, après tout. Une petite guerre, ce n’est pas la fin de l’Histoire. Eh bien, un peu, car on sait à quel point elles peuvent être violentes, les guerres de la droite. Les guerres des chefs, comme on les appelle si bien. Et si nous vous racontions un peu les petites histoires dans la grande ? Faisons donc une petite rétrospective de ces fameuses guerres.

"A titre personnel"

La première, c’est bien sûr 1981. En effet, lors de cette élection présidentielle très attendue, le président Valéry Giscard d’Estaing, candidat à sa réélection, va faire face à la fronde chiraquienne. Au lieu de s’unir, la droite se divise alors en deux candidats autrefois alliés, lorsque l’un était président et l’autre Premier ministre. C’est pourtant grâce à Chirac que Giscard avait été élu en 1974, et c’est d’ailleurs pour cela qu’il l’avait choisi comme chef de gouvernement. Mais au fil du septennat, la vision des deux hommes diverge, et on le sait, en politique, la ligne qui sépare les alliés des ennemis est plus que fine.

D’ailleurs, la pire trahison arrive au second tour. Car oui, bien que Chirac soit déjà assez populaire à l’époque, il ne fait pas le poids et n’atteint que la troisième position avec 18 % des suffrages, bien loin derrière Mitterrand et Giscard. C’est alors, comme l’expliquera François Mitterrand dans ses mémoires, qu’un pacte électoral secret se lie entre Jacques Chirac et le patron des socialistes. Son résultat : une petite phrase, mais pas des moindres, lâchée par Jacques Chirac aux journalistes : « À titre personnel, je voterai Giscard », dit-il. Oui, seulement à titre personnel : il n’appelle pas clairement sa base militante à voter Giscard au second tour.

Et c’est ainsi que, le 10 mai 1981, les Français élisent alors le premier président socialiste de la Ve République. Giscard est noir de colère : il ne lui pardonnera jamais.

Une histoire de parjure et de couteau dans le dos

La seconde trahison, et sûrement la pire, c’est bien sûr 1995. Lors de cette année, François Mitterrand enterre son second septennat, et l’élection présidentielle se prépare peu à peu. La France sort aussi d’une cohabitation de deux ans : la droite est au gouvernement sous les ordres d’Édouard Balladur, Premier ministre, et Jacques Chirac, de nouveau protagoniste, est à l’époque le président du RPR. Deux ans plus tôt, en 1993, lors de la victoire aux législatives, un pacte aurait été passé entre les deux hommes : Édouard Balladur devait s’occuper de diriger la France pendant que Jacques Chirac tenait les rênes du parti et faisait campagne pour 1995.

Mais, à l’inverse de Chirac lors de la première cohabitation avec Mitterrand, Édouard Balladur traverse l’épreuve sans trop de tourments. Le président est diminué par la maladie qui le ronge jour après jour, et la cote de popularité du Premier ministre monte en flèche. À tel point que tous ses plus proches collaborateurs se mettent à le pousser à se présenter pour la prochaine échéance présidentielle, quitte à rompre le fameux pacte. Jacques Chirac, lui, ne voit rien, ou préfère ne rien voir. Et puis Balladur est un ami de trente ans, un compagnon de route qui ne peut pas le trahir, surtout maintenant.

Mais surprise : cela finit par arriver. Le 18 janvier 1995, la parjure est commise, la déclaration est faite : Balladur est candidat. L’arroseur Chirac devient l’arrosé. Et le pire, c’est que Balladur est rejoint par une grande majorité des personnalités de droite, notamment en raison de son immense popularité. Parmi eux, un fidèle des fidèles et grand protégé de Jacques Chirac : un certain Nicolas Sarkozy. La trahison est double, et les intentions de vote pour le président du RPR sont basses, bien trop basses. Il va falloir innover et faire de la démagogie, comme l’explique d’ailleurs Chirac à ses derniers alliés, à l’instar de Jean-Louis Debré.

Pour Chirac, la vengeance est un plat qui se mange chaud

C’est ainsi que, lors d’une réunion entre intellectuels, dans une petite librairie parisienne, Jacques Chirac se voit souffler l’idée de faire campagne sur un thème qui restera son mantra jusqu’à son élection : la fracture sociale. Bingo : l’opinion accroche enfin, les Français se sentent concernés, et après une campagne cyclothymique, Chirac accède de justesse au second tour face à Lionel Jospin, dont on salue d’ailleurs la performance après quatorze ans d’un socialisme qui s’est épuisé à la tête de l’État.

En homme raisonnable, Balladur appelle tout de même à voter Chirac, mais le goût de la défaite est amer. Avec 52,6 % des voix, le trahi finit par être élu, mais il ne nomme aucun balladurien dans son gouvernement. C’est bien ici le marqueur de la profonde cicatrice qu’a laissée la trahison de son fidèle ami. Jacques Chirac est très rancunier et le restera longtemps, à tel point qu’en 2012, n’ayant sûrement pas digéré la passation de pouvoir de 2007, il affirmera devant les journalistes qu’il compte voter pour François Hollande. Après tout, c’est de bonne guerre.

Mais revenons en aux faits : en faisant l’historique de la droite, on comprend maintenant beaucoup plus facilement pourquoi les Gérard Larcher, Valérie Pécresse et consorts ont une peur bleue de la guerre des chefs. À droite, elle prend souvent la forme d’un suicide collectif.

Seaulnem


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