Les candidatures unitaires de la gauche antilibérale sont-elles « mal barrées » pour reprendre le pronostic d’Olivier Besancenot ? Beaucoup le pensaient à mi-juin pour l’équipe de Zidane... Mais notre échec serait autrement dramatique. Car l’histoire ne repasse pas forcément les plats.
Du référendum au CPE, tout démontre qu’en France, décidément, le libéralisme ça ne passe pas ! Et nous devrions accepter de rater l’occasion de proposer un débouché politique à la hauteur ? En tous les cas, qu’aucune des forces ou courants tentés d’aller finalement séparés devant les électeurs ne s’illusionne : si, de ce fait, ils se révèlent dans l’incapacité de changer concrètement le sort de leurs concitoyens, parions qu’ils seront tous au final renvoyés à leur inutilité au profit du seul rempart anti-Sarkozy jugé efficace : un PS débarrassé pour le coup de toute pression... Voilà au moins un pronostic peu risqué.
Mais pour ces raisons, et parce que les réunions répondant à l’appel pour des candidatures unitaires révèle un potentiel citoyen intact, tout reste possible ! Un préliminaire toutefois : nul mouvement ne peut prétendre faire l’unité sur ses conditions. Notre diversité nécessitera de trouver des compromis pour avancer. Examinons les trois questions en suspens.
Le projet. La charte des collectifs du 29 mai prouve que l’accord est possible dès lors qu’il s’agit d’abord d’un programme électoral et non LE projet alternatif au capitalisme pour le 21ème siècle. C’est une indispensable base de départ mais non d’arrivée. Pour déboucher sur un programme il va nous falloir hiérarchiser les mesures de ruptures et indiquer les grandes lignes qui les portent. Or, des lignes, la gauche antilibérale en a plusieurs sur quelques sujets dont celui, crucial, de l’emploi. Insurmontable ? Sans doute pas, mais contourner ces difficultés, c’est s’assurer des lendemains difficiles. Le plus efficace des fil à plomb est de s’attacher à répondre aux exigences populaires en matière sociale et démocratique. Ce qui pose, bien sûr, le caractère nécessairement populaire des collectifs chargés aussi de relayer ces exigences. On y reviendra.
La stratégie. Pour certains il s’agirait de la question la plus délicate. Pourtant un large accord parait se dessiner aujourd’hui sur trois points : la volonté affirmée de battre la droite et l’extrême droite ; la construction d’une démarche à vocation majoritaire afin d’appliquer réellement notre programme ; le refus de renouveler une expérience de la gauche au pouvoir du type de celles des vingt-cinq dernières années. Il est donc là question du contenu d’un accord gouvernemental mais également (les 110 mesures de 1981 et l’ambition républicaine du Jospin de 1997 ne nous ont protégé d’aucun virage décidé par le PS) de rapport de force avec les tenants du social libéralisme. Nous devrons donc refuser de négocier avec la direction actuelle du Parti socialiste sur les bases de son programme de 2007, même en le « gauchisant » de quelques mesures. Dire cela ne tait pas les divergences entre les tenants de la théorie des deux gauches qui estiment en réalité que, quoi qu’il arrive, aucun accord politique ne devrait être possible avec le PS, et ceux, dont nous sommes, qui pensent que la frontière idéologique à gauche passe (encore ?) au sein de ce parti et que bannir par principe toute alliance avec lui, y compris s’il est minoritaire, est en réalité annoncer que nous n’appliquerons jamais notre programme. Mais, si les volontés affichées sont sincères, aucun préalable à construire la dynamique unitaire ne devrait résister au cadre défini par les trois points précités.
Le candidat. Premier axiome : personne ne peut en faire un préalable. Le second : imaginer trancher la question avant l’automne - une fois le contenu de notre campagne suffisamment défini - serait céder aux pièges de la 5ème République pour laquelle tout procède en réalité du candidat. Reste que deux personnalités ont déjà dit leur disponibilité et d’autres noms sont avancés. Repartons encore de ce qui fait accord : une campagne liant présidentielles et législatives, « chorale » comme pour le référendum avec des portes paroles de toutes les sensibilités et, enfin, affichant une volonté permanente de rompre avec la monarchisation de la vie politique. Mais il faudra un nom. Pour notre part nous lui demanderons essentiellement : de porter notre programme sans le modifier, ce qui implique qu’il se maintienne au centre idéologique de notre alliance ; d’accepter le contrôle du collectif de campagne ; de bénéficier de suffisamment de crédibilité pour être présent au 2ème tour. Il faut ensuite, sans trop tarder, débattre de la méthode. Pour commencer, un principe, le seul qui vaille : ce ne sont pas les sondages ni les médias qui devront désigner notre candidat(e) mais en premier lieu les collectifs ! Ce qui implique que ces derniers soient véritablement unitaires et, on l’a dit, populaires c’est-à-dire dépassant largement les cadres militants, organisés ou pas. Cela tombe bien puisque la réussite de notre démarche dépend justement de leur vitalité et de leur engagement citoyen.
Eric Coquerel
Président du MARS (Mouvement pour une Alternative Républicaine et Sociale)
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