Objectif 2007 : Débat entre dirigeants PRS, PCF, LCR, MARS membres du Collectif national pour un rassemblement anti-libéral

jeudi 13 juillet 2006.
Source : L’Humanité
 

Sous le titre Objectif 2007, nous commençons une série de plusieurs articles qui vont être mis en ligne dans les jours à venir : projet du Parti socialiste, dossier sur José Bové, lettre de Marie George Buffet, contribution du Mouvement pour une Alternative Républicaine et Sociale...

" 2007 : quelle unité, pour quoi faire ?

Vous venez d’horizons différents, vous voulez vous rassembler et présenter des candidatures communes en 2007. En quoi votre démarche est-elle crédible ?

Charlotte Girard (PRS) Nous nous sommes déjà rassemblés sur une ligne antilibérale pour la campagne du référendum sur le traité constitutionnel. Et cela a permis la victoire du “ non ” de gauche. Notre rassemblement a donc déjà démontré sa capacité d’entraînement populaire.

Christian Picquet (LCR). De la victoire du non au CPE qui a donné lieu à la plus grosse mobilisation sociale depuis mai 1968 deux éléments ressortent.

1 : le libéralisme est minoritaire dans la société française ;

2 : les politiques d’accompagnement du libéralisme à gauche sont en décalage avec les attentes populaires et même minoritaires dans le peuple de gauche. Par conséquent, il est nécessaire de donner un débouché politique aux mobilisations sociales, aux attentes populaires. Chacun séparément ne pouvons prétendre incarner ce débouché politique de manière crédible. L’unité de la gauche antilibérale, dès lors que les conditions politiques en seraient réunies, est donc une absolue nécessité.

Jean-François Gau (PCF) Et j’ajoute que des questions politiques très sérieuses conditionnent ce rassemblement. Quelle ambition ? Quel projet ? Quelles candidatures communes en 2007 ? Quelles conditions de participation éventuelle à une majorité, à un gouvernement ? Ces questions ne peuvent être réglées que dans une dynamique populaire, d’où l’importance des collectifs qui se créent dans les entreprises, les quartiers.

Dans votre appel vous affirmez que votre premier objectif est de battre la droite. Êtes-vous d’accord sur la manière d’envisager le second tour des élections ?

Jean-François Gau. Dans l’appel qui nous fédère nous répondons que nous nous mobiliserons pour battre la droite et l’extrême droite. La règle du retrait en faveur du candidat de gauche le mieux placé doit donc s’appliquer sans conditions. Ce ne veut en aucun cas dire apporter notre caution à ce candidat. La droite a un projet extrêmement dangereux, tout faire pour empêcher sa victoire en 2007 passe par cette disposition.

Charlotte Girard. Cet objectif est logique. Il est hors de question de permettre à la droite de passer.

Christian Picquet. Je rejoins Jean-François sans hésitation. Nous étions des millions dans la rue contre le CPE pour battre la politique de la droite, il faut la battre aussi dans les élections. Cela dit, si nous sommes amenés à appeler à voter pour le candidat de gauche le mieux placé et que ce candidat ne soit pas celui que nous avons choisi, il va de soi que cela ne signifierait pas pour nous une solidarité avec la politique que défendrait ce candidat.

Vous voulez construire un nouveau rassemblement à gauche. Est-ce possible alors que le paysage de la gauche est dominé par le PS ?

Charlotte Girard. Nous ne pensons pas que l’horizon soit bouché par le PS. Sinon nous ne serions pas engagés comme nous le sommes aujourd’hui. Le PS domine en termes électoraux, c’est un grand parti. Mais nous ne sommes pas obnubilés par cela. Nous pensons que, majoritairement en France, la gauche est antilibérale. Il est donc possible de battre la droite et de gouverner pour changer la vie vraiment, sans nous soumettre à des positions sociales libérales.

Jean-François Gau. Le problème de la mise en oeuvre ou non d’une politique répondant aux attentes de notre peuple et donc rompant avec le libéralisme n’est pas posé qu’à quelques militants, il est posé à l’ensemble du peuple de gauche, à l’ensemble de la gauche : aménagement du libéralisme ou rupture avec le libéralisme, c’est LA question de la gauche. Nous ne sommes pas d’accord avec ce que disent nos camarades majoritaires de la Ligue, à savoir “ rien avec le PS ”. Comme si c’était à nous d’obérer l’avenir. La question est posée à la direction du PS, entre les choix qui sont les siens et le peuple de gauche qui a montré qu’il veut ouvrir une autre voie à gauche. Est-ce que cette autre voie a gauche va se faire entendre à l’occasion de ces élections ? Est-ce que cette exigence va dominer la campagne et créer une situation qui au lendemain des élections sera incontournable ? Pour ça il faut se rassembler, mener ce débat à l’échelle de la gauche et ne pas mettre des barrières.

Est-ce que cela veut dire jusqu’à gouverner ensemble ? Cette question fait visiblement débat entre vous....

Christian Picquet. Nous avons l’ambition de gagner, donc nous ne nous dérobons pas à la question du gouvernement. Nous ne traçons pas une croix sur les militants, sur les électeurs socialistes. Pour changer la donne à gauche il faudra que nous gagnions à un projet antilibéral conséquent une majorité de celles et de ceux qui votent aujourd’hui encore pour le Parti socialiste. Je me félicite d’ailleurs que des adhérents du Parti socialiste fassent partie de notre configuration. C’est un atout pour l’avenir. Mais je ne crois pas, en l’état actuel des choses, possible d’aboutir à un projet commun avec le Parti socialiste en tant que tel. Il y a deux politiques à gauche. Cela renvoie à la confrontation que nous avons eue grande échelle lors de la bataille du référendum. Autour du “ oui ” de gauche il y avait une cohérence : l’acceptation des règles de l’ordre capitaliste dominant. À l’inverse le non de gauche, dans sa diversité, était fondé sur le refus du renoncement face à la loi du profit. Ces deux approches aujourd’hui ne sont pas synthétisables. On ne peut pas être dans un gouvernement où ces deux politiques coexisteraient.

Jean-François Gau. Là dessus, on est d’accord !

Christian Picquet. Alors, disons le clairement !

Jean-François Gau. On ne cesse de le dire !

Claude Michel. Nous sommes très clairs : aucun marchandage, ni avant le premier tour, ni après le second, ni pour les législatives, en revanche, empêcher la droite de passer. Mais je ne voudrais pas qu’on nous enferme dans un livre déjà écrit. La vie politique n’est jamais écrite d’avance, ne serait-ce que par l’évolution du rapport de forces. Serons-nous capables de construire une dynamique autour d’un candidat unique ? Quel score ferons-nous ? Le mouvement social sera-t-il au rendez-vous comme pour le CPE ? Qu’on ne nous demande pas de nous lier les mains sur tout, de considérer qu’il n’y a pas d’évolution possible. La question n’est pas de tirer le PS à gauche mais de recomposer la gauche. Et dans un premier temps de tout faire pour une candidature unitaire et le meilleur résultat possible. La posture qui se veut la plus radicale, la plus pure, poussée à l’extrême, je ne sais pas si elle concilie encore la possibilité de l’union. À trop faire la fine bouche et entretenir la suspicion, ce que fait, me semble-t-il, la majorité de la LCR, je ne suis pas sûr que cela participe de l’élan et de la dynamique. Ce qui se joue n’est pas un tête-à-tête entre le PCF et la LCR. On a inventé autour du 29 mai une alliance entre des forces politiques, syndicales, citoyennes, associatives, franchement à gauche et antilibérales et on a dans notre collectif toutes les composantes. Il nous faut faire avancer cette dynamique des collectifs, démultiplier leur nombre. Sans masquer les débats, on a besoin de mettre en avant ce qui, entre nous, fait convergence.

Jean-François Gau. Nous sommes clairs, malgré ce que dit la direction de la LCR, sur les conditions dans lesquelles nous pourrions envisager d’aller au gouvernement. Nous savons dans quelles conditions nous n’irions pas. Tous nous sommes imbattables pour faire l’analyse de la politique du PS, du social libéralisme. Ayant dit cela, reste la question : devons-nous, oui ou non, nous donner l’objectif de créer une dynamique majoritaire et de porter notre projet dans la vie, jusqu’au gouvernement ? Donc un contrat de gouvernement avec le PS sur son projet, bien sûr que non. Mais favoriser toutes les rencontres, tous les débats, pour poser en grand à la gauche, avec toutes les forces de gauche, la question de la politique à mener, on l’a fait dans les forums et j’espère qu’on le fera dans notre campagne. Nous ne sommes pas en marge de la gauche, nous avons vocation à construire un mouvement majoritaire à gauche comme nous l’avons fait au moment du 29 mai

Éric Coquerel (Mouvement pour une Alternative Républicaine et Sociale) On est d’accord :

1 - pour dire, pas la droite et l’extrême droite ;

2 - pour dire que l’enjeu est de donner un débouché majoritaire aux récentes victoires du peuple français : le référendum, le CPE. Et pour jouer majoritaire sur un programme antilibéral ;

3 - pour dire qu’on ne recommence pas les expériences des vingt dernières années aussi bien 1981 que la gauche plurielle.

Ces 3 bases d’accord sont fondamentales, à moins de penser que les gens ne sont pas sincères. Mais il faut préciser. La question est de savoir si, dans les années à venir, il y a la possibilité d’appliquer un programme antilibéral en France.

Si on pense qu’il y a cette possibilité, historique pour la France et l’Europe, qui est offerte, nous devons tout faire pour y arriver. On ne veut pas se retrouver dans la situation de négocier avec le PS sur la base de son programme. Nous n’avons pas à jouer un jeu de rôles vis-à-vis du Parti socialiste, nous n’avons pas à nous inscrire dans ce qu’a dit François Hollande à Olivier Besancenot : “ Notre rôle c’est de gouverner, le vôtre c’est de protester. ” On ne va pas se demander sans arrêt ce que pense le PS et si notre projet est soluble avec le sien. Sinon, cela voudrait dire qu’on joue minoritaire. En même temps, on ne va pas effacer du paysage le Parti socialiste. Il y a là débat avec la majorité de la LCR. Accompagnement du libéralisme ou rupture, la ligne de fracture passe au sein du Parti socialiste. La situation en France n’est pas celle des autres pays européens, le PS n’est pas un parti démocrate à l’américaine ou un parti totalement blairiste. Pour aller vite, le PS est encore à gauche. Et heureusement, parce que c’est pour ça que nous pouvons espérer constituer une majorité antilibérale. S’il y a une chance à saisir, il faut aussi savoir prendre des risques. Et si les collectifs estiment au lendemain des élections qu’on peut aller dans un gouvernement, il faudra y aller pour tenter d’appliquer notre projet.

Christian Picquet. On ne peut pas faire l’impasse sur le PS, d’accord. Mais imagine-t-on possible que des gens qui sont sur une orientation diamétralement opposée à la nôtre puissent accepter de gouverner sur notre politique ? Imaginons même le cas où la gauche antilibérale ferait 15 %, disposerait d’un groupe parlementaire important mais resterait minoritaire à gauche. Certains seraient peut-être enclins à considérer que le rapport de force est suffisant pour peser sur une alliance avec le PS. Ils auraient tort. En 1981, le Parti communiste faisait 15 %. Il a tenté d’infléchir à gauche la politique du PS et il a échoué... Nous devons donc afficher l’ambition d’être majoritaire pour gouverner sur une politique de rupture franche avec le libéralisme. Mais dire, à l’inverse, que nous ne serions ni d’un gouvernement tournant le dos aux attentes sociales, ni d’une majorité parlementaire soutenant un tel gouvernement. - Au-delà de 2007, ce qui se joue dans les prochaines années, c’est la possibilité de construire une autre force politique, anticapitaliste et antilibérale. On discutera de ses formes pour que toutes les identités y soient respectées, mais telle doit être notre ambition stratégique.

Charlotte Girard. Dire aujourd’hui qu’on ne veut pas gouverner avec le PS, c’est dire qu’on ne veut pas gouverner, qu’on ne se donne pas les moyens de bâtir cette majorité susceptible de l’emporter en 2007. Nous avons des préalables, des conditions. Et d’abord pas de social-démocratie à la Blair ou à la Schröder. Le débat à gauche se jouer sur le contenu. PRS, en étant impliqué dans cet appel, tout en comptant de nombreux militants socialistes, occupe une position singulière. On travaille à une prise de conscience dans le PS et à créer un trait d’union avec la mouvance populaire du 29 mai. Si la gauche veut gagner elle a besoin de ce trait d’union. Je veux souligner l’état d’urgence politique. On veut une dynamique qui trouve déjà une issue en 2007. Notre horizon est certes le long terme, la constitution d’une nouvelle force politique. Mais 2007 est décisif pour la France Et pour mettre notre pays en situation de proposer une alternative à la construction libérale de l’Europe. On ne peut pas attendre.

Jean-François Gau. Veut-on ouvrir ou non une perspective à gauche ? Pour rassembler la gauche, il faut une politique de rupture avec le libéralisme. C’est le problème du Parti socialiste, ce n’est pas notre problème vis-à-vis du PS. Notre objectif de rassembler toute la gauche sur une politique nouvelle peut paraître utopique actuellement, et surtout, c’est un objectif qui menace beaucoup d’intérêts. Nous voulons faire éclater la bipolarisation, nous refusons un paysage UMP-PS, chacun disposant de son “ opposition de sa majesté ”, extrême droite et extrême gauche. Dans cette configuration, l’espoir de millions de gens qui vivent dans la précarité sera réduit à néant. On veut faire éclater ce cadre pour permettre à ces millions de gens qui veulent une transformation de se donner une expression politique et électorale, de faire bouger la situation.

Christian Picquet. On veut ouvrir une perspective aux mobilisations sociales, on veut briser la tentative d’instaurer le bipartisme au centre du jeu politique français et on veut changer la donne à gauche en 2007 et au-delà. C’est ce qui nous unit ici. Toute la question porte sur ce qu’on entend par rassembler toute la gauche. Si c’est le peuple de gauche, les militants, pas de problème. Si c’est cette partie de la direction socialiste qui envisage déjà une alliance avec François Bayrou, ce serait aller à coup sûr aller vers de nouveaux désastres. Cela dit, le débat entre nous avance.

Éric Coquerel. Il y a deux possibilités par rapport aux prochaines élections. Une première c’est une candidature commune et ce qui s’est dit là montre que rien ne devrait l’empêcher. L’autre c’est que tous divisés, nos scores seront tous ridicules et, comme l’a dit Jean-François, viendront renforcer le PS. Pour moi, le choix est évident.

Table ronde réalisée par Olivier Mayer et Jacqueline Sellem Photographies : Patrick Nussbaum


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