Colombie : L’armée et la police d’Uribe font régner la terreur dans les campagnes

lundi 28 janvier 2008.
 

Un rapport dénonce des exécutions « extra-légales » de paysans en Colombie par l’armée ou la police. Les auteurs mettent en cause le pouvoir militaire et étatique et dénoncent une « impunité. »

« La terreur règne dans la campagne colombienne. » Ce cri d’alarme vient de Françoise Escarpit, journaliste française qui a présenté lundi le rapport de la « mission internationale d’observation sur les exécutions extra-légales et l’impunité en Colombie », aux côtés de Fabien Cohen, secrétaire général de l’association France Amérique Latine (FAL) et d’Alexandra Pardo, de FAL Bordeaux.

La journaliste a participé à cette mission avec des juristes, des anthropologues ou des experts en droit de l’homme, au total treize personnes. Ils ont pu compter sur l’appui du bureau du Haut commissariat des Nations Unis en Colombie. « Le but était de vérifier l’existence d’exécutions extra-légales commises par l’armée, la police ou les services secrets colombiens contre des paysans, des indiens, ou des dirigeants de communauté. » Une précédente enquête internationale a montré que 955 cas d’exécution imputés à la force publique ont été enregistrés en Colombie entre juillet 2002 et juin 2007.

La mission est allée à la rencontre de parents et de témoins pour recueillir leur témoignage. Il en ressort un constat accablant pour l’armée et le pouvoir colombien. « Nous avons observé que le même mode opératoire a été utilisé à chaque fois, quel que soit l’endroit. Les personnes sont enlevées et exécutées. Puis les corps sont emmenés ailleurs et habillés d’habits militaires, avec des armes et des tracts de la guérilla déposés autour pour établir une scène du crime factice, raconte la journaliste. Ces morts sont ainsi comptés comme des guérilleros morts au combat, » qui selon les décomptes du gouvernement sont plus de 10 000 depuis 2002.

Selon Françoise Escarpit, qui s’est rendue dans la région de Valledupar (nord du pays), ces exécutions seraient notamment dues « à la prime d’encouragement donnée aux militaires en fonction du nombre de guérilleros abattus, dans le cadre de la “politique de sécurité démocratique” du président Uribe. On peut parler de stratégie de terreur. La “politique de sécurité démocratique” permet des arrestations arbitraires, de syndicalistes notamment. La guérilla menée par les Farc permet de justifier cette politique. Or même si le problème persiste, la guérilla a reculé aujourd’hui. »

« L’Etat devrait protéger les citoyens. On constate que c’est l’inverse »

Pour les auteurs du rapport, « une impunité pratiquement absolue » règne sur ces exécutions. On ne compte que 11 condamnations à ce jour. La plupart des enquêtes sont confiées à la justice militaire, « ce qui pose un problème d’impartialité. » Le rapport préconise donc que la justice civile soit toujours chargée de ces affaires. Encore faut-il les mener à bien. « La justice civile en traite déjà une partie, mais on peut remarquer un manque de volonté pour mener ces enquêtes », souligne Françoise Escarpit, qui n’hésite pas à affirmer que « les plus hauts niveaux militaire et étatique sont mêlés » dans cette histoire. « L’Etat devrait être là pour protéger les citoyens. On constate que c’est l’inverse », dénonce pour sa part Alexandra Pardo, de France Amérique Latine Bordeaux.

Pour ces défenseurs des droits de l’homme, la solution pourrait passer par « des pressions internationales ». Les Etats-Unis bien sûr, grand partenaire de la Colombie, qui aide financièrement et militairement le pays dans sa lutte contre le narcotrafic. Mais, rappelle Fabien Cohen, l’Union européenne aussi, « qui négocie des accords économiques avec la Colombie et la région. Il y a besoin d’une solidarité internationale. »

François Vignal


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