Dissolution de la Jeune Garde : « Les arguments du ministère de l’intérieur sont basés sur les dires de l’extrême droite »

dimanche 11 mai 2025.
 

Mardi 29 avril, le ministre de l’intérieur Bruno Retailleau a annoncé une procédure de dissolution contre l’organisation antifasciste de la Jeune Garde. Son porte-parole, Cem Yoldas, réagit aux accusations portées contre le groupe.

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Convoqué au commissariat de Strasbourg mardi 29 avril en milieu d’après-midi, Cem Yoldas a reçu la notification de dissolution de la Jeune Garde antifasciste. Quelques heures plus tôt à l’Assemblée nationale, le ministre de l’intérieur, Bruno Retailleau, répondait au député Rassemblement national (RN) Sébastien Chenu et confirmait une « procédure contradictoire contre la Jeune Garde qui doit amener, [il] l’espère, à cette dissolution ».

La notification fait quatre pages. Elle s’appuie notamment sur des publications au sein du groupe Telegram « Antifasquad » dans lequel des membres de la Jeune Garde sont mis en avant pour des agressions sur des militants d’extrême droite.

Porte-parole de la Jeune Garde antifasciste, Cem Yoldas balaye les accusations contre l’organisation antifasciste qui revendique plus d’une centaine de membres dans sept villes en France. Dans un entretien accordé à Rue89 Strasbourg, il insiste sur l’absence de condamnations de militants de la Jeune Garde qui viendrait justifier cette procédure. Il appelle aussi à « faire front » contre la nouvelle offensive du ministre de l’intérieur visant la gauche.

Rue89 Strasbourg : Comment réagissez-vous à l’annonce de cette dissolution par Bruno Retailleau ?

Cem Yoldas : La demande de dissolution de la Jeune Garde est une demande historique de l’extrême droite, du collectif Némésis au député RN Julien Odoul, en passant par le média Frontières. Mardi 29 avril, c’est le député RN Sébastien Chenu qui l’a demandée au ministre de l’intérieur. C’est ce qu’on constate depuis des mois, Bruno Retailleau mène une politique dirigée vers l’extrême droite et répond aux revendications de l’extrême droite la plus violente, comme la Cocarde étudiante.

Les hooligans de Strasbourg Offender ont aussi été menacés de dissolution. Puis la procédure a été annulée en ce qui les concerne…

Les Strasbourg Offender se revendiquent du nazisme et de la violence. Alors qu’il y a des condamnations judiciaires concernant certains de leurs membres, que certains sont poursuivis pour des faits de vente d’armes, la procédure de dissolution qui les concerne est abandonnée.

Depuis plus d’un an, la Cocarde mène une campagne pour notre dissolution, sans fait juridique ni condamnation par la justice.

C’est là qu’on constate une volonté politique du ministre de l’intérieur. Son objectif, c’est de dissoudre les mouvements de gauche. Et c’est ce qu’on constate aujourd’hui avec son souhait de dissoudre la Jeune Garde et le collectif Urgence Palestine.

Quels sont les fondements juridiques de la procédure de dissolution lancée par le ministère de l’intérieur ?

La première chose qui nous a été reprochée dans cette procédure, c’est l’antifascisme. Dans quelques jours, le 8 mai, on célèbre la chute du nazisme et la victoire des Alliés. Récemment, le président de la République a rendu hommage au résistant Missak Manouchian. Et aujourd’hui, on incrimine l’antifascisme en tant que tel. Cette procédure de dissolution est grave, car elle s’attaque à une partie de l’histoire de notre pays.

Ce qui nous est reproché, ce sont aussi des publications avec « un vocabulaire incitant à la violence envers un groupe adverse ». On reproche au député insoumis et porte-parole de la Jeune Garde Raphaël Arnault de s’être filmé, le visage en sang, après une agression de militants néonazis.

Il y a aussi les entraînements d’autodéfense qui sont mis en avant. Nous sommes prêts à nous défendre là-dessus. Pour nous, la pratique de l’autodéfense est nécessaire lorsqu’on voit à Saint-Brevin-les-Pins un maire dont la maison est incendiée par l’extrême droite. Si la question de l’autodéfense se pose, c’est parce que l’État fait preuve d’une complicité passive face à l’extrême droite.

Enfin, il nous est reproché des rixes et des faits de violence avec des militants d’extrême droite. Mais à chaque fois, il n’y a aucune condamnation en justice. Les arguments du ministère de l’intérieur sont basés sur les dires de l’extrême droite. Depuis plus d’un an, la Cocarde mène une campagne pour notre dissolution, sans fait juridique ni condamnation par la justice.

La condamnation en 2022 à quatre mois de prison avec sursis pour des violences de Raphaël Arnault, député de La France insoumise et porte-parole de la Jeune Garde, ne fait-elle pas partie des arguments pour justifier la dissolution ?

Il a fait appel de cette décision. Il est donc présumé innocent. Dans les arguments mis en avant, il n’y a pas de condamnation d’un de nos membres [la Jeune Garde a refusé de nous transmettre la notification de la dissolution, de sorte qu’il nous est impossible de vérifier cette affirmation – ndlr].

Parmi les arguments du ministère de l’intérieur, y a-t-il la mise en examen des huit militants de la Jeune Garde pour des faits de violence contre un adolescent de 15 ans en marge d’un rassemblement de Rima Hassan, à Paris en juin 2024 ?

Oui. Cela fait partie de ce qui nous est reproché. Mais encore une fois, sur ce sujet, il n’y a pas de décision de justice. Pour rappel, cette affaire est sortie pendant les élections législatives. Pour nous, elle procède avant tout d’une volonté de nuire à notre organisation. Lorsque cette affaire ira au tribunal, vu qu’aucune violence n’a été commise et que l’interruption temporaire de travail prononcée est liée à une « violence psychologique », toutes les charges tomberont.

Y a-t-il des faits qui se sont déroulés à Strasbourg dans cette procédure ?

Il m’est reproché de donner des cours d’autodéfense. Aussi, la Jeune Garde aurait agressé des militants de l’Action française. Encore une fois, sans aucune décision de justice, ces faits sont repris dans la procédure de dissolution. Je vous invite à le vérifier : mon casier judiciaire est parfaitement vierge.

La procédure de dissolution est basée sur des éléments publiés sur le canal Telegram « Antifasquad », où la Jeune Garde est régulièrement mise en avant comme ayant fait fuir, mis au sol ou envoyé aux urgences des militants d’extrême droite. Revendiquez-vous ces actions ?

Toute la communication de la Jeune Garde se fait sur nos canaux officiels. Les autres canaux de communication ne dépendent pas de la Jeune Garde, et il peut y être dit n’importe quoi à notre propos. Nos actions sont publiques et revendiquées.

S’ils arrivent à dissoudre la Jeune Garde aujourd’hui, ils s’attaqueront demain à la CGT ou à La France insoumise.

Lorsque les Strasbourg Offender ont attaqué la manifestation contre la loi « sécurité globale » à Strasbourg, nous avons revendiqué sur notre page d’avoir défendu la manifestation. Plus récemment, lorsque des néonazis ont attaqué une soirée pizza du comité Palestine Unistras, il y avait quelques militants de la Jeune Garde qui étaient présents et nous avons revendiqué d’avoir repoussé l’extrême droite.

N’y a-t-il pas un canal officiel où l’on revendique l’autodéfense, un canal officieux où l’on met en avant une violence décrite comme légitime car l’extrême droite « doit être chassée par tous les moyens » ?

Pas du tout. Il n’y a qu’un seul canal de communication, ce sont les réseaux officiels de la Jeune Garde.

Quel est le risque si cette dissolution aboutit ?

Ils peuvent dissoudre une organisation antifasciste, ils ne dissoudront pas l’antifascisme. L’antifascisme, c’est quelque chose qui touche tout le monde, surtout avec le poids que l’extrême droite prend aujourd’hui.

C’est pour ça que nous ne sommes pas paniqués face à cette annonce. Nous allons nous battre pour que cette dissolution n’ait pas lieu.

Il faut souligner que cette procédure constitue une atteinte grave aux libertés publiques. Car, aujourd’hui, on dissout une organisation antifasciste de premier rang, implantée dans sept villes en France (Lyon, Strasbourg, Paris, Marseille, Aix-en-Provence, Lille et Montpellier). La Jeune Garde a un élu à l’Assemblée nationale. Cette dissolution s’inscrit dans la continuité de ce qui a été fait avec les Soulèvements de la Terre, Contre Attaque et la Gale. C’est la porte ouverte à tout.

C’est ça que l’on dénonce aujourd’hui. S’ils arrivent à dissoudre la Jeune Garde aujourd’hui, ils s’attaqueront demain à la CGT ou à La France insoumise, comme on a déjà vu des députés de droite le demander à l’Assemblée nationale récemment.

Quelle est la suite pour la Jeune Garde ?

Il faut aussi se mobiliser et construire une mobilisation unitaire. Quand on attaque une organisation antifasciste, on s’attaque à tout le mouvement social. Nous avons déjà eu le soutien de l’Observatoire national de l’extrême droite, le député insoumis Thomas Portes a communiqué sur notre dissolution. Maintenant, nous cherchons à élargir à l’ensemble de notre camp social et politique, que ce soit des partis, des syndicats, des associations. Parce que nous sommes tous et toutes menacées aujourd’hui.

Guillaume Krempp (Rue89 Strasbourg)


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