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5) Zelenski n’a pas lâché et y a gagné un petit changement de ton de Washington
Un petit sourire en coin, l’air satisfait, presque serein. Sur la photo de Volodymyr Zelensky prise pendant son appel à Donald Trump, le président Ukrainien semble satisfait de ce que lui dit son interlocuteur. Il faut dire qu’après une heure de discussions ce mercredi 19 mars, le républicain a salué un coup de fil « fantastique » et son homologue un échange « positif, très substantiel et franc ». Un bilan bien plus encourageant que celui de leur dernier entretien à la Maison Blanche qui avait été catastrophique.
Le ton de Trump envers Volodymyr Zelensky a en effet radicalement changé par rapport à l’hostilité ouverte avec laquelle il l’avait accueilli fin février à Washington. Ce mercredi, il a assuré que les difficiles discussions en vue d’un cessez-le-feu en Ukraine étaient « sur la bonne voie ». Leurs échanges se sont construits autour des exigences formulées par Vladimir Poutine mardi lors de son appel téléphonique avec le républicain.
Dans un long message sur X, le président ukrainien a voulu souligner « l’importance de la conception du président Trump : la paix par la force ». « Nous avons convenu de maintenir un contact constant, y compris au plus haut niveau et par l’intermédiaire de nos équipes », a-t-il écrit.
Auprès de son homologue américain, il a pu également formuler ses souhaits et a reçu plusieurs propositions du locataire du Bureau Ovale.
• Aide américaine pour les systèmes de défense antiaérienne
Ainsi, Volodymyr Zelensky a sollicité l’aide de Washington pour la défense. Ceci alors que la première condition de Poutine pour un éventuel cessez-le-feu était justement l’arrêt de l’aide occidentale à l’Ukraine. Ce qui n’a pas empêché Trump de donner une réponse favorable.
« Le président Zelensky a demandé des systèmes de défense antiaérienne (...) et le président Trump a accepté de travailler avec lui pour voir ce qui était disponible, notamment en Europe », a dit Karoline Leavitt. Elle a évoqué en particulier des systèmes Patriot, et a ajouté que « le partage de renseignements militaires pour la défense de l’Ukraine » allait « continuer ».
Les États-Unis avaient temporairement suspendu l’aide militaire et le partage d’informations, le temps que Kiev accepte une proposition américaine de cessez-le-feu total de trente jours, à laquelle Donald Trump n’a toutefois pas pu rallier Vladimir Poutine.
• Les centrales ukrainiennes aux mains de Washington ?
Alors que les deux partis réfléchissent à la possibilité de stopper les attaques sur les infrastructures civiles et énergétiques, Donald Trump a suggéré que les États-Unis prennent désormais « possession » des centrales nucléaires et électriques ukrainiennes, ce qui « constituerait la meilleure protection et le meilleur soutien possible ».
Dans une conférence de presse quelques heures après leur appel, Volodymyr Zelensky a affirmé avoir évoqué avec Donald Trump un potentiel contrôle américain d’une seule centrale nucléaire ukrainienne, celle de Zaporijjia actuellement occupée par les Russes, et non de plusieurs comme indiqué plus tôt par Washington.
Le président ukrainien s’est aussi dit être prêt à suspendre les attaques sur les infrastructures civiles et énergétiques en Russie, après l’engagement similaire pris par le président russe mardi.
« L’une des premières étapes vers la fin de la guerre pourrait être de cesser les frappes sur les infrastructures énergétiques et autres infrastructures civiles. J’ai soutenu cette mesure et l’Ukraine a confirmé que nous sommes prêts à la mettre en œuvre », a dit Volodymyr Zelensky sur X.
• Trump veut aider les enfants déportés vers la Russie
Dans le même temps, Trump a également promis d’agir pour le rapatriement des enfants ukrainiens « enlevés » depuis le début de l’invasion russe en février 2022.
Ce qui contraste avec les informations du Washington Post publiées, ce mardi 18 mars, qui révèlent que les États-Unis ont mis fin à un programme qu’ils finançaient et qui établissait une base de données détaillant la déportation massive d’enfants ukrainiens vers la Russie.
Tractations en Arabie saoudite dans les prochains jours
De nombreuses questions de fond restent en suspens après ces deux conversations téléphoniques menées par Donald Trump.
Parmi elles : l’avenir de l’aide occidentale à l’Ukraine ou un éventuel « partage » territorial évoqué récemment par le président américain, de quoi inquiéter Kiev.
Les tractations doivent se poursuivre en Arabie saoudite dans les prochains jours, entre Américains et Russes d’une part, et Américains et Ukrainiens d’autre part. L’objectif est d’arriver d’abord à une trêve étendue à la mer Noire, puis à un cessez-le-feu total, et enfin à des négociations de paix.
Article de Claire Tervé Le Huffington Post
4) 18 mars Coup de fil Trump-Poutine sur l’Ukraine : Moscou a dicté ses conditions, Kiev n’a pas confiance
Un cessez-le-feu de trente jours autour des attaques sur les infrastructures énergétiques : ce mardi 18 mars, Donald Trump s’est entretenu avec Vladimir Poutine, un coup de fil de plus de deux heures qui est la première discussion entre les deux hommes depuis que l’Ukraine a accepté l’idée d’un cessez-le-feu. Le président américain s’est félicité des avancées vers une paix où Moscou a pourtant dicté ses conditions.
https://www.rfi.fr/fr/monde/2025031...
Ce fut une conversation « productive », a rapidement écrit Donald Trump sur son réseau social Truth, « nous allons travailler rapidement pour avoir un cessez-le-feu total » et mettre « une fin à cette guerre horrible » a-t-il écrit, rapporte notre correspondant aux États-Unis, Edward Maille. Mais, hormis les centrales et infrastructures énergétiques le coup de fil n’a pas débouché sur un cessez-le-feu total pourtant voulu par Washington.
Moscou semble donc imposer ses conditions au détriment des souhaits américains, car il y a une semaine, les États-Unis avaient d’abord négocié avec l’Ukraine pour son accord sur cette mesure que Kiev a finalement acceptée. Mais, ce mardi, Vladimir Poutine a réclamé d’autres concessions, comme l’arrêt du recrutement de militaires et du réarmement en Ukraine, autant de mesures inacceptables pour Kiev.
Le président russe s’est aussi interrogé sur la manière de contrôler le respect d’un éventuel cessez-le-feu, mais ni Moscou ni Washington n’ont précisé s’il avait été question des territoires ukrainiens occupés par la Russie, actuellement environ 20% du pays, ce qui est pourtant une des questions principales d’un éventuel accord de paix.
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky, à distance, s’est dit favorable sur le principe à cette trêve. Mais il demande des détails : « Pas de confiance envers Poutine, qui cherche à affaiblir l’Ukraine » a tenté de mettre en garde le chef d’Etat ukrainien qui a, par ailleurs, estimé que la Russie aspirait à « s’emparer de davantage de territoires » en Ukraine, malgré cet accord.
Les hostilités se sont poursuivies dans la nuit suivant le coup de fil. En Ukraine, Volodymyr Zelensky a fait état de nouvelles frappes russes « contre des infrastructures civiles », notamment à Kiev et Soumy, dans le nord du pays, où un hôpital a été ciblé par une « frappe directe » de drone selon lui. Les autorités russes ont, pour leur part, fait état tôt, mercredi 19 mars, d’un incendie dans un dépôt pétrolier de la région de Krasnodar, à l’est de la frontière avec l’Ukraine, à la suite d’une attaque de drones ukrainiens. M. Zelensky n’a, de son côté, mentionné aucune attaque directe contre des infrastructures énergétiques ukrainiennes, écrit l’AFP. Du coup, après ces dernières attaques, l’Allemagne a dénoncé le « jeu » de Poutine en Ukraine.
Pour aller plus loin, la Maison Blanche demande désormais des négociations « techniques » pour un cessez le feu maritime en mer Noire. Le Kremlin lui, exige l’arrêt des livraisons d’armes occidentales à l’Ukraine. Mais un tel accord serait-il respecté par les Européens ? C’est toute la question pour l’analyste géopolitique spécialiste de la Russie Ulrich Bounat : « Je pense que Donald Trump est tout à fait prêt à offrir cette concession au Kremlin. Il l’a déjà fait, notamment pour permettre aux Russes la reprise de l’oblast de Koursk. Donc effectivement, la vraie question, c’est de se dire est-ce que les Européens suivraient cette démarche ou au contraire décideraient de finalement continuer leurs livraisons d’armement ? »
« C’est une vraie question. Le risque, ce serait que les Russes prennent prétexte - finalement - d’une continuation de la fourniture d’armes par les Européens pour relancer le conflit en rejetant la responsabilité de façon un petit peu, on va dire pernicieuse sur ceux-ci », conclut Ulrich Bounat.
Emmanuel Macron, comme Olaf Scholz ont tous les deux salué avec prudence l’annonce d’un cessez-le-feu de trente jours sur l’énergie et les infrastructures, signale notre correspondant à Berlin, Pascal Thibaut. Mais pour le chancelier allemand comme pour le président français, il ne peut s’agir que d’une première étape qui en exige d’autres ainsi que des contrôles efficaces. Pour Emmanuel Macron, « les dernières discussions vont dans le bon sens, mais l’objectif doit rester le même : avoir un cessez-le-feu mesurable et vérifiable, pleinement respecté, lancer des discussions de paix détaillées et complètes qui permettront d’avoir une paix solide et durable et les garanties qui vont avec. »
Pour Emmanuel Macron comme pour Olaf Scholz, aucune solution ne peut être trouvée sans le consentement de l’Ukraine. Les deux responsables ont réitéré leur engagement à soutenir Kiev alors que Moscou réclame un arrêt des livraisons d’armes occidentales. Olaf Scholz a également insisté sur l’importance de l’aide américaine : « Le soutien des États-Unis reste indispensable. C’est pourquoi il est important que Washington poursuive son soutien militaire en faveur de l’Ukraine. »
Les négociations sur un cessez-le-feu en Ukraine « vont commencer dimanche 23 mars à Jeddah », en Arabie saoudite, a affirmé, mardi, l’émissaire américain Steve Witkoff. Celui-ci a précisé que la délégation américaine en Arabie saoudite serait conduite par le secrétaire d’État, Marco Rubio, et le conseiller à la Sécurité nationale, Mike Waltz, mais pas qui seraient leurs interlocuteurs.
3) Vladimir Poutine soutient « globalement » la trêve avec l’Ukraine, mais…
Le président russe Vladimir Poutine a profité ce jeudi 13 mars d’une conférence de presse conjointe avec le président biélorusse Alexandre Loukachenko pour apporter une première réponse à la proposition de cessez-le-feu de 30 jours proposée les États-Unis après de récents échanges avec l’Ukraine.
Après l’accord de l’Ukraine, les négociations États-Unis-Russie sur un cessez-le-feu imminentes
Sur le principe, le chef d’État russe a assuré que son pays était « pour », « mais il y a des nuances », a-t-il tenu à faire valoir. La Russie est « d’accord avec la proposition d’arrêter les combats, mais nous partons du principe qu’un arrêt des combats doit conduire à une paix durable et doit également supprimer les choses qui ont été initialement à l’origine de notre conflit ».
Concernant ces fameuses « nuances », Vladimir Poutine a soulevé plusieurs questions : « Si nous entrons dans une trêve pendant 30 jours, est-ce que cela signifie que tous les militaires présents pourront quitter les lieux sans combat ? Est-ce que nous devons les laisser partir malgré tous les crimes qu’ils ont commis ? Comment cela va-t-il se passer ? ». Il faut régler des « questions sérieuses » concernant le fonctionnement de cette trêve, a encore ajouté le chef du Kremlin.
Article de Maxime Birken, Le Huffington Post
1 L’Ukraine et les États-Unis d’accord sur un cessez-le-feu de trente jours
À l’issue d’une journée de discussions, les États-Unis et l’Ukraine se sont mis d’accord, mardi 11 mars, sur la reprise de l’aide militaire états-unienne à Kyiv et sur le principe d’un cessez-le-feu « de 30 jours ». Les regards sont désormais tournés vers Vladimir Poutine.
https://www.mediapart.fr/journal/in...
Les attentes étaient prudentes. Alors que les discussions devaient reprendre, ce mardi 11 mars, entre l’Ukraine et les États-Unis dix jours après une rencontre catastrophique entre Volodymyr Zelensky et Donald Trump au bureau Ovale, personne n’osait en attendre des avancées décisives.
Qu’une telle rencontre ait lieu à Jeddah (Arabie saoudite) était déjà un motif de soulagement pour les Ukrainiens, qui avaient vu successivement le président des États-Unis afficher ses sympathies pour Vladimir Poutine, accéder à certaines de ses demandes avant même que les négociations n’aient formellement commencé, tenter d’humilier publiquement et mondialement Volodymyr Zelensky, avant de suspendre son aide militaire à Kyiv, une décision vécue comme une « trahison » par les Ukrainiens ainsi privés de moyens cruciaux pour se défendre.
« Cela fait quatre heures qu’ils se parlent, personne n’a quitté la réunion brusquement et il n’y a pas encore eu de scandale : je vois déjà cela comme un bon signe », commentait en fin d’après-midi Oleksandr Kraiev, directeur du programme Amérique du Nord au centre de réflexion Ukrainian Prism – soulagement qui reflétait, en miroir, l’inquiétude qui avait gagné les Ukrainien·nes à l’idée d’une rupture totale avec Washington.
Les annonces faites à la fin de cette journée de discussions n’en ont été que plus spectaculaires. Dans un communiqué conjoint publié en début de soirée, les représentants de Kyiv et de Washington ont annoncé s’être mis d’accord sur le principe d’un cessez-le-feu « immédiat » et d’une reprise de l’aide militaire américaine.
« L’Ukraine s’est déclarée prête à accepter la proposition américaine d’instaurer un cessez-le-feu immédiat et provisoire de 30 jours, qui peut être prolongé par accord mutuel des parties et qui est soumis à l’acceptation et à la mise en œuvre simultanée par la Fédération de Russie », peut-on lire dans cette déclaration. Les Ukrainiens se sont donc rangés à la proposition états-unienne d’un cessez-le-feu total – ils proposaient pour leur part un cessez-le-feu dans les airs et en mer, estimant qu’il s’agissait là d’un objectif plus réalisable.
Surtout, le communiqué renvoie explicitement la responsabilité de ce qui pourrait maintenant advenir à la Fédération de Russie. « Les États-Unis feront savoir à la Russie que la réciprocité russe est la clé de la paix », peut-on y lire. Un point crucial, alors que de nombreux connaisseurs de la Russie estiment que Vladimir Poutine n’est pas prêt à la paix, malgré ses déclarations rassurantes.
Deuxième décision d’importance : celle des États-Unis de reprendre leur aide militaire (incluant leur partage de renseignements) à l’Ukraine. Les équipements fournis par les États-Unis représenteraient 30 % des armes, munitions et équipements utilisés par l’armée ukrainienne, selon Kyiv. La décision de Donald Trump de suspendre cette aide aurait déjà eu pour conséquence une accélération des avancées russes dans la région de Koursk.
Avant que les délégations ne se rencontrent à Jeddah, mardi 11 mars au matin, la prudence était pourtant de mise. « Nous n’avons pas envie de revenir sur qui avait raison ou tort [lors de l’altercation à la Maison-Blanche – ndlr]. Il y a peut-être eu une mauvaise appréciation, côté ukrainien, de ce que serait l’attitude du président Trump. Mais maintenant, nous voulons surtout aller de l’avant, et cette rencontre est un pas en avant », estimait auprès de Mediapart le diplomate ukrainien Volodymyr Khandohiy, qui fut ambassadeur à Londres et à Bruxelles, et ministre des affaires étrangères par intérim en 2009.
Pour rendre possible cette nouvelle réunion, le président ukrainien a dû prendre sur lui et envoyer d’innombrables signaux de bonne volonté, voire de déférence à Donald Trump. Il a ainsi re-remercié les États-Unis pour leur soutien militaire (ce qu’il avait déjà fait au moins 94 fois depuis le début du conflit, selon les décomptes ukrainiens), et a dit vouloir « arranger les choses » avec Donald Trump après l’altercation au bureau Ovale du 28 février.
« Chers Américains, chers Ukrainiens, ne gâchez pas cette chance. Le monde entier vous regarde à Jeddah aujourd’hui. Bonne chance ! », a tweeté le premier ministre polonais mardi matin, manière de poser les enjeux et de rappeler la pression qui pesait sur les épaules des négociateurs.
Quelques heures après le début de ces échanges, Kyiv envoyait un premier signal rassurant en signifiant, par la voix du chef de cabinet présidentiel ukrainien Andriy Yermak, que la réunion avait débuté de manière « constructive ».
Les deux délégations qui ont finalement abouti à ces décisions importantes étaient composées du conseiller à la sécurité nationale Mike Waltz et du secrétaire d’État Marco Rubio côté états-unien, et du chef de cabinet du président Zelensky Andriy Yermak, du ministre des affaires étrangères Andrii Sybiha et du ministre de la défense Rustem Umerov côté ukrainien. Ils se sont retrouvés sous les lustres d’une salle de réunion de l’hôtel Ritz-Carlton de Jeddah, sous les yeux des facilitateurs saoudiens.
Le président Zelensky lui-même n’a pas participé à la réunion, pas plus que Donald Trump, mais il se trouvait à Jeddah – une manière d’être en retrait mais mobilisable si sa délégation devait le consulter. Une manière, également, de montrer que ces rencontres sont prises avec le plus grand sérieux par l’Ukraine.
Le fait que l’envoyé spécial de Donald Trump sur le Moyen-Orient, Steve Witkoff, ne fasse pas partie de la délégation états-unienne a été interprété comme un signe encourageant par Kyiv. Cet investisseur immobilier propulsé envoyé spécial de Donald Trump sur les sujets sensibles est réputé entretenir de bonnes relations avec Vladimir Poutine, qu’il aurait rencontré durant trois heures et demie au mois de février, et qu’il pourrait de nouveau aller voir à Moscou cette semaine.
Le secrétaire d’État Marco Rubio, qui était lui présent, est à l’inverse plutôt vu comme celui, parmi les proches de Donald Trump, qui comprend le mieux les positions ukrainiennes. « Aux yeux des Ukrainien·nes, Marco Rubio est le plus digne de confiance dans cette équipe. C’est en quelque sorte le moins trumpiste de tous les trumpistes… », estime Oleksandr Kraiev, d’Ukrainian Prism.
Détail parlant sur la volonté ukrainienne d’apaiser leurs interlocuteurs : le très influent bras droit de Volodymyr Zelensky, Andriy Yermak, avait choisi de revêtir un costume. Comme le président ukrainien, il avait pourtant pris l’habitude depuis l’invasion russe de 2022 de s’habiller en tenue noire ou kaki afin de signifier que son pays était en guerre – y compris lors de visites officielles. Mais le fait que Volodymyr Zelensky se présente à la Maison-Blanche dans ce type de tenue avait été considéré par Donald Trump comme un manque de respect caractérisé. Dont acte, pour Kyiv.
« L’objectif de prouver aux États-Unis que l’Ukraine est prête pour la paix a été atteint. La proposition d’instaurer un cessez-le-feu de 30 jours en est la confirmation », a réagi Sofiia Oliinyk, analyste spécialisée dans les relations États-Unis-Ukraine à l’Institut d’études américaines, un centre de réflexion basé à Kyiv. Avant le début de la rencontre de Jeddah, elle posait ainsi l’enjeu pour les Ukrainiens : « Ce que nous devons faire maintenant, c’est convaincre les États-Unis que nous voulons un cessez-le-feu. Nous devons montrer notre volonté, notre envie de paix. C’est vraiment l’essentiel. Marco Rubio a d’ailleurs déclaré qu’il jugerait l’Ukraine sur cet aspect. »
Cela semble donc acté. Mais il est en revanche encore « trop tôt pour parler de véritables garanties de sécurité » obtenues par l’Ukraine à la suite de cette réunion, poursuit la chercheuse. Les deux délégations renvoient en effet à d’autres rencontres les discussions plus poussées sur la manière d’obtenir une « paix durable ».
La question des garanties de sécurité, autrement dit des moyens fournis à l’Ukraine pour lui garantir que la Russie ne s’attaquera plus à elle dans le futur, reste le principal défi des discussions sur la fin de la guerre en Ukraine. Le président Zelensky a récemment refusé de signer un accord portant sur l’exploitation par les États-Unis de ses minerais rares au motif qu’il ne comportait pas, en retour, d’engagements suffisants de Washington sur la future sécurité de l’Ukraine.
Plusieurs États européens travaillent de leur côté à proposer des « garanties de sécurité » européennes à l’Ukraine. L’une des pistes privilégiées serait, à moyen terme, le déploiement de troupes européennes pour garantir un éventuel cessez-le-feu. Mais Moscou a toujours, jusqu’à présent, refusé cette idée. La diplomatie russe a également balayé la proposition d’une trêve dans les airs et en mer formulée par les Ukrainiens. Elle pourra plus difficilement évacuer une proposition concrète venue des États-Unis.
« Nous savons que la Russie violera le cessez-le-feu. Pour nous, la question n’est pas si elle le fera, mais quand elle le fera », relève Oleksandr Kraiev. « En 2014, la propagande russe assurait qu’il existait un nouveau type d’arme ukrainienne qui tirait depuis l’Ukraine vers la Russie, puis revenait frapper le territoire ukrainien… », afin de faire porter la responsabilité des violations du cessez-le-feu sur Kyiv, rappelle le chercheur. « Il va falloir non seulement conclure un cessez-le-feu, mais trouver le moyen de le faire respecter », ajoute-t-il.
Justine Brabant
2) Guerre en Ukraine : Moscou cherche à gagner du temps après la proposition américaine de cessez-le-feu acceptée par Kiev
"Nous étudions les déclarations publiées après les discussions de Jeddah. Nous attendons que les responsables américains nous informent directement", a déclaré mercredi 12 mars Dmitri Peskov, le porte-parole de la présidence russe. "Un appel téléphonique au plus haut niveau" entre Donald Trump et Vladimir Poutine est possible dans un "délai assez court", a-t-il ajouté sans pouvoir l’affirmer ni s’engager sur une date. Donald Trump a assuré mardi qu’il "allait parler" à son homologue russe sans doute cette semaine.
Moscou ne veut pas entendre parler d’une trêve militaire Au lendemain des pourparlers de Jeddah, aucun journal russe ne se risque à esquisser une hypothèse. L’ambiance est plutôt très agressive à l’égard de Kiev, après le raid massif de plus de 300 drones qui a visé la Russie le matin. "Le régime de Kiev s’enfonce dans le terrorisme", écrivait mardi le ministère russe des Affaires étrangères. Et un député russe très célèbre réclamait que l’on lance sur l’Ukraine "un ou plusieurs Orechnik", ces nouveaux missiles balistiques russes, fierté du Kremlin, pourvu de têtes multiples. En un mot : à Moscou, l’heure n’est visiblement pas à la logique d’apaisement.
Reste la question centrale : les Russes peuvent-ils accepter, à court ou moyen terme, une telle trêve ? Difficile de l’assurer, tant sonder les motivations et les volontés profondes du Kremlin reste compliqué. Pour l’instant, c’est plutôt non : la semaine dernière encore, la porte-parole de la diplomatie russe répétait que Moscou ne voulait pas d’une trêve temporaire. C’est une ligne constante depuis que l’hypothèse a été mise sur la table. Le 20 janvier, lors d’un Conseil de sécurité au Kremlin, Vladimir Poutine avait défini la position russe : "Nous voulons la résolution des causes profondes du conflit, pas une brève trêve".
En clair, Moscou ne veut rien concéder avant d’avoir obtenu l’assurance que l’Ukraine n’entrera pas dans l’OTAN, la démilitarisation du pays et, si possible, un changement de régime à Kiev. Et que l’Otan renie sa vieille promesse de 2008 d’intégrer l’Ukraine dans l’Alliance. Moscou veut tout, tout de suite et semble campé sur cette position maximaliste.
Critiques sur les réseaux sociaux
Et puis, l’autre raison pour laquelle le Kremlin ne veut pas entendre parler d’une trêve est militaire : les troupes russes avancent dans le Donbass, même si c’est au prix de lourdes pertes. Elles ont même effectué quelques percées ces dernières semaines dans d’autres régions. Ces derniers jours, elles sont ainsi entrées dans les faubourgs de Soudja, la localité la plus importante de la région de Koursk, tenue, jusqu’à présent, par les Ukrainiens. De quoi laisser dire à certains que la présence de l’armée ukrainienne sur le sol russe ne tient plus qu’à un fil. Or, Moscou entend conserver cet avantage. Une trêve permettrait à Kiev de reconstituer ses forces, assurait récemment la diplomatie russe.
D’ailleurs, sur les réseaux sociaux, les plus radicaux des correspondants de guerre russes rejetaient, parfois en termes assez fleuris, la proposition de trêve américaine. Les experts pro-Kremlin interviewés qualifient la proposition américainede "piège". La télévision russe a, elle aussi, remis en doute la sincérité de cette proposition. Bref, pour l’instant rien ne change à Moscou.
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